Côte d''Ivoire
Gbagbo : «J’accepte l’esprit de Marcoussis, mais…»
Le président ivoirien a déclaré vendredi soir qu’il «s’engage dans l’esprit du texte de Marcoussis», et appelé les Ivoiriens à faire de même, à se rassembler et à retourner au travail. Tout en ajoutant : «à chaque fois qu’il y aura contradiction, j’appliquerai la Constitution. Je suis votre dernier rempart». Ce samedi, le ministère français des Affaires étrangères a noté «l'engagement du président ivoirien de travailler à l'application de ces accords» et a pris acte de «la nomination comme Premier ministre de M. Seydou Diarra».
«Je ne suis pas un tricheur, je ne sais pas tricher. J’accepte et je m’engage dans l’esprit du texte de Marcoussis. Essayons, et si ça ne marche pas, nous le verrons bien… Essayons ce médicament : s’il nous guérit, c’est tant mieux, s’il ne nous guérit pas, nous essaierons un autre médicament. Faisons tout pour qu’il nous guérisse et nous sorte de l’état de guerre». Dans son allocution tant attendue à la nation ivoirienne, Laurent Gbagbo a préféré une fois de plus le langage franc et direct, quitte à reconnaître - et à faire admettre - des vérités pas toujours faciles à avaler.
Conscient de la gravité de la situation et de l’état de délabrement du pays, à l’issue de près de cinq mois de guerre civile larvée, le président ivoirien a mis sur la place publique toutes les difficultés à appliquer un «compromis» nécessairement insatisfaisant, mais qui a l’avantage de rappeler à tout le monde quelques évidences : l’intégrité du pays, la légalité constitutionnelle et le redémarrage de la «machine administrative» bloquée depuis le début de la rébellion, le 19 septembre dernier.
C’est pour cela qu’il a tenu une nouvelle fois à rappeler que le retour à la paix passe par des compromis et des sacrifices, par d’autres «potions amères», et que ce qui compte n’est pas de passer son temps à se bagarrer sur les textes des accords de Marcoussis, de Lomé ou d’Accra, mais sur la réalité d’une transition nécessairement délicate et difficile.
Laurent Gbagbo a ainsi confirmé que le choix du premier ministre de consensus - le principal «compromis» acquis à Paris - n’est pas en cause. Seydou Diarra, qui bénéficie apparemment de la confiance de toutes les parties, pourra donc composer son gouvernement en tenant compte de l’accord de Marcoussis, en dépit de l’hostilité manifeste d’une partie importante des partisans de Gbagbo, notamment au sein du FPI.
Dans ce but, il a déclaré qu’il «comprenait leur colère, parce qu’au moment où les discussions n’étaient pas encore achevées, il était insoutenable de voir les rebelles apparaître à la télévision (pour dire qu’ils avaient obtenu les ministères de la Défense et de l’Intérieur). C’est ce qui a mis le feu aux poudres ! A partir de ce moment-là, tout le monde a cessé de regarder les accords de Marcoussis». Une manière de relancer «l’esprit de Marcoussis», et de le faire accepter par une opinion publique traumatisée par la partition de fait du pays et l’arrivée de centaines de milliers de réfugiés de l’intérieur qui ont été obligés de quitter le nord et l’ouest du pays pour converger vers l’agglomération abidjanaise. Ce qui lui a permis, en passant, de mettre en avant la «faute» commise par Guillaume Soro, il y a quinze jours à Paris, lorsqu’il a annoncé lui-même «sa victoire de Kléber».
Parallèlement, le président Gbagbo a voulu rassurer les forces armées, malmenées par l’opinion publique et qui ont du mal à accepter que des mutins ou des insurgés puissent devenir leurs supérieurs. «Les forces armées de Côte d’Ivoire ne seront pas désarmées, a-t-il martelé. Le gouvernement français m’a assuré que c’était une mauvaise lecture» des accords de Marcoussis, qui parlent tout de même de cantonnement. Est-ce à dire que cette question - cruciale - est elle aussi de nouveau sur la table des négociations ? Depuis le 19 septembre, le désarmement et le cantonnement des rebelles décidés lors du sommet d’Accra ne cessent de poser des problèmes, et sont en partie à l’origine de l’échec des négociations de Lomé. A Marcoussis les deux «armées» ont apparemment été mises sur un plan d’égalité, ce qui a choqué beaucoup de chefs d’Etat d’Afrique, tous conscients qu’ils ne sont pas à l’abri d’éventuelles rébellions, mutineries ou tentatives de putsch. Autant dire que les négociations sur ce point ne sont sans doute pas près d’aboutir.
Le discours de Gbagbo, en effet, a été presque rejeté en bloc, par des représentants de l’opposition et de la rébellion. Pour Ali Coulibaly, porte-parole du RDR, Gbagbo «ne veut pas des accords de Marcoussis. Il l’a dit clairement, pour différentes raisons». Quant à Mohamadou Savané, délégué du MPCI, il a dit que le président ivoirien «a tout rejeté. Il considère les accords de Marcoussis comme des proposition, il accepte la désignation de Seydou Diarra à condition qu’il fasse le boulot tel que lui l’entend et non pas tel que les accords de Marcoussis l’ont défini». Ce qui semble indiquer que la constitution d’un «gouvernement de consensus» est loin d’être acquise, en dépit de la bonne volonté et de l’expérience de Seydou Diarra.
