Zimbabwe
Les signaux confus de l’Europe
Le dossier des sanctions européennes à l’encontre du Zimbabwe illustre, une nouvelle fois, les difficultés des Quinze à s'entendre sur une politique extérieure commune. Les messages envoyés en direction de Harare, ces derniers temps, manquent un peu de cohérence et l'invitation faite au Président Mugabe d'assister au Sommet France-Afrique des 20 et 21 février, à Paris, semble ajouter à la confusion.
Tout a commencé le 18 février 2002, lorsque l'Union européenne constatant le climat de violence politique et les violations graves des droits de l'homme au Zimbabwe, adopte des sanctions à l'encontre du président Mugabe et de 19 dignitaires du régime, membres du gouvernement ou officiers supérieurs. Ces personnes sont frappées d'interdiction de séjour sur le territoire européen et leurs avoirs financiers y sont bloqués. En juillet 2002, à la demande de la Grande-Bretagne, l'UE rallonge la liste des responsables zimbabwéens sous sanctions.
L'un d'eux, Stan Mudenge, ministre des Affaires étrangères, n'en est pas moins convié le 27 septembre 2002, à Bruxelles, au lancement des négociations pour des accords de partenariat économique entre l'Europe et le groupe des pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique). L’invitation est critiquée par des organisations de défense des droits de l'homme.
Début novembre, le Danemark, alors président en exercice de l'UE, doit accueillir à Copenhague une conférence ministérielle entre les Quinze et les Etats membres de la Communauté de développement de l'Afrique australe dont le Zimbabwe fait partie. Ne pas inviter de représentant zimbabwéen risquerait de provoquer un boycottage de la réunion par d'autres pays africains. Les autorités danoises proposent un compromis. Il consiste à contourner l'interdiction de visas sur le territoire européen en déplaçant la conférence en Afrique. Elle se tiendra finalement à Maputo, au Mozambique.
Fin novembre, Harare fait figurer, parmi ses délégués à la 5ème session de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE à Bruxelles, les ministres-députés Paul Mangwana et Christopher Kuruneri. Bien qu'inscrits sur la liste noire européenne, les deux hommes débarquent en possession de visas en bonne et due forme fournis par la Belgique avec l'aval des Quinze et du service juridique du Conseil européen, en vertu de dérogations prévues dans la «position commune européenne» de février 2002.
Ces dérogations autorisent les personnes, même sous le coup de sanctions, à venir en Europe lorsqu’il s'agit de participer à des réunions internationales. Mais le Parlement européen, hôte de la réunion, se dit partisan d'une application rigoureuse et sans exception des sanctions et refuse aux deux délégués zimbabwéens l'accès à ses locaux. L'affaire débouche sur un clash spectaculaire. Les 77 délégations du groupe ACP rejettent la «décision unilatérale du Parlement européen dénuée de tout fondement juridique» et boycottent la session qui doit être annulée.
Nouveau rebondissement, le 23 janvier 2003. La France informe ses partenaires européens qu'elle a invité le chef de l'Etat zimbabwéen Robert Mugabe à assister à Paris au Sommet franco-africain des 20 et 21 février. Elle invoque les dérogations à l'interdiction de séjour prévues dans la «position commune européenne» lorsqu'il s'agit d'inviter des responsables à participer à «un dialogue politique visant à promouvoir la démocratie, l'Etat de droit, et les droits de l'Homme au Zimbabwe».Ce sera, dit-on, l'un des thèmes du Sommet de Paris. Selon la procédure en vigueur, chaque Etat européen peut, endéans les 48 heures, opposer son veto à la dérogation.
Quatre pays, la Grande Bretagne, la Suède, les Pays-Bas et l'Allemagne , font part de leurs objections. Anna Lindh, ministre suédois des Affaires étrangères, parle de «très étrange signal» en direction de Harare. La discussion au Conseil des Affaires étrangères du 27 janvier à Bruxelles, souligne les divergences au sein des Quinze. Les Etats-Unis, de leur côté, tiennent à faire savoir qu'ils trouvent l'invitation française au Président Mugabe regrettable et demandent à l’Europe de renforcer ses sanctions.
