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Serbie

Alerte à la pollution

Depuis quelques jours, les rivières de Serbie sont menacées par une grave pollution au plomb et au phénol, une substance extrêmement toxique. Les causes de cette pollution se trouveraient au Kosovo, et alimentent une nouvelle polémique entre Belgrade et l’administration internationale de la province.
De notre correspondante dans le Balkans

A Belgrade, des taux de concentration de phénol 300 fois supérieurs à la normale ont été relevés dans les eaux de la rivière Sitnica, et de 50 fois supérieurs dans celles de l’Ibar. Depuis une semaine, les quelque 100 000 habitants de la ville de Kraljevo, en Serbie centrale, ont reçu l’interdiction de boire l’eau du robinet. Les journaux rapportent depuis quelques jours les dégâts que subissent les écosystèmes des deux rivières. Les poissons meurent en masse. Dans plusieurs communes du nord – serbe – du Kosovo, il a également été déconseillé aux habitants de boire l’eau des puits.

Les causes de cette pollution se trouveraient effectivement au Kosovo. La centrale thermoélectrique d’Obilic, près de Pristina, ayant rejeté des eaux polluées qui se seraient infiltrées dans les rivières et la nappe phréatique. Cette centrale à la technologie archaïque et au fonctionnement plus qu’irrégulier représente, en effet, une véritable bombe écologique à retardement pour toute la région. Près de 750 tonnes de phénol à 40% de concentration seraient ainsi stockées dans le complexe d’Obilic. Les centrales Kosovo A et Kosovo B d’Obilic tombent sans cesse en panne, et les experts de la MINUK se sont toujours révélés incapables de maîtriser la technologie de ce complexe, pourtant construit en son temps par des ingénieurs de l’entreprise française Alstom.

Un dossier explosif

Il est vrai que le dossier de l’énergie et d’Obilic est l’un des plus explosifs qui soit au Kosovo. Alors que la province est soumise à de permanentes coupures de courant, des scandales de corruption ont à plusieurs reprises éclaboussé les responsables albanais de la centrale, ainsi que des fonctionnaires de la Mission des nations unies au Kosovo (MINUK). Jo Trutschler, un ressortissant allemand qui a dirigé la Compagnie d'électricité du Kosovo (KEK) a ainsi été arrêté, le 4 décembre dernier, pour des détournements de fonds s’élevant à 4,5 millions d’euros.

Le gouvernement serbe a officiellement protesté auprès de la MINUK, en se plaignant de ne pas avoir été informé du risque d’infiltrations de phénol pour les rivières qui coulent depuis le Kosovo vers la Serbie centrale, et en dénonçant également le fait que des experts yougoslaves n’aient pas eu le droit d’aller examiner la centrale d’Obilic. Le chef du Centre de coordination yougoslave pour le Kosovo, Nebojsa Covic, a cependant déclaré que des rendez-vous étaient prévus entre les équipes techniques de la MINUK et les experts du gouvernement de Serbie

La MINUK a expliqué que les premières enquêtes n’expliquaient pas les causes de l’augmentation du taux de phénol dans les eaux de l’Ibar, mais elles soulignent que la réglementation serbe ne tolère que des taux de concentration plus faibles que dans l’Union européenne. La MINUK, qui semble chercher à minimiser le danger, affirme que les analyses qu’elle a effectuées ne coïncident pas avec les données relevées en Serbie.

Belgrade, par contre, a décidé de jouer la carte de l’alarmisme, en multipliant les mises en garde à la population, et en évoquant une possible catastrophe écologique. L’occasion était en effet trop belle de dénoncer l’incurie des Nations unies. Au-delà de la bataille politique entre Belgrade et Pristina, le danger écologique, lui, est pourtant bien réel.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 26/01/2003