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Serbie

Le Premier ministre échappe à un attentat

La thèse de la tentative d’attentat vendredi dernier contre le Premier ministre serbe Zoran Djindjic se confirme. Il aurait été commandité par un clan mafieux lié au lobby des unités spéciales des bérets rouges. Un avertissement au gouvernement dont le but serait double: le dissuader de coopérer avec le Tribunal de la Haye d’une part et, par ailleurs, l’exhorter à laisser les réseaux criminels laissés en héritage par l’ancien président yougoslave Slobodan Milosevic travailler en toute impunité.
De notre correspondante à Belgrade

Zoran Djindjic, Premier ministre serbe réformateur, l’a échappé de justesse. Un incident qui montre que les réseaux militaro-mafieux laissés en héritage par l’ancien président Slobodan Milosevic sont toujours vivaces. La voiture du Premier ministre roulait sur l’autoroute à la sortie de Belgrade, en direction de l’aéroport, lorsqu’un camion immatriculé en Autriche a changé de voie pour lui barrer la route. Selon des sources policières, le chauffeur de camion aurait reçu un appel de téléphone portable quelques secondes auparavant, l’informant que la voiture du Premier ministre approchait. L’accident a été évité grâce à un rapide coup de volant et le malfaiteur, qui avait pris la fuite, a été arrêté 150 mètres plus loin.

Selon la police, il s’agit de Dejan Milenkovic, dit Bagzi, au casier juridiciaire lourd. Selon les mots du journaliste spécialiste de la question Jovan Dulovic, c’est un «soldat» d’un des clans mafieux de Surcin, dans la banlieue de Belgrade, impliqué dans divers trafics illicites. Et il faut souligner que le clan de Surcin est lié de près aux unités spéciales des bérets rouges, un corps militaire d’élite créé par le régime de Slobodan Milosevic, dans le collimateur de la justice internationale pour avoir participé aux crimes de guerre en ex-Yougoslavie. En effet, le co-meneur de ce clan n’est autre que Legija, qui porte ce nom en souvenir de son passage dans la Légion, également ancien chef des bérets rouges.

Quel serait le motif de la tentative d’attentat ? Selon les analystes, il s’agit de dissuader le gouvernement de démanteler les réseaux mafieux, et surtout de transférer à La Haye les criminels de guerre, dont certains furent membres des bérets rouges et restent protégés par ce corps qui échapperait au contrôle du gouvernement. Selon l’hebdomadaire Vreme, au moment de la chute de Slobodan Milosevic, en octobre 2000, Legija s’est laissé convaincre par Zoran Djindjic de ne pas intervenir. En échange de son impunité. Depuis, le Premier ministre l’aurait lâché. Il aurait même tenté de s’en débarrasser par l’intermédiaire d’un clan rival, celui de Cume, dit «roi du bitume», dont Zoran Djindic est réputé proche.

«La mauvaise herbe, il aurait fallu l’arracher»

Un premier avertissement avait été donné par les bérets rouges il y a un an, après l’arrestation et le transfèrement à La Haye de trois des leurs, inculpés de crimes de guerre. Les unités s’étaient alors déplacées en voitures blindées et chars jusqu’au gouvernement et elles avaient bloqué une voie d’accès à la capitale. Ont suivi une série de menaces du même goût, qui ont culminé avec l’explosion en décembre du dépôt de machines de Cume. Par la suite, Cume, exilé à l’étranger, a accusé Legija, par l’intermédiaire de la presse serbe, d’avoir trempé dans la plupart des assassinats politiques sous le régime de Milosevic et d’être un criminel de guerre. En réponse, Legija a proféré des menaces à peine déguisées envers le gouvernement et demandé l’arrêt de la livraison de «patriotes» au TPIY.

Pourquoi une tentative d’attentat maintenant ? Il se trouve qu’il y a quelques jours, le ministère de l’Intérieur a tenté d’arrêter Veselin Sviljancanin, un ancien militaire, recherché par le TPIY pour crimes de guerre commis en 1991 à Vukovar, en Croatie. Enfin, soulignons que la communauté internationale accroît ses pressions sur Belgrade pour livrer les criminels de guerre. Les Etats-Unis ont gelé leur aide jusqu’en juin. Et l’Union européenne remet en question certaines donations. «Les sanctions nous menacent», a averti Goran Svilanovic, ministre des Affaires étrangères.

«Les anciens sbires de Slobodan Milosevic sont comme la mauvaise herbe, il aurait fallu l’arracher. Au lieu de cela, les réformistes l’ont seulement coupée. Aujourd’hui, elle a repoussé et c’est l’effet boomerang», conclut un analyste. Considérant tout d’abord qu’il s’agissait d’un «mauvais conducteur qui apprenait à manier son camion sur une autoroute», Zoran Djindjic a fini par admettre que la méthode ressemblait à un scénario déjà rôdé à l’encontre des opposants sous le régime de Milosevic et annoncé: «S’il est avéré qu’il s’agissait d’une tentative d’attentat qui montrerait qu’il y a des gens qui pensent que rien n’a changé dans ce pays et qu’ils peuvent continuer à faire ce qu’ils faisaient sous le régime de Milosevic, ils se trompent lourdement». Cela annonce un bras de fer.



par Milica  Cubrilo

Article publié le 24/02/2003