Sac de noeuds
Londres pourrait, à la limite, fermer les yeux sur la présence de Robert Mugabe à Paris dans un cadre franco-africain. Mais le problème se complique avec la tenue, le 5 avril à Lisbonne, d'un Sommet Europe-Afrique. Pour le Premier ministre britannique Tony Blair, qui n'a de cesse de dénoncer les dérives dictatoriales du président Mugabe, il est hors de question de figurer sur la photo de famille en sa compagnie. Le ministre portugais des Affaires étrangères, Antonio Martins da Cruz, résume ainsi la situation: «Si M. Mugabe est invité à Lisbonne, plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement européens ne viendront pas, s'il n'est pas invité, plusieurs chefs d'Etat africains boycotteront cette rencontre.»
Lisbonne, veut à tout prix sauver «son» Sommet, quitte à en reporter la date pour trouver une solution de rechange. Elle pourrait consister à inviter le Premier ministre zimbabwéen à la place du Président.
D'un autre côté, le temps presse. Les sanctions européennes à l'encontre du Zimbabwe viendront à expiration le 18 février, soit deux jours avant le Sommet France Afrique et leur prolongation doit être décidée à l'unanimité.
En principe, les Quinze sont tous d'accord pour renouveler les sanctions, même si la France et la Belgique ont toujours posé la question de savoir quelle est leur efficacité réelle. Mais ils se divisent sur les modalités de mise en oeuvre des dérogations. En pratique, Paris estime que les sanctions doivent être appliquées sans dogmatisme et dans un esprit d'ouverture, en maintenant un contact avec le régime Mugabe pour chercher une solution tout en lui adressant des messages fermes.» Qui dit sanctions, ne dit pas que la diplomatie s'arrête» explique le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin. Le Portugal veut également plus de flexibilité et demande la suppression du droit de veto qui permet à un Etat membre, à lui tout seul, de s'opposer aux dérogations.
Un compromis présenté par la présidence grecque de l'Union propose le renouvellement des sanctions pour 12 mois et la suppression du droit de veto qui serait remplacé par un système d'acceptation des dérogations à la majorité qualifiée des Quinze. La formule n'a pas pu être adoptée le 30 janvier par le comité des représentants permanents européens en raison de demandes supplémentaires de Lisbonne. Les Quinze feront une nouvelle tentative pour accorder leurs violons la semaine prochaine. A moins de quinze jours de l'expiration des sanctions.
L'un d'eux, Stan Mudenge, ministre des Affaires étrangères, n'en est pas moins convié le 27 septembre 2002, à Bruxelles, au lancement des négociations pour des accords de partenariat économique entre l'Europe et le groupe des pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique). L’invitation est critiquée par des organisations de défense des droits de l'homme.
Début novembre, le Danemark, alors président en exercice de l'UE, doit accueillir à Copenhague une conférence ministérielle entre les Quinze et les Etats membres de la Communauté de développement de l'Afrique australe dont le Zimbabwe fait partie. Ne pas inviter de représentant zimbabwéen risquerait de provoquer un boycottage de la réunion par d'autres pays africains. Les autorités danoises proposent un compromis. Il consiste à contourner l'interdiction de visas sur le territoire européen en déplaçant la conférence en Afrique. Elle se tiendra finalement à Maputo, au Mozambique.
Fin novembre, Harare fait figurer, parmi ses délégués à la 5ème session de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE à Bruxelles, les ministres-députés Paul Mangwana et Christopher Kuruneri. Bien qu'inscrits sur la liste noire européenne, les deux hommes débarquent en possession de visas en bonne et due forme fournis par la Belgique avec l'aval des Quinze et du service juridique du Conseil européen, en vertu de dérogations prévues dans la «position commune européenne» de février 2002.
