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Chypre

Le candidat de l’opposition élu dès le premier tour

Le président du parti de centre droit Diko était certes le grand favori de cette élection présidentielle. Mais personne ne s’attendait à ce qu’il rafle la majorité des voix dès le premier tour. Avec 51,51% des voix, Tassos Papadopoulos devient ainsi le cinquième président de Chypre depuis son indépendance en 1960. Son élection intervient à moins de deux semaines de la date butoir du 28 février fixée par les Nations unies pour parvenir à un accord des deux parties chypriote-grecque et chypriote-turque au plan de réunification de l’île. Sa victoire pourrait compromettre les chances de parvenir à un tel accord, pourtant essentiel pour permettre à l’île dans son ensemble de signer, le 16 avril prochain, le traité d’adhésion à l’Union européenne.
Le président sortant Glafcos Cléridès ne briguait que seize mois de plus à la tête de la République de Chypre. Juste le temps, avait-il affirmé, de permettre à l’île réunifiée d’adhérer à l’Union européenne. Mais les électeurs en ont décidé autrement en portant dès le premier tour son rival, Tassos Papadopoulos, au pouvoir. Il est vrai que le dirigeant du parti de centre droit Diko était largement soutenu par la formation communiste Akel, principal parti d’opposition. Et si Glafcos Cléridès était respecté par les dirigeants chypriotes turques avec qui il a mené les négociations sur la réunification de l’île, il a dû faire face, à 83 ans, à l’usure de dix ans de pouvoir. Le président sortant, qui a obtenu 38,80% des suffrages, a en outre payé la candidature dissidente de son plus proche conseiller, le procureur général Alécos Markidès, également membre de son parti Disy et qui a remporté 6,62% des voix.

Si Athènes s’est félicité de l’élection de Tassos Papadopoulos en déclarant «compter sur la poursuite et le renforcement de la coopération» entre les deux pays, les dirigeants chypriotes-turcs n’ont pas caché leur pessimisme. Rauf Denkatsh, qui dirige la république turque de Chypre du nord (la RTCN, reconnue uniquement par la Turquie), a ainsi tenu à rappeler que Tassos Papadopoulos «n’était pas le président de l’île entière». Il a estimé que sa victoire était une victoire de «la position intransigeante du peuple chypriote-grec» et appelé le nouveau président, connu pour être un partisan de la ligne dure concernant la réunification de l’île, à «abandonner ses rêves» et à adopter une position plus «réaliste». Plus dur, un de ses conseillers, Muntaz Soysal, a affirmé que la victoire de M. Papadopoulos compromettait sérieusement les chances de réunification. «Les chance pour aboutir à un accord étaient déjà très limitées sous la direction de M. Cléridès, a-t-il notamment affirmé. Maintenant elles le sont encore plus».

Prochaine visite de Kofi Annan

Ce changement politique intervient à moins de deux semaines de la date butoir du 28 février fixée par les Nations unies pour que les dirigeants chypriotes-grecs et chypriotes-turcs parviennent à un accord sur la réunification de l’île. Kofi Annan, qui s’est personnellement impliqué dans ce plan de paix, a appelé, à plusieurs reprises, les deux parties à signer cet accord avant la fin du mois, une date impérative, selon lui, pour permettre à une Chypre unifiée de signer en avril à Athènes le traité d’adhésion à l’Union européenne. En cas d’échec, seule la partie grecque de l’île serait en effet admise au sein de l’UE. Mais après une année d’intenses négociations directes entre le président Glafcos Cléridès et le dirigeant Rauf Denktash, plus personne ne semble croire à la possibilité de voir l’île réunifiée avant la rencontre d’Athènes. Un récent sondage montre à ce propos que 64% des Chypriotes-grecs doutent que leurs leaders politiques trouvent dans un avenir proche une solution politique aux troubles qui prévalent dans l’île depuis 1974, date à laquelle l’armée turque a envahi le tiers nord de l’île en réaction à un coup d’état d’ultranationalistes chypriotes-grecs soutenus par la junte au pouvoir à Athènes et qui voulaient rattacher l’île à la Grèce.

Les principaux obstacles à la réunification de l’île portent sur les modalités de partage du pouvoir, les questions territoriales ainsi que le retour des Chypriotes-grecs dans leurs anciennes habitations dans le nord de l’île. L’ONU, qui a déjà proposé en décembre dernier des aménagements de son plan de paix initial, envisage de présenter une nouvelle mouture dans l’espoir d’arriver à un accord avant la fin du mois. Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, est d’ailleurs attendu le 26 février dans l’île pour relancer les négociations. Le nouveau président se serait d’ores et déjà déclaré favorable à une poursuite des pourparlers inter-chypriotes. L’envoyé spécial de Kofi Annan, Alvaro de Soto, a en effet déclaré, à l’issue d’une entrevue avec Tassos Papadopoulos, que ce dernier «ne souhaitait pas d’interruption» dans les discussions. «Il est conscient que le temps presse», a-t-il souligné. Mais s’il souhaite réellement parvenir à un accord, il devra faire de difficiles concessions tant les dirigeants chypriotes-turcs semblent réticents à adhérer à un plan de paix qu’ils accusent de vouloir «transformer Chypre en une île grecque».



par Mounia  Daoudi

Article publié le 17/02/2003