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Côte d''Ivoire

Marcoussis relancé

Rejeté par les «patriotes» proches du pouvoir d’Abidjan mais souhaité dans son application intégrale par les rebelles, l’accord de Marcoussis redevient le document de base autour duquel la nouvelle Côte d’Ivoire va se constituer. Seydou Diarra, le Premier ministre désigné est confirmé à son poste et engage ses consultations pour la nomination du nouveau gouvernement de réconciliation nationale.
Sous la houlette du président du Ghana, John Kufuor qui est aussi président en exercice de la Cedeao, le groupe de contact de la Cedeao (Ghana, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal et Togo) a effectivement permis de relancer l’accord de Marcoussis mis à mal par certaines déclarations du président Gbagbo lui-même, de son épouse Simone, présidente du groupe parlementaire du FPI à l’Assemblée nationale et par la rue d’Abidjan, régulièrement prise d’assaut par les «patriotes», proches du pouvoir. Avant la tenue de la réunion de Yamoussoukro provoquée par le groupe de contact de la Cedeao, le10 février, les rebelles (MPCI, MPIGO et MJP) devenus Forces nouvelles, avaient déjà adressé un ultimatum d’une semaine au pouvoir d’Abidjan, menaçant de reprendre les armes si l’accord de Marcoussis n’est pas respecté.

Les rebelles ont pris la communauté internationale à témoin en faisant étalage de leur bonne foi. Ils ont parcouru de nombreuses régions sous leur contrôle pour expliquer l’esprit de l’accord de Marcoussis, suscitant l’adhésion des populations. Pendant ce temps de violentes manifestations à Abidjan avaient pour but de démontrer une opposition massive à l’accord. Le président Gbagbo pris entre sa base et ses engagements devant ses pairs africains, à Kléber (centre international de conférence de l’avenue Kléber à Paris), a plusieurs fois repoussé son intervention face à la nation ivoirienne. De nombreux chefs d’Etat africains, s’étaient d’ailleurs dits très étonnés des tergiversations de Laurent Gbagbo. La décision de s’adresser à la nation s’est finalement prise après quelques pressions internationales, dont celles de la France et de l’ONU. Le Conseil de sécurité des Nations unies a rendu public un rapport dénonçant notamment les fameux «escadrons de la mort» qui assassinent des opposants et qui seraient proches du régime. Cet affaiblissement du pouvoir d’Abidjan a convaincu Laurent Gbagbo d’accepter l’invitation de John Kufuor à se rendre à Accra, le 6 février avant de s’adresser aux Ivoiriens le 7 février et de recevoir les membres du groupe de contact de la Cedeao, le 10 février.

C’est dans ce contexte que le groupe de contact de la Cedeao avait souhaité la participation des Forces nouvelles à la réunion de Yamoussoukro pour donner une valeur symbolique et politique au début d’application de l’accord de Marcoussis. Mais les rebelles n’ont pas fait le déplacement jusqu’à la capitale administrative de Côte d’Ivoire. Pendant le mini sommet de Yamoussoukro, chaque chef rebelle est resté dans son fief. A Bouaké, par exemple, Guillaume Soro, le secrétaire général du MPCI a tenu une conférence dans laquelle il a annoncé que «si Seydou Diarra proclame un gouvernement qui n’a rien à voir avec ce qui a été décidé à Paris, nous n’irons pas travailler à Abidjan et cela n’arrêtera pas notre ultimatum. Il ne restera plus que l’option militaire», a-t-il ajouté.

D’autres raisons les auraient aussi poussé à rester à la maison. Du retour de Paris, ils auraient gardé un mauvais souvenir de la réception que le président Wade leur aurait réservée à Dakar. Les services du protocole diplomatique au Sénégal auraient traité avec beaucoup de déférence les deux Premiers ministres ivoiriens, Pascal Affi Nguessan et Seydou Diarra, considérations auxquelles ils n’auraient pas eu droit. En effet, à Marcoussis les discussions se sont tenues sur des bases égales, à leur grande satisfaction. Ils considèrent que le pouvoir d’Abidjan n’a pas plus de légitimité qu’eux et ont cherché à garder à sauvegarder leur honneur en boycottant Yamoussoukro .«Notre présence ne changera rien», se plaisent-ils à dire en insistant sur leur seule volonté: l’application de l’accord de Marcoussis.

La grande tâche du nouveau Premier ministre est de nommer un gouvernement de réconciliation nationale qui conduira une transition dont le terme est fixé à fin 2005 et de préparer de nouvelles élections générales. Selon l’accord de Marcoussis et les engagements pris avenue Kléber, une répartition équitable des postes ministériels a été établie. Le nouveau gouvernement comptera huit ministères d’Etat à raison de deux par grand parti: Le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo, enlève les ministères de l’Economie et des Finances, et de l’Industrie; le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de l’ancien président Henri Konan Bédié, les Affaires étrangères et, soit l’Information, soit les Structures économiques et sociales; le Rassemblement des républicains (RDR) d’Alassane Ouattara, l’Agriculture et la Justice; le Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), dont le secrétaire général est Guillaume Soro, occupera les ministères de l’Intérieur et de la Défense.

Les difficultés du nouveau Premier ministre débutent précisément à ce niveau. Mettre des noms sur chaque poste attribué, selon la volonté des états-majors des partis concernés. Les attributions devront également recueillir l’approbation du président de la République. Quelques noms posent déjà problème. Le président du RDR a choisi la secrétaire générale de son parti, Henriette Diabaté, pour être ministre de la Justice. Le président Gbagbo aurait déjà refusé cette nomination parce qu’il aurait été l’élève du professeur Henriette Diabaté. D’autres nominations à problème concernent les postes attribués au MPCI. Selon des sources proches de la rébellion le ministère de la Défense serait confié au colonel Michel Gueu, qui était en poste à Bouaké avant de rejoindre la rébellion. Au poste de ministre de l’Intérieur le nom de Louis Dacoury est cité. Ces noms ne conviennent pas au président de la République mais les états-majors des partis politiques maintiennent leurs candidats en arguant que la participation au gouvernement d’union nationale et de transition, imposé par l’accord de Marcoussis, ne pourrait souffrir des humeurs du président de la République, dont le maintien en poste a aussi été négocié.



par Didier  Samson

Article publié le 11/02/2003