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Côte d''Ivoire

L’optimisme mesuré des Français de Côte d’Ivoire

L’Association des «Français du renouveau», créée depuis une dizaine d’années en Côte d’Ivoire, est aujourd’hui l’une des plus importantes associations de Français à l’étranger. Environ six mille personnes avaient leur carte d’adhérents en 1999, mais depuis cette date et le début de l’instabilité politico-militaire en Côte d’Ivoire, l’association compte moins de quatre mille membres actifs. Elle s’est donnée pour mission d’apporter assistance et secours aux expatriés français, mais très vite ce sont plusieurs nationalités européennes qui ont rejoint cette association présidée par Bernard Sadet.
RFI : Quels types de secours et d’assistance offrez-vous à vos adhérents, notamment en ces moments de crise en Côte d’Ivoire ?
Bernard Sadet:
Notre association offre de multiples services à ses membres dont un, la protection et l’assistance. Nous avons une commission «assistance» composée de 24 bénévoles qui dispose d’une centrale radio qui couvre tout Abidjan, qui nous permet d’être joignable à tout moment afin de répondre aux attentes de ceux qui nous sollicitent. Pendant la période difficile des manifestations d’Abidjan ces dernières semaines, notre commission «assistance» a travaillé en collaboration avec les forces de l’ordre d’Abidjan. Nous avons des accords qui nous lient et cela nous a permis d’intervenir lorsque des ressortissants européens et français ont été attaqués à leur domicile pour les aider à sortir de ce mauvais pas et repousser par ailleurs les quelques voyous qui venaient piller les maisons.

RFI: Avez-vous aussi des opérations d’assistance aux expatriés ailleurs qu’à Abidjan ?
B.S.:
Nous pouvons intervenir partout où nous sommes demandés. Nous avons eu à rapatrier des gens qui étaient à Odienné, dans le nord. Nous avons conduit également des opérations de rapatriement de la ville de Bouaké.

RFI: Vos interventions se sont-elles faites en coordination avec les soldats de l’opération Licorne,
B.S.:
Non pas du tout. Nos interventions ont été entièrement menées par nous-mêmes. La seule intervention que nous avons faite avec les militaires c’est de ramener nos compatriotes récemment vers Abidjan dans un convoi de cent trente voitures. Sinon nos opérations sont menées par nos propres moyens et sans aides extérieures.

RFI: Selon vos chiffres et constatations combien de Français et d’expatriés seraient déjà partis de Côte d’Ivoire ?
B.S.:
Pour l’instant tous les départs dont nous avons connaissance sont temporaires. Ce sont les candidats au départs eux-mêmes qui le disent. Selon les statistiques du consulat de France nous étions 16 244 il y a moins d’un an et aujourd’hui les chiffres tournent autour de 10 000 Français recensés et encore présents en Côte d’Ivoire. Ces chiffres sont également confirmés par le Conseil supérieur des Français de l’étranger. En plus de ces chiffres il faut ajouter environ 1000 personnes d’autres nationalités européennes qui sont sorties de Côte d’Ivoire. Elles espèrent toutes revenir dans ce pays et pensent comme nous que le calme devrait bientôt régner à nouveau en Côte d’Ivoire.

RFI: C’est actuellement les vacances scolaires, les enseignants et élèves en profité pour sortir de la Côte d’Ivoire, pensez-vous qu’ils vont revenir dès la fin de la semaine prochaine pour la rentrée scolaire ?
B.S.:
Les trois établissement français et internationaux, Jean Mermoz, Blaise Pascal et le groupe de la Riviera, ont confirmé par leurs directeurs et propriétaires qu’ils ouvriront leurs portes dès le 17 février. Ces établissement ont gravement été endommagés, mais des réparations et des remises en état ont été effectués. J’ai également obtenu cette assurance auprès du conseiller chargé de mission et de coopération de l’ambassade de France.

RFI: Les Français mènent beaucoup d’activités économiques en Côte d’Ivoire, ils sont à la tête de nombreuses PME (Petites et moyennes entreprises), comment vivent-ils la situation ?
B.S.:
Pour ce qui concerne les grands groupes, il est vrai que de nombreux cadres des entreprises sont partis avec leur famille mais de nombreux autres sont restés pour faire tourner, autant que faire se peut, l’entreprise. Pour ce qui concerne les PME, elles sont pratiquement toutes ouvertes mais avec d’énormes difficultés financières. Les commandes sont en chute libre, les échéances ne sont pas honorées, les traites sont en retard, les fournisseurs deviennent méfiants, bref, tout est au ralenti et la plupart des entreprises tournent à moins de 60% voire à moins de 50% de leurs capacités. Il y a eu beaucoup de mises en chômage technique et il ne faudrait pas que la crise perdure parce que beaucoup de sociétés mettraient la clef sous le paillasson.

RFI: Quels sont les secteurs d’activités privilégiés par les entrepreneurs français de Côte d’Ivoire ?
B.S.:
En Côte d’Ivoire on estime à environ six cent le nombre des PME françaises. On est donc dans tous les secteurs. Ces entreprises constituent d’ailleurs la base de l’économie ivoirienne. La Côte d’Ivoire à ce titre est le seul pays en Afrique de l’ouest à compter autant de PME qui confortent son économie nationale.

RFI: Face à ces difficultés de trésorerie et de fonctionnement, avez-vous reçu quelques promesses de soutien ou d’aide de la part des autorités ivoiriennes ou françaises pour la relance prochaine de vos activités ?
B.S.:
Eh bien, ma réponse est nette: nous n’avons reçu de personne aucune promesse d’aide. Moi qui suis à la tête de plusieurs sociétés, j’ai aussi d’énormes difficultés, je serai obligé de puiser dans des réserves alors que je n’ai aucune garantie de retrouver assez vite un équilibre me permettant de poursuivre certaines activités. Je ne suis au courant d’aucun plan qui pourrait nous tirer d’affaire. Nous sommes obligés de nous débrouiller nous-mêmes.

RFI: Avez-vous prévu de solliciter quelques appuis par le biais de votre association pour venir en aide aux expatriés ?
B.S.:
L’association n’a pas les moyens financiers pour aider les entreprises en difficultés. En revanche notre action consiste à participer à la recherche de solutions à la crise par tous les moyens, chacun à son niveau, sur les plans économique, social ou humain. Auprès du conseil d’administration de la CFE, la Caisse des français de l’étranger, et le ministre de la Santé, Jean-François Matéi, nous avons reçu l’assurance que les Français rapatriés bénéficieraient immédiatement de la CMU, la Couverture maladie universelle, au lieu d’attendre un minimum de trois mois. Pour les Français résidents dans les régions de Bouaké et de Korhogo nous avons obtenu une suspension temporaire de leurs cotisations auprès de la CFE depuis le mois de novembre. Enfin une lettre de Michèle Alliot-Marie, la ministre de la Défense, nous assure que la protection des biens et des personnes serait désormais assurée par les forces de l’ordre de Côte d’Ivoire, selon les engagements de l’Etat ivoirien et par ailleurs par le déploiement des soldats français partout où il serait nécessaire.



par Propos recueillis par Didier  Samson

Article publié le 12/02/2003