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Zimbabwe

Le chef de l’opposition risque la peine de mort

Nouveau pied-de-nez de Robert Mugabe à la communauté internationale : le procès pour haute trahison de Morgan Tsvangirai. Accusé d’avoir voulu faire assassiner le chef de l’Etat, le chef de l’opposition risque la peine capitale.
De notre correspondante en Afrique australe

L’image du Zimbabwe ne s’est guère améliorée, à l’ouverture, lundi à Harare, du procès de Morgan Tsvangirai. Des images de policiers arrêtant des journalistes et empêchant, matraque à la main, l’accès du public au tribunal ont fait le tour du monde… Pendant ce temps, la polémique continue, en Europe, sur l’invitation adressée par la France à Robert Mugabe et le renouvellement des sanctions à l’encontre des dirigeants zimbabwéens. Manifestement, Robert Mugabe n’en a cure. Pour lui, «la justice doit suivre son cours», de même qu’un processus enclenché avant l’élection présidentielle des 9 et 10 mars 2002.

Deux semaines avant ce scrutin, en effet, Morgan Tsvangirai a été inculpé pour «haute trahison», en même temps que Welshman Ncube, le secrétaire général de son parti, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) et Renson Gasela, son responsable de l’agriculture. Les manœuvres d’intimidation et la propagande du pouvoir ont alors atteint leur paroxysme. Clou de la campagne menée par Jonathan Moyo, un ministre de l’Information qui supervise quotidiennement le contenu des journaux de la télévision nationale : une cassette vidéo enregistrée en décembre 2001, à l’insu de Morgan Tsvangirai, où on l’entend parler «d’élimination».

Hors contexte

Ces images de mauvaise qualité, prises à partir de caméras fixées au plafond, ont été diffusées à chaque journal télévisé, pendant plusieurs semaines. Dans un pays soumis aux intimidations du pouvoir, elles n’ont pas réussi à accréditer la thèse d’un complot fomenté par Tsvangirai pour assassiner Robert Mugabe.

La manipulation, a protesté le MDC, a été montée de toutes pièces par Ari Ben-Menashe, ancien agent du Mossad (les services secrets israéliens) et conseiller politique de Robert Mugabe. C’est à Montréal, au siège de l’une de ses sociétés, le cabinet conseil Dickens & Madison, que la vidéo a été tournée. David Coltard, avocat et député du MDC, affirme que le terme «élimination», effectivement prononcé par Morgan Tsvangirai, a été utilisé «hors contexte». Dans une partie audible de la vidéo, l’on entend d’ailleurs Morgan Tsvangirai dire que «la discussion ne porte pas sur l’élimination de Robert Mugabe, mais sur les élections et leurs suites».

Beaucoup, y compris dans les rangs du MDC, se demandent cependant comment l’opposant a pu tomber dans un tel piège. Le procès devrait révéler, entre autres, pourquoi Morgan Tsvangirai s’est retrouvé, à trois mois des élections, dans les bureaux de Dickens & Madison à Montréal.

Pour leur défense, les leaders du MDC ont sollicité un avocat de renom. Sud-Africain d’origine grecque, âgé de 74 ans, George Bizos n’a pas seulement défendu plusieurs familles de victimes de l’apartheid pendant les travaux de la Commission vérité et reconciliation (TRC). Il a aussi plaidé pour Nelson Mandela, en 1963, lors du procès de Rivonia. Accusé de haute trahison, Nelson Mandela a alors échappé à la peine de mort - mais pas à la prison, où il a ensuite passé 27 ans.

Afin d’éviter le même sort à ses nouveaux clients, George Bizos axera sa plaidoirie sur le fait que «la vidéo a été réalisée de manière malhonnête avec pour objectif de piéger, dans un but politique». Il a insisté, en vain, pour que le gouvernement lui donne des informations sur la nature des services rendus par Ari Ben-Menashe. L’ancien agent du Mossad reconnaît lui-même avoir reçu 1 millions de dollars des autorités zimbabwéennes pour son travail de «lobbying» – après, et seulement après, dit-il, avoir dévoilé la tentative de coup d’État et d’assassinat.

A l’en croire, le MDC aurait signé un contrat de 500 000 dollars avec sa société pour organiser l’assassinat de Robert Mugabe. Ari Ben-Menashe accuse également Morgan Tsvangirai d’avoir «promis» 10 millions de dollars au chef de l’armée de l’air, Perence Shiri, en vue d’un coup d’État.

Légaliste, Morgan Tsvangirai a choisi de ne pas prendre le chemin de l’exil. «Je n’ai pas confiance dans le tribunal, a-t-il déclaré. J’ai mes doutes, mais la procédure est légale». Le chef de l’opposition n’avait pas caché craindre pour sa vie, le 11 mars 2002, alors que les élections n’étaient pas terminées. La veille, il est vrai, son co-accusé Welshman Ncube avait été arrêté par la police, avec sa famille, sur une route nationale qui mène en Zambie.



par Sabine  Cessou

Article publié le 07/02/2003