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Sécurité alimentaire

Buffalo Grill : pas encore jugé, déjà sanctionné

Le groupe de restauration Buffalo Grill joue son existence et l'emploi de plus de 6000 salariés dans l'enquête sur une éventuelle importation de viande britannique frappée d'embargo. Justice, presse, consommateurs, marchés financiers se relaient pour entretenir un climat défavorable à l’entreprise. Secret de l'instruction, présomption d'innocence et craintes légitimes des consommateurs sont mis à mal.
Depuis le 18 décembre, date de la mise en examen de quatre dirigeants de la chaîne de restaurants Buffalo Grill, informations et démentis ne cessent de se succéder. La juge d'instruction Marie-Odile Bertella-Geoffroy, chargée de l'enquête sur une éventuelle importation de viande britannique, après mars 1996 début de l'embargo en raison de risque de propagation de la maladie de la vache folle, estime que la diffusion dans la presse d'informations inexactes ou incomplètes peut nuire à l'enquête. Une fois de plus la question du secret de l'instruction, à géométrie variable dans la réalité, refait surface. C'est également l'avis, pour des raisons opposées, de François Picart, président du directoire de Buffalo Grill. Tous deux préféreraient que des informations fiables soient communiquées officiellement, pour justifier le bien-fondé des soupçons d'un côté, pour montrer qu'ils ne le sont guère, de l'autre. Jusqu'à ce jour le Parquet n'a pas jugé bon d'accéder à leur demande.

De fait, les accusations formulées par des salariés ou ex-salariés de Districoupe, la filiale de Buffalo Grill spécialisée dans l'achat et la répartition de la viande dans les différents restaurants, ont eu un effet désastreux pour le groupe. La fréquentation des restaurants a chuté de 40% depuis la mi-décembre et Buffalo Grill annonce un manque à gagner de 3,5 millions d'euros sur le chiffre d'affaires de 2002. Les consommateurs sont devenus extrêmement méfiants depuis la multiplication des scandales liés aux fraudes alimentaires et particulièrement pour tout ce qui touche à la maladie de la vache folle et sa variante humaine, la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Toute information et même toute rumeur se traduit par des changements massifs de comportement. La médiatisation forte accordée ces dernières années aux questions de consommation pousse en ce sens.

6 000 emplois en jeu

En ce qui concerne l'affaire Buffalo Grill il a été reproché à la presse de relayer, sans discernement, les accusations. Les journalistes répliquent que les bribes d’informations qu’on consent à leur distiller sous couvert de confidences sont effectivement souvent partielles, voire partiales. Les maladresses de la direction du groupe n'ont pas contribué à améliorer la situation. Jouant dans un premier temps le silence, Christian Picart, PDG de Buffalo, a ensuite affirmé que ses restaurants n'avaient jamais vendu de viande britannique, ni avant, ni après l'embargo. Il a dû convenir peu après que cette affirmation était excessive au moins pour ce qui concerne la période précédant l'embargo.

Le risque pour le groupe, bien que pour l'instant la justice ne se soit pas prononcée, est suffisamment élevé pour que les 6 000 salariés s'inquiètent de leur emploi. Fait rare, ils se sont même livrés, il y a peu, à une manifestation de soutien à leur patron. Le groupe Buffalo Grill comprend 260 restaurants en France et en Europe pour un chiffre d’affaires, en 2001, de 275 millions d’euros. Jusqu’en décembre 2002 c’était une entreprise en pleine expansion, triplant ses bénéfices entre 2000 et 2001.

Le 18 décembre la Commission des opérations de Bourse (COB) suspendait la cotation de Buffalo Grill en raison de la panique consécutive à l’arrestation du PDG du groupe. Le titre avait alors théoriquement perdu 90% de sa valeur. Les cotations ont repris le 8 janvier et la perte à tout de même atteint 44%. Avec la financiarisation de l’économie, le face à face sans intermédiaire qui oppose désormais les entreprises aux marchés financiers les expose de plein fouet. Pour le quotidien économique Les Echos «Il ne fait pas confondre liquidité et liquidation. Si le marché a pour première mission d’assurer la liquidité des titres cotés, il faut savoir éviter les mouvements irrationnels source de spoliation». Pour Buffalo Grill il est peut-être déjà trop tard.



par Francine  Quentin

Article publié le 09/01/2003