Ces dérogations autorisent les personnes, même sous le coup de sanctions, à venir en Europe lorsqu’il s'agit de participer à des réunions internationales. Mais le Parlement européen, hôte de la réunion, se dit partisan d'une application rigoureuse et sans exception des sanctions et refuse aux deux délégués zimbabwéens l'accès à ses locaux. L'affaire débouche sur un clash spectaculaire. Les 77 délégations du groupe ACP rejettent la «décision unilatérale du Parlement européen dénuée de tout fondement juridique» et boycottent la session qui doit être annulée.
Nouveau rebondissement, le 23 janvier 2003. La France informe ses partenaires européens qu'elle a invité le chef de l'Etat zimbabwéen Robert Mugabe à assister à Paris au Sommet franco-africain des 20 et 21 février. Elle invoque les dérogations à l'interdiction de séjour prévues dans la «position commune européenne» lorsqu'il s'agit d'inviter des responsables à participer à «un dialogue politique visant à promouvoir la démocratie, l'Etat de droit, et les droits de l'Homme au Zimbabwe».Ce sera, dit-on, l'un des thèmes du Sommet de Paris. Selon la procédure en vigueur, chaque Etat européen peut, endéans les 48 heures, opposer son veto à la dérogation.
Quatre pays, la Grande Bretagne, la Suède, les Pays-Bas et l'Allemagne , font part de leurs objections. Anna Lindh, ministre suédois des Affaires étrangères, parle de «très étrange signal» en direction de Harare. La discussion au Conseil des Affaires étrangères du 27 janvier à Bruxelles, souligne les divergences au sein des Quinze. Les Etats-Unis, de leur côté, tiennent à faire savoir qu'ils trouvent l'invitation française au Président Mugabe regrettable et demandent à l’Europe de renforcer ses sanctions.
Sac de noeuds
Londres pourrait, à la limite, fermer les yeux sur la présence de Robert Mugabe à Paris dans un cadre franco-africain. Mais le problème se complique avec la tenue, le 5 avril à Lisbonne, d'un Sommet Europe-Afrique. Pour le Premier ministre britannique Tony Blair, qui n'a de cesse de dénoncer les dérives dictatoriales du président Mugabe, il est hors de question de figurer sur la photo de famille en sa compagnie. Le ministre portugais des Affaires étrangères, Antonio Martins da Cruz, résume ainsi la situation: «Si M. Mugabe est invité à Lisbonne, plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement européens ne viendront pas, s'il n'est pas invité, plusieurs chefs d'Etat africains boycotteront cette rencontre.»
Lisbonne, veut à tout prix sauver «son» Sommet, quitte à en reporter la date pour trouver une solution de rechange. Elle pourrait consister à inviter le Premier ministre zimbabwéen à la place du Président.
D'un autre côté, le temps presse. Les sanctions européennes à l'encontre du Zimbabwe viendront à expiration le 18 février, soit deux jours avant le Sommet France Afrique et leur prolongation doit être décidée à l'unanimité.
En principe, les Quinze sont tous d'accord pour renouveler les sanctions, même si la France et la Belgique ont toujours posé la question de savoir quelle est leur efficacité réelle. Mais ils se divisent sur les modalités de mise en oeuvre des dérogations. En pratique, Paris estime que les sanctions doivent être appliquées sans dogmatisme et dans un esprit d'ouverture, en maintenant un contact avec le régime Mugabe pour chercher une solution tout en lui adressant des messages fermes.» Qui dit sanctions, ne dit pas que la diplomatie s'arrête» explique le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin. Le Portugal veut également plus de flexibilité et demande la suppression du droit de veto qui permet à un Etat membre, à lui tout seul, de s'opposer aux dérogations.
Un compromis présenté par la présidence grecque de l'Union propose le renouvellement des sanctions pour 12 mois et la suppression du droit de veto qui serait remplacé par un système d'acceptation des dérogations à la majorité qualifiée des Quinze. La formule n'a pas pu être adoptée le 30 janvier par le comité des représentants permanents européens en raison de demandes supplémentaires de Lisbonne. Les Quinze feront une nouvelle tentative pour accorder leurs violons la semaine prochaine. A moins de quinze jours de l'expiration des sanctions.
par Anne-Marie Mouradian
Article publié le 02/02/2003