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Retraites : Raffarin souhaite une harmonisation

Le Premier ministre, après avoir officiellement lancé, dans l’après-midi du 3 février, la réforme des retraites devant le Conseil économique et social (CES), s’est attaché le soir même, sur TF1, à faire de la pédagogie auprès des Français sur cet épineux dossier. Dressant une nouvelle fois un état des lieux et insistant sur l’urgence de la réforme, Jean-Pierre Raffarin a réaffirmé son refus d’opposer les salariés du public et du privé. Toutefois, il s’est montré «favorable» à une harmonisation «progressive» des régimes de retraites des fonctionnaires et des salariés du privé. Les syndicats sont restés sur leur faim en témoignant notamment d’un scepticisme et d’une méfiance quant à ces propositions.
Durant 35 minutes, le Premier ministre a exposé des principes de «justice» et de «courage», une méthode et un calendrier jusqu’à l’été 2003. Sur un ton solennel, le chef du gouvernement a tenu à prendre à témoin l’opinion publique sur l’urgence d’une réforme des systèmes de retraite «souvent annoncée» et «toujours repoussée». Tout en réaffirmant son refus de considérer les fonctionnaires comme des «privilégiés», il s’est engagé sur un terrain glissant en se montrant ouvert à un débat sur l’allongement de leur durée de cotisation, actuellement de 37,5 années contre 40 dans le secteur privé.

Sur TF1, il s’est dit «favorable à une harmonisation des deux statuts progressivement» en excluant un retour à 37,5 annuités pour tous, une mesure «non finançable», selon lui. A ce propos, selon un sondage Sofres pour le mensuel Enjeux Les Echos et France Inter, 72% des Français se déclarent favorables à un alignement de la durée de cotisation des fonctionnaires sur celle des salariés du privé contre 23% qui sont contre. Prenant la mesure des manifestations de samedi dernier qui ont mobilisé près de 500 000 personnes à travers toute la France, Jean-Pierre Raffarin a insisté sur l’importance d’impliquer les syndicats dans les discussions à venir. «J’ai entendu dans les rues les préoccupations des manifestants (…). Le dialogue social sera formalisé avec les partenaires sociaux», a-t-il tenu à préciser.

Scepticisme des syndicats

D’autre part, sur TF1, il a exclu a priori un référendum sur cette réforme marquant ainsi sa préférence pour la voie parlementaire. «Rien n’est décidé. D’abord le référendum relève de la compétence du président de la République, pas de la mienne», a-t-il dit. Toutefois, le chef du gouvernement a réaffirmé que trois points n’étaient pas «négociables» dans la future réforme : le maintien du système de retraite par répartition, l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans et le fait que la réforme ne concerne pas «les retraités actuels et ceux qui sont sur le point de partir à la retraite».

Les premières réactions syndicales ont été relativement circonspectes, la plupart prenant acte de la démarche constructive affichée par le Premier ministre mais estimant que le gouvernement n’était pas encore véritablement sorti du bois. Seule la CFDT a affiché une certaine satisfaction. Le secrétaire général de ce syndicat, François Chérèque a estimé que Jean-Pierre Raffarin avait «entendu ce qu’ont dit les salariés samedi dernier. Il parle de réforme construite ensemble, il veut faire un test de dialogue social c’est une première chose positive». Du côté des autres organisations, les avis étaient différents. Marc Blondel de Force ouvrière a affirmé qu’il n’y avait «absolument rien de nouveau» dans ces propositions et a également fait savoir qu’il aurait préféré «une négociation» et non une concertation. «Sur ce plan là, nous n’avons pas pour l’instant satisfaction», a-t-il dit. Quant à Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, il n’a pas été plus convaincu. «On ne peut pas dire pour l'instant que nous soyons entendus». En somme, Jean-Pierre Raffarin semble avoir raté son examen de passage devant les syndicats qui attendent désormais les premières consultations avec le ministre du Travail François Fillon, dès demain. Le président du Medef, Ernest-Antoine Seillière, a salué, quant à lui, l'ouverture de cette réforme et a insisté sur la «nécessité», aux yeux du patronat, d'accroître la durée des cotisations.

Du côté des politiques, on affichait aussi un scepticisme perceptible. Laurent Fabius, ancien ministre socialiste des Finances, a déclaré que le Premier ministre essayait «de prendre le problème de biais et ça me frappe que ce soit à la fois injuste et flou». Arlette Laguiller, pour Lutte ouvrière, a estimé qu'il fallait «une bonne dose de cynisme» à Jean-Pierre Raffarin pour parler comme il l'a fait. Olivier Besancenot, porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire a affirmé que «Raffarin est en train de bluffer». Pour le président du Mouvement républicain et citoyen, Jean-Pierre Chevènement, cette «réforme est nécessaire. Simplement, il faut préserver le régime par répartition, permettre le cas échéant à ceux qui veulent travailler plus longtemps de le faire, maintenir à 60 ans l'âge de la retraite». Enfin, pour Marie-George Buffet, secrétaire national du Parti communiste français, «il faut une réforme pour aller vers plus d'égalité et de justice des retraites. Il faut que tout le monde puisse bénéficier des 37,5 ans», a-t-elle dit.

Lire également :

Retraites : le mot et la méthode
(L’éditorial politique de Geneviève Goëtzinger)

La guerre des retraites aura bien lieu
(L’éditorial économique de Norbert Navarro)



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 04/02/2003