Justice internationale
La FIDH accuse Patassé
«L’impunité dont jouissent les auteurs de violations des droits de l’homme et notamment les officiers supérieurs de l’armée gouvernementale et les commandants des diverses forces rebelles est un obstacle majeur à une paix durable en RDC», estime Sergio Vieira de Mello, le Haut commissaire aux droits de l’homme de l’ONU. Ces mêmes observations peuvent être appliquées aussi à la Centrafrique où la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) a établi des chefs d’accusation contre les principaux protagonistes, avec une demande de traduction devant la Cour pénale internationale.
Dans un rapport au Conseil de sécurité de l’ONU, la Mission de l’organisation des Nations unies en RDC (MONUC) a rendu compte d’une enquête qu’elle a conduite dans l’est de la RDC, en Ituri, théâtre de nouveaux combats entre factions armées congolaises, malgré la signature de l’accord de Pretoria instituant une transition et une co-gestion du pays. Selon ce rapport, depuis le début de cette année le recours aux pillages, aux assassinats et aux viols par les forces du Mouvement de libération du Congo (MLC) et du Rassemblement congolais pour la démocratie National (RCD-N), avec l’appui des soldats de l’Union des patriotes congolais (UPC), est systématique. La MONUC a ainsi nommément désigné les responsables des violations des droits de l’homme, sur des populations bien ciblées. De nombreux chiffres et témoignages viennent étayer les accusations portées par les autorités onusiennes. Plus de 2 000 assassinats ont été portés à leur connaissance.
La menace des sanctions internationales a poussé les chefs rebelles à procéder à quelques arrestations dans leur rang. Selon la MONUC, 27 officiers rebelles seraient mis aux arrêts et le début de leur procès est prévu le 18 février 2003. Pour justifier de leur bonne foi, les chefs rebelles opérant dans l’Ituri ont invité le bureau du HCR à assister au procès. Mais les autorités onusiennes ont décliné cette invitation arguant d’un système judiciaire manquant de légitimité dans des zones occupées, et non conforme aux normes juridiques et humanitaires internationales. Atoki Ileka, ambassadeur de la RDC à l’ONU, profite de cette opportunité pour demander au Conseil de sécurité de déclarer que «la dégradation de la situation des droits de l’homme en RDC a dépassé les limites du tolérable et de l’acceptable». C’est pourquoi il a aussi demandé au Conseil de sécurité de tout mettre en œuvre pour favoriser la mise sur pied d'un tribunal pénal international pour la RDC. Mais pour le Haut commissariat aux droits de l’homme des Nations unies, une meilleure démarche serait de confier au mécanisme de justice transitoire prévu dans l’Accord de Pretoria le soin de rendre justice. Toutefois, «la saisine d’une Cour pénale internationale est possible, la RDC ayant ratifié le statut de Rome».
Justice et réparation pour les victimes des crimes commis en RCA
Cette nouvelle offensive des organisations humanitaires a trouvé un écho en République centrafricaine, où la FIDH épingle toutes les parties impliquées dans le conflit que connaît ce pays. Elle a rendu publique un rapport sur «les crimes de guerre en République centrafricaine», dans lequel elle démontre la responsabilité des uns et des autres et la compétence de la Cour pénale internationale à les juger. «Institué comme une juridiction ayant pour but de lutter contre l’impunité des crimes les plus graves, le statut de la CPI prévoit en son article 17 que le principe de complémentarité avec les juridictions nationales prend fin au profit de la CPI lorsque l’Etat ayant compétence en l’espèce n’a pas la volonté ou la capacité d’enquête et/ou de poursuivre les crimes dont il est fait état», écrit la FIDH en préambule de son rapport. Elle fait également une série de recommandations pour que «justice et réparation soient rendues dans un futur proches aux victimes des crimes commis en RCA».
Les enquêteurs de la FIDH ont point par point retracé la genèse des différentes alliances politico-militaires en RCA qui ont d’une part ébranlé ou d’autre part consolidé le pouvoir du président Ange-Félix Patassé. Le rapport fait état d’un marché de 5 milliards de franc CFA, payable éventuellement en diamants, conclu entre le président centrafricain et Jean-Pierre Bemba du MLC. La méfiance du président envers les forces armées de son propre pays l’a poussé à faire le choix d’éléments étrangers pour assurer la survie de son régime. Le coup d’Etat manqué de mai 2001, du général André Kolingba a entraîné plusieurs centaines de désertion au sein de l’armée. Celui imputé à François Bozizé a aussi occasionné une grande défection dans les effectifs de l’armée régulière. L’appoint, pour sa propre sécurité, a été trouvé par le président Patassé auprès d’un opposant tchadien, Abdoulaye Miskine, qui a assuré le recrutement des mercenaires, venus du sud du Tchad. Ces troupes ont été impliquées dans des massacres au nord de Bangui sur la route de Bouali, les 30 et 31 octobre 2002. C’était «la tuerie du marché de bétail». Reconnaissant l’existence de «certaines choses» impliquant l’Unité de la sécurité présidentielle commandée par Miskine, le régime Patassé n’a pris, selon la FIDH, aucune mesure de protection des populations, ni commandé aucune enquête. Il s'est au contraire distingué en accordant une distinction de commandeur dans l’ordre du mérite centrafricain à Abdoulaye Miskine.
