Côte d''Ivoire
Paris tente de sortir de l’impasse
Le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin a annoncé mardi qu’il se rendra «prochainement» dans la région: «Nous restons mobilisés pour sortir du blocage actuel. La France prend le risque de la paix et de la réconciliation», a-t-il précisé.
Le gouvernement français a une nouvelle fois invité ses ressortissants à quitter la Côte d’Ivoire, à l’issue d’une nouvelle réunion, lundi, de la cellule de crise élyséenne. A propos des fonctionnaires, le Quai d’Orsay a précisé qu’«il s’agit d’un retour en France des personnels non indispensables», ce qui concerne des centaines de personnes, travaillant surtout dans les établissements scolaires qui ont été saccagés la semaine dernière par des manifestants, et qui ont été invités à avancer leurs vacances d’hiver.
Mais, en dépit des appels répétés du gouvernement, une partie seulement des quelque 16 000 Français ou bi-nationaux de Côte d’Ivoire ont finalement quitté le pays. Alors que Air France a accepté de mettre sur pied des vols supplémentaires quotidiens à destination de Paris et a même consenti une forte réduction (de 50%) sur leur prix. Ce qui a conduit la compagnie aérienne française à arrêter ce mardi ses vols supplémentaires, parce que les jours précédents ses avions étaient rentrés presque vides (de 5 à 10 % de taux de remplissage).
Ce phénomène intrigue quelque peu ceux qui, à Paris, s’attendaient à des retours massifs. Bien entendu, une partie des ressortissants français résidant en Côte d’Ivoire a du mal à financer le retour de leur famille et a préféré rapatrier seulement femmes et enfants. Mais la plupart d’entre eux ont visiblement choisi de rester en Côte d’Ivoire, qu’ils considèrent désormais leur pays d’adoption, en dépit des événements de ces derniers mois. Certains d’entre eux ont même choisi d’appuyer les Ivoiriens qui ont contesté récemment la politique du gouvernement français depuis l’insurrection militaire du 19 septembre dernier. Une «première» assez surprenante, mais qui confirme que la communauté française de Côte d’Ivoire a profondément évolué ces dernières années, ne ressemble presque plus à celle des années de «vaches grasses» (jusqu’à la fin des années 80) et est aujourd’hui intégrée dans la nouvelle réalité ivoirienne. Lors du putsch de Noël 1999 qui a porté au pouvoir Robert Gueï, elle avait même demandé au gouvernement français de ne pas intervenir militairement dans une affaire qui, au départ, ne concernait que l’armée ivoirienne. Ce que Paris a finalement accepté.
Bouaké a perdu la moitié de ses habitants
Trois ans plus tard, il semble bien que la communauté française ne soit pas outre mesure inquiète, même si nul ne peut prévoir l'avenir immédiat d’un pays plus que jamais divisé en deux «zones», où une guerre civile larvée continue de faire des victimes et de déplacer des milliers de civils. Aussi, l’Agence France Presse écrit depuis Bouaké que la «capitale» des rebelles a d’ores et déjà perdu la moitié de ses 650 000 habitants, ceux qui sont restés étant des partisans du MPCI. Les quartiers du marché tenus par les Baoulé (originaires du centre-sud) sont vides, la plupart des commerces du centre ville fermés. Alors qu’au grand marché, dont les commerçants sont en majorité dioula (nord), les étals sont largement garnis, même si les marchandises ne s’écoulent pas faute d’argent. En réalité les affrontements entre pro-loyalistes et pro-rebelles ont été nombreux au début de l’insurrection, et ne sont apparemment pas terminés.
Selon de nouveaux témoignages publiés par la presse ivoirienne, un véritable massacre a été perpétré le 24 janvier dernier à l’ouest de Bouaké, près de la sous-préfecture de Mankono, dans le village de Soukourou-Gban: dix membres de la famille du sous-préfet ont été tués par les rebelles du MPCI et quatre autres blessés, lors d’une cérémonie funéraire. Il s’agit de membres de l’ethnie Mona, dont certains ont pu s’échapper et témoigner. Ces événements tragiques ne sont pas nouveaux, et confirment ce qu’écrivait déjà l’ONU dans son dernier rapport au Conseil de sécurité, qui avait parlé «d’exécutions sommaires, extra-judicaires et arbitraires à Abidjan, à Bouaké et à Korhogo, perpétrées par les deux parties en conflit».
