Irak
Les conséquences humanitaires d'une guerre en Irak
Kofi Annan a rencontré hier les membres du Conseil de sécurité de l'ONU pour évoquer les possibles conséquences humanitaires d'une guerre en Irak. Selon l'ONU, en cas de conflit, 10 millions de personnes auront besoin d'une aide alimentaire. Le secrétaire général de l'ONU a demandé 83 millions de dollars supplémentaires pour se préparer au pire.
New York (Nations unies), de notre correspondant
Contrainte et forcée, l'ONU se prépare à faire face à une guerre en Irak. Cela ne veut pas dire que Kofi Annan a perdu tout espoir. Au contraire, le secrétaire général pense que les inspections peuvent permettre de désarmer l'Irak pacifiquement. En même temps, l'ONU a le devoir de se préparer à faire face aux conséquences humanitaires du conflit, qui pourrait éclater à tout moment. A la veille d'une rencontre dont pourrait dépendre l'avenir de l'Irak, Kofi Annan a donc présenté à huis clos aux membres du Conseil de sécurité les conséquences humanitaires d'un conflit tel que l'ONU le prévoit. «Sa présentation nous a bien montré qu'en cas de guerre, la situation humanitaire sera très difficile», explique un diplomate présent lors de la rencontre.
Selon Kofi Annan, près de 10 millions d'Irakiens se retrouveront dans une situation de besoin alimentaire. Il a rappelé que déjà 60% de la population vit sous perfusion du programme «pétrole contre nourriture» qui serait gravement perturbé par le conflit. Pour fuir les combats qui feront rage dans les villes, l'ONU anticipe que 2 millions d'Irakiens seront jetés sur les routes, réfugiés à l'intérieur de leur propre pays. Entre 600 000 et 1,5 millions d'Irakiens pourraient également fuir le pays. «Nous devons reconnaître qu'un conflit pourrait avoir lieu et causer des pertes et des souffrances terribles pour le peuple irakien», a expliqué Kenzo Oshima, le patron du Bureau de coordination des affaires humanitaires. Selon lui, l'attaque américaine risque de provoquer une pénurie de carburant, d'électricité et d'eau potable. «Environ 50% de la population pourrait être sans accès à l'eau», a-t-il expliqué.
Les agences de l'ONU comme le Programme alimentaire mondial et le Haut commissariat aux réfugiés se tiennent donc prêts à entrer en action même si, dans un premier temps, il semble que l'armée américaine pourvoira au besoins les plus urgents de la population irakienne -un mélange des genres mal venu, selon beaucoup de spécialistes de l'intervention humanitaire. D'ores et déjà, des rations alimentaires destinées à satisfaire aux besoins de 250 000 personnes pendant dix semaines ont été pré-positionnées dans la région. Il en faudrait pour 650 000 personnes de plus. Il faudrait également des trousses d'urgences médicales pour 1 million de personnes, mais pour l'instant, l'ONU ne peut subvenir qu'au quart de ces besoins. Des tentes et des couvertures sont également disponibles. Le bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU supervise les opérations et a déjà envoyé du personnel dans la région.
Faute d'argent, l'ONU n'est pas prête: ces préparations ont un coût que les Nations unies ne peuvent pas soustraire des programmes existants. Après avoir discrètement obtenu des promesses pour 37 millions de dollars ces dernières semaines, Kofi Annan a cette fois réclamé 83 millions supplémentaires. Washington fournira semble-t-il plus de la moitié, mais les pays opposés à la guerre semblent réticents à contribuer. Kofi Annan a jusqu'à maintenant confié le dossier à son adjointe Louise Fréchette, qui dirige une cellule chargée de coordonner les efforts de l'ONU. A plusieurs reprises, cette cellule a rencontré des délégations américaines de haut niveau, comprenant notamment des militaires. Jusqu'à maintenant, ces travaux se déroulaient dans le plus grand secret, de peur de donner le signal qu'une guerre était inévitable. Les ONG s'en sont d'ailleurs émues. Selon elles, ces pudeurs diplomatiques risquent de nuire à l'effort de préparation. L'ONU semble avoir entendu le message. Elle a créé une «task force» dirigée par le pakistanais Rafeeuddin Ahmed pour déjà planifier la reconstruction de l'Irak qui, selon le PNUD, pourrait coûter à terme près de 100 milliards de dollars (5 fois plus que les estimations pour la reconstruction de l'Afghanistan).
Les dernières estimations de Kofi Annan semblent tirées d'un document de travail de l'ONU qui avait fait l'objet d'une fuite voilà quelques semaines. Ce document se basait sur un scénario selon lequel le réseau électrique irakien serait gravement endommagé, avec des conséquences catastrophiques pour les hôpitaux et la distribution d'eau potable, particulièrement à Bagdad et dans le centre du pays. Les routes, les ponts et les voies ferrées seraient également durement touchés, ce qui rendrait difficile la distribution de l'aide humanitaire, ralentie par ailleurs par le manque de carburant, dans la mesure où la production de pétrole serait aussi interrompue.
Ce document prévoyait que à cause des conséquences directes ou indirectes de la guerre, 500 000 Irakiens pourraient avoir besoin d'un traitement médical. L'ONU s'attend également à ce que de larges épidémie se répandent. Les mères, les enfants, les orphelins, les handicapés et les personnes âgées seront selon les experts onusiens les plus vulnérables. L'ONU s'attend aussi à ce que près de 900 000 irakiens cherchent à trouver refuge en Iran, et 50 000 en Arabie Saoudite. Les camps de réfugiés à la frontière irakienne pourraient abriter jusqu'à un demi million de personnes. Au bout du compte, selon l'ONU, la situation sera bien pire qu'en 1991. Non seulement parce qu'on s'attend à une guerre de grande ampleur, mais aussi parce que la population irakienne a été considérablement affaiblie par plus de dix ans de sanctions.
