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Australie

Irak : le blé dans la balance

A la veille d’une guerre qui semble désormais inévitable, l’Irak joue une de ses dernières cartes pour convaincre l’Australie de trouver une solution pacifique au conflit. Son atout: le blé.
De notre correspondante à Melbourne

L’Irak constitue l’un des plus gros importateurs de blé australien. Après voir réduit de près de la moitié ses importations en rétorsion à la position du Premier ministre australien, fervent supporteur de la politique américaine, le gouvernement irakien choisit désormais de remercier les Australiens de leur récente mobilisation contre la guerre en commandant 800 millions de dollars australiens (443 millions d’euros) de blé.

Le ministre du Commerce irakien, Mohamed Saleh, vient d’annoncer que son pays rétablissait les commandes de blé en provenance d’Australie «en signe respect vis-à-vis des fermiers australiens et en remerciement à l’opinion publique australienne qui a clairement montrée son opposition à la guerre et au gouvernement de John Howard». L’Irak, qui représente à lui seul 10% des recettes à l’exportation du blé australien, a les atouts en main pour jouer cette carte diplomatico-commerciale.

Après un premier avertissement au mois de juillet dernier du risque de réduction de ses importations de blé, la menace est mise a exécution au mois de décembre 2002. L’Irak réduit alors de 44% ses commandes pour 2003. Désormais, seulement 1 million de tonnes sera importé, comparé aux 1,8 million habituel. La France, notamment, a profité de ce changement d’orientation et a vu son tonnage augmenté de 500 000 tonnes pour la même période.

Le gouvernement minimise les conséquences

Le Conseil australien du blé, le principal exportateur, reste prudent et se refuse à tout commentaire sur le lien entre la réduction des exportations vers l’Irak et la position du gouvernement Howard. Du côté du ministère du Commerce australien, chacun tente de minimiser les conséquences commerciales d’une telle décision. Le porte-parole de Mark Vaile, ministre du Commerce, préfère rappeler que «l’Australie est depuis plus de 50 ans le principal fournisseur de blé en Irak et il se dit satisfait d’avoir réussi à maintenir une commande de 1 million après une année marquée par une forte instabilité». Mais ces déclarations ne suffisent pas à calmer le mécontentement des agriculteurs australiens. Nombreux sont ceux qui trouvent «déplacée» la position du Premier ministre en faveur d’une intervention militaire aux côtés des États-Unis et de la Grande-Bretagne. Il faut dire que les fermiers traversent actuellement une crise sans précédent due à la sécheresse qui s’abat sur environ 90% du pays depuis deux ans maintenant.

Au mécontentement des agriculteurs s’ajoute désormais celui de la population qui a montré lors des manifestations massives du week-end dernier son désir de voir aboutir une solution pacifique au conflit. Plus de 200 000 personnes se sont rassemblées à Sydney et près de 150 000 à Melbourne pour ne citer que les deux villes principales du pays. «Ces protestations confortent Saddam Hussein dans sa position et rendent encore plus difficile un désarmement pacifique» a déclaré le Premier ministre en réponse aux critiques des manifestants.

Quoi qu’il en soit, le gouvernement irakien a bien compris l’importance que l’opinion publique pouvait jouer dans le règlement de la situation. Après les menaces, il joue désormais la carte de la séduction auprès des Australiens pour faire pression sur la position de John Howard vis-à-vis des États-Unis.



par Carole  Martin

Article publié le 23/02/2003