Dans un autre meeting organisé mardi à Bouaké, les trois mouvements rebelles, rebaptisés «Forces nouvelles», ont une nouvelle fois expliqué à la population pourquoi ils restent attachés aux accords de Marcoussis. Au même moment, le Parlement ivoirien s’est «auto-saisi» du même sujet brûlant, pour rappeler son opposition à ces mêmes accords et refuser notamment l’attribution aux rebelles des postes ministériels de la Défense et de l’Intérieur. Deux attitudes apparemment inconciliables, mais qui continuent de faire l’objet de nombreuses tractations souterraines, si l’on croit différentes sources.
Mais, en dépit des appels répétés du gouvernement, une partie seulement des quelque 16 000 Français ou bi-nationaux de Côte d’Ivoire ont finalement quitté le pays. Alors que Air France a accepté de mettre sur pied des vols supplémentaires quotidiens à destination de Paris et a même consenti une forte réduction (de 50%) sur leur prix. Ce qui a conduit la compagnie aérienne française à arrêter ce mardi ses vols supplémentaires, parce que les jours précédents ses avions étaient rentrés presque vides (de 5 à 10 % de taux de remplissage).
Ce phénomène intrigue quelque peu ceux qui, à Paris, s’attendaient à des retours massifs. Bien entendu, une partie des ressortissants français résidant en Côte d’Ivoire a du mal à financer le retour de leur famille et a préféré rapatrier seulement femmes et enfants. Mais la plupart d’entre eux ont visiblement choisi de rester en Côte d’Ivoire, qu’ils considèrent désormais leur pays d’adoption, en dépit des événements de ces derniers mois. Certains d’entre eux ont même choisi d’appuyer les Ivoiriens qui ont contesté récemment la politique du gouvernement français depuis l’insurrection militaire du 19 septembre dernier. Une «première» assez surprenante, mais qui confirme que la communauté française de Côte d’Ivoire a profondément évolué ces dernières années, ne ressemble presque plus à celle des années de «vaches grasses» (jusqu’à la fin des années 80) et est aujourd’hui intégrée dans la nouvelle réalité ivoirienne. Lors du putsch de Noël 1999 qui a porté au pouvoir Robert Gueï, elle avait même demandé au gouvernement français de ne pas intervenir militairement dans une affaire qui, au départ, ne concernait que l’armée ivoirienne. Ce que Paris a finalement accepté.
Bouaké a perdu la moitié de ses habitants
Trois ans plus tard, il semble bien que la communauté française ne soit pas outre mesure inquiète, même si nul ne peut prévoir l'avenir immédiat d’un pays plus que jamais divisé en deux «zones», où une guerre civile larvée continue de faire des victimes et de déplacer des milliers de civils. Aussi, l’Agence France Presse écrit depuis Bouaké que la «capitale» des rebelles a d’ores et déjà perdu la moitié de ses 650 000 habitants, ceux qui sont restés étant des partisans du MPCI. Les quartiers du marché tenus par les Baoulé (originaires du centre-sud) sont vides, la plupart des commerces du centre ville fermés. Alors qu’au grand marché, dont les commerçants sont en majorité dioula (nord), les étals sont largement garnis, même si les marchandises ne s’écoulent pas faute d’argent. En réalité les affrontements entre pro-loyalistes et pro-rebelles ont été nombreux au début de l’insurrection, et ne sont apparemment pas terminés.
Selon de nouveaux témoignages publiés par la presse ivoirienne, un véritable massacre a été perpétré le 24 janvier dernier à l’ouest de Bouaké, près de la sous-préfecture de Mankono, dans le village de Soukourou-Gban: dix membres de la famille du sous-préfet ont été tués par les rebelles du MPCI et quatre autres blessés, lors d’une cérémonie funéraire. Il s’agit de membres de l’ethnie Mona, dont certains ont pu s’échapper et témoigner. Ces événements tragiques ne sont pas nouveaux, et confirment ce qu’écrivait déjà l’ONU dans son dernier rapport au Conseil de sécurité, qui avait parlé «d’exécutions sommaires, extra-judicaires et arbitraires à Abidjan, à Bouaké et à Korhogo, perpétrées par les deux parties en conflit».
Dans un autre meeting organisé mardi à Bouaké, les trois mouvements rebelles, rebaptisés «Forces nouvelles», ont une nouvelle fois expliqué à la population pourquoi ils restent attachés aux accords de Marcoussis. Au même moment, le Parlement ivoirien s’est «auto-saisi» du même sujet brûlant, pour rappeler son opposition à ces mêmes accords et refuser notamment l’attribution aux rebelles des postes ministériels de la Défense et de l’Intérieur. Deux attitudes apparemment inconciliables, mais qui continuent de faire l’objet de nombreuses tractations souterraines, si l’on croit différentes sources.
par Elio Comarin
Article publié le 04/02/2003