Les complicités du MLC ayant aussi été établies, (cf article: Centrafrique, «Le MLC va-t-il partir?»), la FIDH conclut à la responsabilité pénale et individuelle de Jean-Pierre Bemba, d’Abdoulaye Miskine et d’Ange-Félix Patassé. Elle dépose une plainte pour crimes de guerre à leur encontre devant la CPI. Le gouvernement centrafricain qualifie cet acte de «démarche malhonnête» et prépare sa réaction selon le porte-parole du gouvernement. Le futur procureur, dont l’élection sera effective en avril prochain, donnera suite ou non à cette plainte devant la CPI qui sera installée à la fin de l’année, pour éventuellement un procès inédit: celui d’un président de la République en exercice.
La menace des sanctions internationales a poussé les chefs rebelles à procéder à quelques arrestations dans leur rang. Selon la MONUC, 27 officiers rebelles seraient mis aux arrêts et le début de leur procès est prévu le 18 février 2003. Pour justifier de leur bonne foi, les chefs rebelles opérant dans l’Ituri ont invité le bureau du HCR à assister au procès. Mais les autorités onusiennes ont décliné cette invitation arguant d’un système judiciaire manquant de légitimité dans des zones occupées, et non conforme aux normes juridiques et humanitaires internationales. Atoki Ileka, ambassadeur de la RDC à l’ONU, profite de cette opportunité pour demander au Conseil de sécurité de déclarer que «la dégradation de la situation des droits de l’homme en RDC a dépassé les limites du tolérable et de l’acceptable». C’est pourquoi il a aussi demandé au Conseil de sécurité de tout mettre en œuvre pour favoriser la mise sur pied d'un tribunal pénal international pour la RDC. Mais pour le Haut commissariat aux droits de l’homme des Nations unies, une meilleure démarche serait de confier au mécanisme de justice transitoire prévu dans l’Accord de Pretoria le soin de rendre justice. Toutefois, «la saisine d’une Cour pénale internationale est possible, la RDC ayant ratifié le statut de Rome».
Justice et réparation pour les victimes des crimes commis en RCA
Cette nouvelle offensive des organisations humanitaires a trouvé un écho en République centrafricaine, où la FIDH épingle toutes les parties impliquées dans le conflit que connaît ce pays. Elle a rendu publique un rapport sur «les crimes de guerre en République centrafricaine», dans lequel elle démontre la responsabilité des uns et des autres et la compétence de la Cour pénale internationale à les juger. «Institué comme une juridiction ayant pour but de lutter contre l’impunité des crimes les plus graves, le statut de la CPI prévoit en son article 17 que le principe de complémentarité avec les juridictions nationales prend fin au profit de la CPI lorsque l’Etat ayant compétence en l’espèce n’a pas la volonté ou la capacité d’enquête et/ou de poursuivre les crimes dont il est fait état», écrit la FIDH en préambule de son rapport. Elle fait également une série de recommandations pour que «justice et réparation soient rendues dans un futur proches aux victimes des crimes commis en RCA».
Les enquêteurs de la FIDH ont point par point retracé la genèse des différentes alliances politico-militaires en RCA qui ont d’une part ébranlé ou d’autre part consolidé le pouvoir du président Ange-Félix Patassé. Le rapport fait état d’un marché de 5 milliards de franc CFA, payable éventuellement en diamants, conclu entre le président centrafricain et Jean-Pierre Bemba du MLC. La méfiance du président envers les forces armées de son propre pays l’a poussé à faire le choix d’éléments étrangers pour assurer la survie de son régime. Le coup d’Etat manqué de mai 2001, du général André Kolingba a entraîné plusieurs centaines de désertion au sein de l’armée. Celui imputé à François Bozizé a aussi occasionné une grande défection dans les effectifs de l’armée régulière. L’appoint, pour sa propre sécurité, a été trouvé par le président Patassé auprès d’un opposant tchadien, Abdoulaye Miskine, qui a assuré le recrutement des mercenaires, venus du sud du Tchad. Ces troupes ont été impliquées dans des massacres au nord de Bangui sur la route de Bouali, les 30 et 31 octobre 2002. C’était «la tuerie du marché de bétail». Reconnaissant l’existence de «certaines choses» impliquant l’Unité de la sécurité présidentielle commandée par Miskine, le régime Patassé n’a pris, selon la FIDH, aucune mesure de protection des populations, ni commandé aucune enquête. Il s'est au contraire distingué en accordant une distinction de commandeur dans l’ordre du mérite centrafricain à Abdoulaye Miskine.
Les complicités du MLC ayant aussi été établies, (cf article: Centrafrique, «Le MLC va-t-il partir?»), la FIDH conclut à la responsabilité pénale et individuelle de Jean-Pierre Bemba, d’Abdoulaye Miskine et d’Ange-Félix Patassé. Elle dépose une plainte pour crimes de guerre à leur encontre devant la CPI. Le gouvernement centrafricain qualifie cet acte de «démarche malhonnête» et prépare sa réaction selon le porte-parole du gouvernement. Le futur procureur, dont l’élection sera effective en avril prochain, donnera suite ou non à cette plainte devant la CPI qui sera installée à la fin de l’année, pour éventuellement un procès inédit: celui d’un président de la République en exercice.
par Didier Samson
Article publié le 14/02/2003