Etats-Unis
La France dans le collimateur
Une partie de la presse et de l'opinion américaines s'en prennent violemment à la France, accusée de trahison sur le dossier irakien. Les Français deviennent l'objet de plaisanteries, d'insultes parfois, alors que certains tentent d'orchestrer le boycott des produits made in France.
De notre correspondant à New York
«Savez-vous combien de Français il faut pour défendre Paris ?» a demandé le représentant républicain du Missouri Roy Blunt. «Personne ne sait. Ils n'ont jamais essayé». «La dernière fois que la France a voulu plus de preuves, elles ont traversé la France avec un drapeau allemand» s'est moqué le présentateur de CBS David Letterman. «Je ne sais pas pourquoi les gens sont si surpris que les Français ne nous aident pas à expulser Saddam Hussein d'Irak. Ils ne nous ont même pas aidés à expulser les Allemands de France !» a renchéri le comique télévisé Jay Leno. Le «french bashing» («dégommage des Français») est devenu un sport national de ce côté de l'Atrlantique, avec ses grands noms dans la presse, la télévision, et ses sites Internet.
Même les titres dits sérieux se laissent aller à la critique facile, parfois à l'insulte. Jacques Chirac a été décrit dans le Wall Street Journal par l'auteur Christopher Hitchens comme «l'abject proxénète de Saddam» et «un rat qui a essayé de rugir»! «C'est la première fois que j'observe une telle violence des attaques, et que la presse dite sérieuse emboîte le pas de la presse populaire» constate Jean-Louis Turlin, directeur de France Amérique, une sélection hebdomadaire du Figaro publiée aux Etats-Unis. Ils est désormais courant de faire référence aux Français en utilisant l'expression, empruntée au dessin animé les Simpsons, de «Cheese-eating surrender monkeys» -(«des singes mangeurs de fromage toujours prêts à capituler»).
Dans les médias qu'il contrôle, le francophobe notoire Rupert Murdoch, qui en Grande-Bretagne, dans le Sun, traite le président français de «ver», s'attache dans les médias américains qu'il détient à dépeindre l'ingratitude des Français. Au-dessus d'une photo du cimetière de Colleville-sur-Mer, en Normandie, où sont enterrés 9 400 soldats américains, son tabloïd, le New York Post, a récemment titré: «Ils sont morts pour la France mais la France les a oubliés». Sur la chaîne qu'il détient, Fox News, la chaîne d'informations qui a ravi la première place à CNN, les Français sont constamment ridiculisés, présentés comme des êtres arrogants et pompeux, mus par de sombres intérêts économiques et des prétentions planétaires risible au vu de leur puissance armée.
La grande majorité des Américains indifférents à la francophobie
Ici ou là, des particuliers, des sites Internet, quelques politiques et des animateurs de radio tentent de lancer des boycottages de produits particulièrement symboliques de la France comme le vin, les fromages, les eaux minérales ou les produits de beauté made in France. Quelques restaurants et «débits de boisson» new-yorkais boycottent déjà le vin français. «Pour le moment, il n'y a pas vraiment d'incidences sur nos ventes», tempère Olivier Watrin, responsable des ventes en Amérique du nord de Chantovent. «Mais à moyen terme, cela peut déprécier dans l'esprit des consommateurs l'image de nos vins.»
Ces mouvements d'humeur représentent-ils une tendance lourde de l'opinion ? Difficile de faire la part des choses. Alors que la Mission française auprès de l'ONU a reçu plus de 30 000 courriels d'Américains enthousiastes à l'égard du rôle de modérateur de la France, l'ambassade et les consulats sont quant à eux inondés d'insultes. A en croire les diplomates Français, «les dommages ne sont pas très profonds». Selon Philip Golub, enseignant à Sciences-Po, la francophobie est un «phénomène construit et exploité par la presse pour casser la résistance européenne.» On retrouve à la pointe de ce mouvement les néoconservateurs (Richard Perle, Paul Wolfowitz...) qui ne pardonnent pas à la France de vouloir contrecarrer l'influence planétaire et le rôle messianique des Etats-Unis du troisième millénaire. Mais selon Philip Golub, la grande majorité des Américains sont indifférents à la francophobie.
Cela ne veut pas dire que le phénomène n'indique rien de sérieux. «C'est la pire crise depuis que la France a quitté le commandement intégré de l'OTAN, et elle est durable» prédit-il. Simon Serfaty, politologue américain et auteur des «Réflexions sur la Francophobie à Washington» observe également une «crise transatlantique sans précédent, même du temps des grandes querelles gaulliennes». «Le langage et la férocité des accusations sont déjà assez inquiétants, alors que nous ne sommes qu'à la première marche d'une escalade qui pourrait culminer avec un veto français au Conseil de sécurité» relève-t-il.
Les experts se refusent toutefois à anticiper des mesures de rétorsion commerciale, alors que des centaines de milliards de dollars sont en jeu de part et d'autre de l'Atlantique. Et cette fois, les organisations juives, qui lancent périodiquement des campagnes de boycott de la France par voie de presse pour protester contre la politique proche-orientale de Paris ne sont pas entrées dans la danse. «Pour les businessmen comme moi, ça commence à être préoccupant» admet cependant Jeffrey Lenorovitz, président de la chambre de commerce franco-américaine de Washington. Mais selon lui, «les hommes d'affaires américains ne veulent pas entendre parler de boycott. Tout ce qui compte pour eux, c'est de faire des bénéfices.» C'est pour cette raison que selon lui, le boycottage du meeting aérien du Bourget proposé par 13 parlementaires américains ne sera pas suivi. Même en période de crise politique, le dollar reste roi.
