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Ouverture du procès du Crédit lyonnais

Le procès de la faillite la plus retentissante de l’histoire bancaire récente en France s’ouvre ce lundi à Paris. Sur le banc des prévenus, les anciens dirigeants de l’établissement et des hauts fonctionnaires soupçonnés d’avoir fermé les yeux sur les dérives de la banque publique.
L'affaire du Crédit lyonnais, c'est avant tout l'histoire d'une faillite bancaire, une déroute financière totale pour ce qui était à l'époque la principale banque française. Une banque publique, contrôlée par l'Etat, gérée par un haut fonctionnaire, qui s'est mis au service des ambitions et des besoins financiers de l'Etat socialiste.

Pendant les années 80, on a assisté à toutes sortes d'investissements qui n'avaient pas grand chose à voir avec la fonction principale d'une grande banque publique, par exemple, le rachat des très prestigieux studios de cinéma américain de la Metro Goldwyn Mayer, par l'intermédiaire d'un homme d'affaire italien à la réputation sulfureuse, patron de la SASEA, une société suisse aussi peu recommandable. Le Crédit lyonnais a pourtant apporté plus de 700 millions de dollars à cette société, des millions qui sont partis en fumée.

On se souvient également des opérations réalisées pour le compte de Bernard Tapie, flamboyant homme d'affaire de l'ère Mitterrand, et qui rachetait des entreprises en difficulté les une après les autres. On pense en particulier à Adidas. Des opérations toujours financées par le Crédit lyonnais.

Il y eut enfin, la spéculation dans le secteur de l'immobilier. Là encore, des opérations à risque, s'appuyant sur quelques affairistes, qui se révèlent insolvables quand il faut mettre les comptes à jour.

Défaut de contrôle des autorités de tutelle

A l'arrivée, c'est un gouffre financier de plus de 100 milliard de francs, 15 milliards d'euros, que l'Etat a dû éponger avant de privatiser la banque 10 ans plus tard. Mais c'est pas cela qu'on juge aujourd’hui, c'est le défaut de contrôle des autorités de tutelle, commissaires au compte, Trésor, Banque de France. En ce qui concerne les erreurs de gestion, elles ne tombent pas sous le coup de la loi, sauf s'il y a eu abus de bien social, détournement de fonds, dissimulation ou malversation.

Et c'est bien cela qui va intéresser les juges de la chambre correctionnelle pendant ces quelques semaines de procès. Dès 1991, on savait que les choses tournaient mal. A propos de la Metro Goldwyn Mayer par exemple, les dirigeants du Lyonnais pouvaient déjà mesurer les pertes à venir. Mais rien n'apparaît dans les comptes, aucune provision pour risque. Et jusqu'en 1993, le Crédit lyonnais, officiellement, continue de gagner de l'argent, alors qu'il en perd depuis des années.

C'est cela qui est reproché au patron du Lyonnais, mais surtout aux autorités de contrôle de la banque publique. Les commissaires aux comptes (ils sont trois sur le banc des accusés) et au dessus, le directeur du Trésor et le gouverneur de la Banque de France, à l'époque, respectivement Jean-Claude Trichet et Jacques de la Rosière. Le Trésor contrôle l'ensemble des entreprises du secteur public, et la Banque de France est l’autorité de tutelle des banques.

Tous ont vu passer les comptes. Tous n'ont rien dit et laissé faire pendant des années et c'est pour cela qu'il vont être jugés à partir d'aujourd'hui. Précisons qu’en aucun cas il n'est question d'enrichissement personnel.

Difficile de dire aujourd'hui ce que risquent les prévenus, mais pour Jean-Claude Trichet, l'essentiel est ailleurs. En théorie, il doit succéder en juillet prochain au président de la Banque centrale européenne (BCE). Jean-Claude Trichet est programmé pour cela depuis quatre ans. Ce serait l’aboutissement de sa carrière. On se doute qu'une condamnation mettrait fin immédiatement à ses ambitions européenne. Même s'il fait appel d'une condamnation, ou si le procès est reporté, le doute empêchera Jean-Claude Trichet d'atteindre son but.

Le gouvernement français a longtemps soutenu son candidat à la présidence de la BCE. Mais depuis quelques semaine, manifestement on n'y croit plus vraiment. Des plans de rechange sont à l'étude. Et si Christian Noyer, l'actuel vice-président de la BCE, a récemment évoqué sa candidature, c'est sans doute qu'il avait le feu vert du gouvernement.

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L'éditorial économique de Norbert Navarro (06/01/03).



par Marc  Lebeaupin

Article publié le 06/01/2003