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Irak

Les Etats-Unis acculés à l'ONU

Au terme d'une journée de négociations, les Etats-Unis ont échoué à rassembler le soutien nécessaire pour obtenir une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU autorisant une guerre en Irak. Alors que la grande majorité des pays du Conseil soutiennent le processus d'inspections, Washington et Londres apparaissent isolés.
New York (Nations unies), de notre correspondant

Au terme d'une longue journée de négociations, l'objectif des neufs voix nécessaires à une résolution de l'ONU autorisant une guerre en Irak paraissait hier inaccessible aux Etats-Unis. Déstabilisé par un rapport plutôt positif du chef des inspecteurs de l'ONU, troublé par les applaudissements qui ont salué un plaidoyer passionné contre la guerre et pour les inspections du Français Dominique de Villepin, le secrétaire d'Etat américain Colin Powell n'a pas su convaincre. Chacun campant sur ses positions, la réunion à huis clos du Conseil qui a suivi la séance publique s'est transformée en «un exercice plutôt ennuyeux» selon un observateur. La rencontre entre les ministres des cinq membres permanents du Conseil a même été annulée, pour des raisons d'emploi du temps disait-on.

Au terme de la rencontre, chaque camp faisait le bilan de ses forces. La Grande-Bretagne, l'Espagne et la Bulgarie restent fermement dans le camp américain, mais ces trois pays se sont fait moins virulents qu'à l'accoutumée dans leurs remarques. «Le Cameroun et la Guinée ont été vagues, mais ils sont toujours avec nous. Le Pakistan et l'Angola sont sous pression, mais ils sont toujours opposés à la guerre. En revanche, le Mexique et le Chili nous inquiètent, ils sont sur la brèche», explique un diplomate opposé à la guerre.

Soumis à des pressions croisées des grandes puissances, les «petits pays du Conseil» peinent à choisir leur camp. Courtisés, menacés, parfois achetés, ils évitent aussi longtemps que possible d'afficher des positions claires qui pourraient leur valoir les foudres de tel ou tel grand pays. La seule rencontre bilatérale de Dominique de Villepin a été réservée au ministre des Affaires étrangères mexicain, dont le pays est considéré comme un pivot sur la question Irakienne. «Pour l'instant, le Mexique est déterminé à poursuivre dans la voie des inspections, mais si il flanche, le Chili tombe avec lui», commentait-on dans l'entourage du ministre. Le Pakistan et l'Angola sont également l'objet d'énormes pressions américaines. «Nous sommes quand même les seuls à avoir allongé de l'aide alimentaire pour l'Angola», observe un diplomate français.

Résistance aux pressions américaines

Pour l'instant, le rouleau compresseur américain ne parvient pas à arracher les neuf voix nécessaires. Si jamais Washington les obtenait, à force de pression, il s'exposerait à un veto russe ou français. Bluff ? «L'option d'un veto français existe bel et bien», reconnaît un diplomate. Dans ces conditions, les Etats-Unis auront-ils la patience d'engager le long processus diplomatique nécessaire pour obtenir une autorisation de l'ONU ? «On voit mal ce qu'ils auraient à gagner avec une vague résolution, votée par neuf voix pour et six abstentions. A mon avis, la rupture est consommée. Ils vont contourner l'ONU», commente un fonctionnaire onusien. Dans cette hypothèse, le projet de deuxième résolution pourrait bien ne jamais voir le jour.

Malgré tout, les diplomates britanniques laissent toujours planer l'idée d'une nouvelle résolution, en début de semaine prochaine, après la nouvelle rencontre publique sur l'Irak pour les Etats non membres du Conseil, qui risque de se transformer de nouveau en tribune contre la guerre en Irak. «Tout est une question de mots. Si une résolution est rédigée avec un langage vraiment subtil, ils pourraient peut-être obtenir péniblement les neuf voix nécessaires». On évoque un texte «probablement très court, avec un paragraphe constatant que l'Irak n'a pas coopéré suffisamment, et un paragraphe évoquant de sérieuses conséquences», commente un spécialiste du dossier. De nombreux observateurs relèvent que les Etats-Unis ont besoin de la légitimité onusienne, ne serait-ce que pour partager les coûts et la charge de la reconstruction de l'Irak. Le Premier ministre britannique, Tony Blair, en butte à une opinion publique hostile à la guerre, peu difficilement se passer de l'onction de la communauté internationale. Pour toutes ces raisons, Washington accordera probablement quelques semaines de plus au processus onusien.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 15/02/2003