«Savez-vous combien de Français il faut pour défendre Paris ?» a demandé le représentant républicain du Missouri Roy Blunt. «Personne ne sait. Ils n'ont jamais essayé». «La dernière fois que la France a voulu plus de preuves, elles ont traversé la France avec un drapeau allemand» s'est moqué le présentateur de CBS David Letterman. «Je ne sais pas pourquoi les gens sont si surpris que les Français ne nous aident pas à expulser Saddam Hussein d'Irak. Ils ne nous ont même pas aidés à expulser les Allemands de France !» a renchéri le comique télévisé Jay Leno. Le «french bashing» («dégommage des Français») est devenu un sport national de ce côté de l'Atrlantique, avec ses grands noms dans la presse, la télévision, et ses sites Internet.
Même les titres dits sérieux se laissent aller à la critique facile, parfois à l'insulte. Jacques Chirac a été décrit dans le Wall Street Journal par l'auteur Christopher Hitchens comme «l'abject proxénète de Saddam» et «un rat qui a essayé de rugir»! «C'est la première fois que j'observe une telle violence des attaques, et que la presse dite sérieuse emboîte le pas de la presse populaire» constate Jean-Louis Turlin, directeur de France Amérique, une sélection hebdomadaire du Figaro publiée aux Etats-Unis. Ils est désormais courant de faire référence aux Français en utilisant l'expression, empruntée au dessin animé les Simpsons, de «Cheese-eating surrender monkeys» -(«des singes mangeurs de fromage toujours prêts à capituler»).
Dans les médias qu'il contrôle, le francophobe notoire Rupert Murdoch, qui en Grande-Bretagne, dans le Sun, traite le président français de «ver», s'attache dans les médias américains qu'il détient à dépeindre l'ingratitude des Français. Au-dessus d'une photo du cimetière de Colleville-sur-Mer, en Normandie, où sont enterrés 9 400 soldats américains, son tabloïd, le New York Post, a récemment titré: «Ils sont morts pour la France mais la France les a oubliés». Sur la chaîne qu'il détient, Fox News, la chaîne d'informations qui a ravi la première place à CNN, les Français sont constamment ridiculisés, présentés comme des êtres arrogants et pompeux, mus par de sombres intérêts économiques et des prétentions planétaires risible au vu de leur puissance armée.
La grande majorité des Américains indifférents à la francophobie
Ici ou là, des particuliers, des sites Internet, quelques politiques et des animateurs de radio tentent de lancer des boycottages de produits particulièrement symboliques de la France comme le vin, les fromages, les eaux minérales ou les produits de beauté made in France. Quelques restaurants et «débits de boisson» new-yorkais boycottent déjà le vin français. «Pour le moment, il n'y a pas vraiment d'incidences sur nos ventes», tempère Olivier Watrin, responsable des ventes en Amérique du nord de Chantovent. «Mais à moyen terme, cela peut déprécier dans l'esprit des consommateurs l'image de nos vins.»
Ces mouvements d'humeur représentent-ils une tendance lourde de l'opinion ? Difficile de faire la part des choses. Alors que la Mission française auprès de l'ONU a reçu plus de 30 000 courriels d'Américains enthousiastes à l'égard du rôle de modérateur de la France, l'ambassade et les consulats sont quant à eux inondés d'insultes. A en croire les diplomates Français, «les dommages ne sont pas très profonds». Selon Philip Golub, enseignant à Sciences-Po, la francophobie est un «phénomène construit et exploité par la presse pour casser la résistance européenne.» On retrouve à la pointe de ce mouvement les néoconservateurs (Richard Perle, Paul Wolfowitz...) qui ne pardonnent pas à la France de vouloir contrecarrer l'influence planétaire et le rôle messianique des Etats-Unis du troisième millénaire. Mais selon Philip Golub, la grande majorité des Américains sont indifférents à la francophobie.
Cela ne veut pas dire que le phénomène n'indique rien de sérieux. «C'est la pire crise depuis que la France a quitté le commandement intégré de l'OTAN, et elle est durable» prédit-il. Simon Serfaty, politologue américain et auteur des «Réflexions sur la Francophobie à Washington» observe également une «crise transatlantique sans précédent, même du temps des grandes querelles gaulliennes». «Le langage et la férocité des accusations sont déjà assez inquiétants, alors que nous ne sommes qu'à la première marche d'une escalade qui pourrait culminer avec un veto français au Conseil de sécurité» relève-t-il.
Les experts se refusent toutefois à anticiper des mesures de rétorsion commerciale, alors que des centaines de milliards de dollars sont en jeu de part et d'autre de l'Atlantique. Et cette fois, les organisations juives, qui lancent périodiquement des campagnes de boycott de la France par voie de presse pour protester contre la politique proche-orientale de Paris ne sont pas entrées dans la danse. «Pour les businessmen comme moi, ça commence à être préoccupant» admet cependant Jeffrey Lenorovitz, président de la chambre de commerce franco-américaine de Washington. Mais selon lui, «les hommes d'affaires américains ne veulent pas entendre parler de boycott. Tout ce qui compte pour eux, c'est de faire des bénéfices.» C'est pour cette raison que selon lui, le boycottage du meeting aérien du Bourget proposé par 13 parlementaires américains ne sera pas suivi. Même en période de crise politique, le dollar reste roi.
par Philippe Bolopion
Article publié le 22/02/2003