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Côte d''Ivoire

Ouagadougou: étape symbole pour la rébellion

Commencée le 14 janvier dernier par le Ghana, la tournée diplomatique de la rébellion ivoirienne s’est achevée hier mardi avec l’étape du Burkina. Cette dernière étape était d’autant plus symbolique que le gouvernement ivoirien accuse le Burkina de soutenir militairement les rebelles.
De notre correspondant au Burkina Faso

C’est à bord d’un petit avion de la présidence nigériane que la délégation du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI) qui revenait d’Abuja, Niamey puis Bamako est arrivée à Ouagadougou lundi soir tard dans la nuit. Accompagné du secrétaire exécutif de la CEDEAO, le docteur Ibn Chambas, Guillaume Soro et le porte-parole de son mouvement Sidiki Konaté ont été accueillis par le ministre burkinabé des affaires étrangères en personne, Youssouf Ouédraogo qui s’est déplacé jusqu’au bas de la passerelle de l’aéronef. L’ambiance était détendue. Le ministre burkinabé et le secrétaire général du MPCI se sont donnés l’accolade. «Il ne faut pas oublier que le secrétaire exécutif de la CEDEAO est avec eux», a répondu Youssouf Ouédraogo à un journaliste qui s’étonnait de sa présence à l’aéroport. «Ils sont bien reçus par De Villepin, ce n’est pas nous qui n’allons pas bien les accueillir», nuance un autre journaliste burkinabé.

Conduits immédiatement au palais présidentiel où les attendait Blaise Compaoré, Guillaume Soro et sa suite ont eu droit à une escorte de motards avec sirène. Juste après l’entretien avec le président burkinabé qui a duré seulement quelques dizaines de minutes en présence toujours du secrétaire général de la CEDEAO, la délégation rebelle a été installée dans le plus grand hôtel de la ville. Auparavant, elle aura été renforcée par d’autres figures de la rébellion qui ont également assisté à l’audience accordée par Compaoré. Il s’agit des colonels Michel Gueu et Soumaïla Bakayoko ainsi que de Louis Dakoury-Tabley, le responsable des relations extérieures du MPCI, qui avaient tous les trois devancé Guillaume Soro à Ouagadougou. En fait, ces trois hommes étaient directement venus au Burkina après l’étape d’Accra.

Considérés comme des héros au Burkina, les rebelles ivoiriens n’ont cependant pas été accueillis par la population. En dehors du ministre des affaires étrangères et de quelques éléments de la sécurité présidentielle, seuls les journalistes se sont mobilisés. Ces derniers ont fait le pied de grue pendant plus de sept heures avant de voir arriver la délégation qui était annoncée en milieu d’après-midi. Seul le ministre français des affaires étrangères Dominique de Villepin avait eu droit à une telle mobilisation de la presse burkinabé lors de sa tournée régionale en novembre 2002 sur la crise ivoirienne.
Alors que le secrétaire exécutif de la CEDEAO était rentré à Abuja le même soir de son arrivée à bord de l’avion nigérian, le Burkina s’est refusé de faire transporter les rebelles directement jusqu’à leur fief de Bouaké.

Soro demande pardon aux Burkinabés

«On nous accuse de tout. Il ne faut donc pas prêter le flanc. Ce serait vu d’un mauvais œil si un avion burkinabé descend à Bouaké avec les rebelles», a confié un haut responsable de la présidence du Faso qui négociait aussi le retour de l’avion nigérian. «Tout au plus, on peut les déposer à Accra et laisser le soin à John Kuffuor qui est le président en exercice de la CEDEAO de trouver un moyen pour les ramener à Bouaké», a ajouté la même source. Finalement, c’est le secrétaire général de la CEDEAO qui est revenu à Ouagadougou pour ramener les rebelles vers Accra, d’où ils devraient embarquer à bord d’un avion français pour leur fief du nord du pays.

Avant de quitter Ouagadougou où la plupart vivaient en exil avant le 19 septembre 2002, les rebelles ivoiriens ont donné une conférence de presse au cours de laquelle ils ont réitéré le pardon demandé au peuple burkinabè la veille après leur entretien avec Blaise Compaoré. «Je voudrais très humblement demander pardon au peuple burkinabé pour toutes les souffrances et exactions subies avant le 19 septembre et qui se sont empirées après l’ouverture des hostilités avec monsieur Laurent Gbagbo, a lancé Guillaume Soro. Au nom de tous ces Ivoiriens épris de liberté, de justice, d’égalité et tous ceux qui ont en commun cette philosophie d’intégration, nous voulons demander pardon au peuple burkinabé.» Selon le secrétaire général du MPCI, le Burkina a payé un lourd tribut dans la crise ivoirienne. «L’histoire et la géographie devrait en principe contribuer à unir les Ivoiriens et les Burkinabés. C’est pourquoi, notre conception de la politique, c’est de faire en sorte que le peuple de Côte d’ivoire se réconcilie avec lui-même et avec les peuples voisins», a précisé Soro. Un message qu’il a pu reprendre en langue dioula (deuxième langue nationale du Burkina parlée également dans plusieurs pays de la région) au micro de la radio rurale du Burkina captée au delà des frontières burkinabé notamment dans le nord ivoirien.



par Alpha  Barry

Article publié le 19/02/2003