Contrainte et forcée, l'ONU se prépare à faire face à une guerre en Irak. Cela ne veut pas dire que Kofi Annan a perdu tout espoir. Au contraire, le secrétaire général pense que les inspections peuvent permettre de désarmer l'Irak pacifiquement. En même temps, l'ONU a le devoir de se préparer à faire face aux conséquences humanitaires du conflit, qui pourrait éclater à tout moment. A la veille d'une rencontre dont pourrait dépendre l'avenir de l'Irak, Kofi Annan a donc présenté à huis clos aux membres du Conseil de sécurité les conséquences humanitaires d'un conflit tel que l'ONU le prévoit. «Sa présentation nous a bien montré qu'en cas de guerre, la situation humanitaire sera très difficile», explique un diplomate présent lors de la rencontre.
Selon Kofi Annan, près de 10 millions d'Irakiens se retrouveront dans une situation de besoin alimentaire. Il a rappelé que déjà 60% de la population vit sous perfusion du programme «pétrole contre nourriture» qui serait gravement perturbé par le conflit. Pour fuir les combats qui feront rage dans les villes, l'ONU anticipe que 2 millions d'Irakiens seront jetés sur les routes, réfugiés à l'intérieur de leur propre pays. Entre 600 000 et 1,5 millions d'Irakiens pourraient également fuir le pays. «Nous devons reconnaître qu'un conflit pourrait avoir lieu et causer des pertes et des souffrances terribles pour le peuple irakien», a expliqué Kenzo Oshima, le patron du Bureau de coordination des affaires humanitaires. Selon lui, l'attaque américaine risque de provoquer une pénurie de carburant, d'électricité et d'eau potable. «Environ 50% de la population pourrait être sans accès à l'eau», a-t-il expliqué.
Les agences de l'ONU comme le Programme alimentaire mondial et le Haut commissariat aux réfugiés se tiennent donc prêts à entrer en action même si, dans un premier temps, il semble que l'armée américaine pourvoira au besoins les plus urgents de la population irakienne -un mélange des genres mal venu, selon beaucoup de spécialistes de l'intervention humanitaire. D'ores et déjà, des rations alimentaires destinées à satisfaire aux besoins de 250 000 personnes pendant dix semaines ont été pré-positionnées dans la région. Il en faudrait pour 650 000 personnes de plus. Il faudrait également des trousses d'urgences médicales pour 1 million de personnes, mais pour l'instant, l'ONU ne peut subvenir qu'au quart de ces besoins. Des tentes et des couvertures sont également disponibles. Le bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU supervise les opérations et a déjà envoyé du personnel dans la région.
Faute d'argent, l'ONU n'est pas prête: ces préparations ont un coût que les Nations unies ne peuvent pas soustraire des programmes existants. Après avoir discrètement obtenu des promesses pour 37 millions de dollars ces dernières semaines, Kofi Annan a cette fois réclamé 83 millions supplémentaires. Washington fournira semble-t-il plus de la moitié, mais les pays opposés à la guerre semblent réticents à contribuer. Kofi Annan a jusqu'à maintenant confié le dossier à son adjointe Louise Fréchette, qui dirige une cellule chargée de coordonner les efforts de l'ONU. A plusieurs reprises, cette cellule a rencontré des délégations américaines de haut niveau, comprenant notamment des militaires. Jusqu'à maintenant, ces travaux se déroulaient dans le plus grand secret, de peur de donner le signal qu'une guerre était inévitable. Les ONG s'en sont d'ailleurs émues. Selon elles, ces pudeurs diplomatiques risquent de nuire à l'effort de préparation. L'ONU semble avoir entendu le message. Elle a créé une «task force» dirigée par le pakistanais Rafeeuddin Ahmed pour déjà planifier la reconstruction de l'Irak qui, selon le PNUD, pourrait coûter à terme près de 100 milliards de dollars (5 fois plus que les estimations pour la reconstruction de l'Afghanistan).
Les dernières estimations de Kofi Annan semblent tirées d'un document de travail de l'ONU qui avait fait l'objet d'une fuite voilà quelques semaines. Ce document se basait sur un scénario selon lequel le réseau électrique irakien serait gravement endommagé, avec des conséquences catastrophiques pour les hôpitaux et la distribution d'eau potable, particulièrement à Bagdad et dans le centre du pays. Les routes, les ponts et les voies ferrées seraient également durement touchés, ce qui rendrait difficile la distribution de l'aide humanitaire, ralentie par ailleurs par le manque de carburant, dans la mesure où la production de pétrole serait aussi interrompue.
Ce document prévoyait que à cause des conséquences directes ou indirectes de la guerre, 500 000 Irakiens pourraient avoir besoin d'un traitement médical. L'ONU s'attend également à ce que de larges épidémie se répandent. Les mères, les enfants, les orphelins, les handicapés et les personnes âgées seront selon les experts onusiens les plus vulnérables. L'ONU s'attend aussi à ce que près de 900 000 irakiens cherchent à trouver refuge en Iran, et 50 000 en Arabie Saoudite. Les camps de réfugiés à la frontière irakienne pourraient abriter jusqu'à un demi million de personnes. Au bout du compte, selon l'ONU, la situation sera bien pire qu'en 1991. Non seulement parce qu'on s'attend à une guerre de grande ampleur, mais aussi parce que la population irakienne a été considérablement affaiblie par plus de dix ans de sanctions.
par Philippe Bolopion
Article publié le 14/02/2003