Enfin, en ne citant jamais le nom de Jacques Chirac et de Dominique de Villepin, Laurent Gbagbo a confirmé que le bras de fer mi-psychologique mi-politique entre Paris et Abidjan continue. Mais le président ivoirien ne fait que riposter au discours inaugural du sommet de l’avenue Kléber, lorsque le président français avait remercié tous les chefs d’Etats concernés par la Côte d’Ivoire - y compris les absents - a l’exception notable de celui de la Côte d’Ivoire. La veille, Laurent Gbagbo avait refusé à Jacques Chirac la nomination de Henriette Diabaté (numéro deux du RDR) à la tête du futur gouvernement de consensus.
Au moment où le président français refuse que le président Bush considère que Paris soit «une banlieue de Washington», Laurent Gbagbo rappelle à son homologue français qu’Abidjan n’est pas non plus «une banlieue de Paris».
Conscient de la gravité de la situation et de l’état de délabrement du pays, à l’issue de près de cinq mois de guerre civile larvée, le président ivoirien a mis sur la place publique toutes les difficultés à appliquer un «compromis» nécessairement insatisfaisant, mais qui a l’avantage de rappeler à tout le monde quelques évidences : l’intégrité du pays, la légalité constitutionnelle et le redémarrage de la «machine administrative» bloquée depuis le début de la rébellion, le 19 septembre dernier.
C’est pour cela qu’il a tenu une nouvelle fois à rappeler que le retour à la paix passe par des compromis et des sacrifices, par d’autres «potions amères», et que ce qui compte n’est pas de passer son temps à se bagarrer sur les textes des accords de Marcoussis, de Lomé ou d’Accra, mais sur la réalité d’une transition nécessairement délicate et difficile.
Laurent Gbagbo a ainsi confirmé que le choix du premier ministre de consensus - le principal «compromis» acquis à Paris - n’est pas en cause. Seydou Diarra, qui bénéficie apparemment de la confiance de toutes les parties, pourra donc composer son gouvernement en tenant compte de l’accord de Marcoussis, en dépit de l’hostilité manifeste d’une partie importante des partisans de Gbagbo, notamment au sein du FPI.
Dans ce but, il a déclaré qu’il «comprenait leur colère, parce qu’au moment où les discussions n’étaient pas encore achevées, il était insoutenable de voir les rebelles apparaître à la télévision (pour dire qu’ils avaient obtenu les ministères de la Défense et de l’Intérieur). C’est ce qui a mis le feu aux poudres ! A partir de ce moment-là, tout le monde a cessé de regarder les accords de Marcoussis». Une manière de relancer «l’esprit de Marcoussis», et de le faire accepter par une opinion publique traumatisée par la partition de fait du pays et l’arrivée de centaines de milliers de réfugiés de l’intérieur qui ont été obligés de quitter le nord et l’ouest du pays pour converger vers l’agglomération abidjanaise. Ce qui lui a permis, en passant, de mettre en avant la «faute» commise par Guillaume Soro, il y a quinze jours à Paris, lorsqu’il a annoncé lui-même «sa victoire de Kléber».
Parallèlement, le président Gbagbo a voulu rassurer les forces armées, malmenées par l’opinion publique et qui ont du mal à accepter que des mutins ou des insurgés puissent devenir leurs supérieurs. «Les forces armées de Côte d’Ivoire ne seront pas désarmées, a-t-il martelé. Le gouvernement français m’a assuré que c’était une mauvaise lecture» des accords de Marcoussis, qui parlent tout de même de cantonnement. Est-ce à dire que cette question - cruciale - est elle aussi de nouveau sur la table des négociations ? Depuis le 19 septembre, le désarmement et le cantonnement des rebelles décidés lors du sommet d’Accra ne cessent de poser des problèmes, et sont en partie à l’origine de l’échec des négociations de Lomé. A Marcoussis les deux «armées» ont apparemment été mises sur un plan d’égalité, ce qui a choqué beaucoup de chefs d’Etat d’Afrique, tous conscients qu’ils ne sont pas à l’abri d’éventuelles rébellions, mutineries ou tentatives de putsch. Autant dire que les négociations sur ce point ne sont sans doute pas près d’aboutir.
Le discours de Gbagbo, en effet, a été presque rejeté en bloc, par des représentants de l’opposition et de la rébellion. Pour Ali Coulibaly, porte-parole du RDR, Gbagbo «ne veut pas des accords de Marcoussis. Il l’a dit clairement, pour différentes raisons». Quant à Mohamadou Savané, délégué du MPCI, il a dit que le président ivoirien «a tout rejeté. Il considère les accords de Marcoussis comme des proposition, il accepte la désignation de Seydou Diarra à condition qu’il fasse le boulot tel que lui l’entend et non pas tel que les accords de Marcoussis l’ont défini». Ce qui semble indiquer que la constitution d’un «gouvernement de consensus» est loin d’être acquise, en dépit de la bonne volonté et de l’expérience de Seydou Diarra.
Enfin, en ne citant jamais le nom de Jacques Chirac et de Dominique de Villepin, Laurent Gbagbo a confirmé que le bras de fer mi-psychologique mi-politique entre Paris et Abidjan continue. Mais le président ivoirien ne fait que riposter au discours inaugural du sommet de l’avenue Kléber, lorsque le président français avait remercié tous les chefs d’Etats concernés par la Côte d’Ivoire - y compris les absents - a l’exception notable de celui de la Côte d’Ivoire. La veille, Laurent Gbagbo avait refusé à Jacques Chirac la nomination de Henriette Diabaté (numéro deux du RDR) à la tête du futur gouvernement de consensus.
Au moment où le président français refuse que le président Bush considère que Paris soit «une banlieue de Washington», Laurent Gbagbo rappelle à son homologue français qu’Abidjan n’est pas non plus «une banlieue de Paris».
par Elio Comarin
Article publié le 08/02/2003