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Venezuela

Arrestation du patron des patrons

Avec Carlos Ortega, le président de la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), Carlos Fernandez, qui dirige la puissante Fédération patronale vénézuélienne Fedecamaras, était l’un des principaux instigateurs de la grève générale contre le président Hugo Chavez. Son arrestation intervient vingt-quatre à peine après la signature par le gouvernement et l’opposition d’un pacte contre la violence, considéré comme un premier pas vers une issue positive à la grave crise politique qui secoue le pays depuis plusieurs mois. Elle risque donc de plonger à nouveau le pays dans le chaos, les autorités judiciaires vénézuéliennes ayant en outre lancé, selon certains médias indépendants du pays, des mandats d’arrêts contre plusieurs dirigeants de l’opposition.
Carlos Fernandez a été arrêté dans la soirée de mercredi au moment où il quittait un restaurant du quartier commercial de Las Mercedes à Caracas. Des hommes se présentant comme membres de la police politique (Disip) l’ont interpellé et plusieurs coups de feu ont été tirés sans faire toutefois de victimes. Le président de la puissante Fedecamaras, aurait selon des témoins, été emmené à bord de son propre véhicule. Si les autorités gouvernementales ont jusqu’à présent refusé de confirmer l’arrestation du patron des patrons vénézuélien, un juge a affirmé jeudi que le tribunal de Caracas avait lancé un mandat d’arrêt contre Carlos Fernandez pour «les délits de rébellion, de trahison à la patrie, d’incitation à la délinquance, d’association de délinquants et de dévastation». Il a en outre annoncé qu’un mandat pour des motifs similaires avait également été lancé contre Carlos Ortega, le président de la plus puissante centrale syndicale du pays, la Confédération des travailleurs vénézuéliens, également dans le collimateur du pouvoir pour sa participation active aux manifestations anti-Chavez. Carlos Ortega était toutefois toujours en liberté jeudi en fin d’après-midi.

Dès l’annonce de l’arrestation de son président, la Fedecamaras s’est réunie d’urgence. Elle a appelé les autorités vénézuéliennes à garantir la sécurité de Carlos Fernandez. Son vice président Alvis Munoz a en outre qualifié cette arrestation de «séquestration», en dénonçant notamment le fait qu’aucun contact n’avait jusqu’à présent été autorisé entre le patron des patrons et sa famille et ses avocats. «Si le président Carlos Fernandez est responsable d'avoir été impliqué dans la grève, on devrait donc envoyer en prison tous les Vénézuéliens, tous les chefs d'entreprise, tous les travailleurs et tous ces gens qui sont sortis défiler et manifester», a-t-il également déclaré. Le leader syndical Carlos Ortega a pour sa part dénoncé la stratégie de «terreur» orchestrée par le gouvernement Chavez contre les membres de l’opposition. «Nous ne pouvons rien écarté, a-t-il déclaré à la chaîne de télévision privé Globovision. Aujourd’hui notre santé physique ainsi que celle de nos familles est en péril». Il a en outre affirmé qu’il y aurait très vite un appel pour des manifestations de protestation à Caracas et dans le reste du pays. Timoteo Zambrano, le leader social-démocrate, qui a participé aux récentes négociations sous l’égide l’Organisation des Etats américain (OEA) pour tenter de dénouer la crise, n’a quant à lui pas caché son pessimisme. Selon lui, l’arrestation de Fernandez risque de «conduire à une escalade dans le conflit». Il a appelé la communauté internationale à «intervenir d’urgence».

Une arrestation difficile à justifier

Plusieurs médias indépendants ont par ailleurs annoncé que quelques vingt-cinq personnes, toutes membres de l’opposition à Hugo Chavez, étaient dans le collimateur des autorités gouvernementales. Et en l’absence de confirmation officielle sur l’arrestation de Carlos Fernandez, les rumeurs les plus folles courent à Caracas sur notamment l’implication de la police secrète et des proches du président vénézuéliens dans des enlèvements d’opposants. Trois militaires rebelles, qui avaient appelé à la désobéissance civile, ont en effet été retrouvés morts samedi dernier. Et le général Enrique Medina Gomez, l’un des leaders des militaires dissidents, avait accusé le gouvernement d’être à l’origine de ces meurtres, estimant qu’ils font partie d’une «stratégie de terrorisme destinée à affaiblir la base politique des officiers rebelles».

Carlos Fernandez était certes l’un des plus virulents détracteurs du régime de Hugo Chavez. Mais ni son arrestation, ni celle programmée du leader syndical, Carlos Ortega, ne se semblent se justifier dans le contexte politique actuel. Le gouvernement et l’opposition sont en effet enfin parvenus mardi dernier à un accord en signant un pacte contre la violence, considéré comme le premier signe positif quant à une éventuelle issue à la crise politique. Ce pacte, négocié sous l’égide de l’Organisation des Etats américains, condamne notamment «l’intempérance verbale, les récriminations mutuelles, les propos blessants et toute rhétorique stimulant la confrontation». Il devait contribuer à un retour au calme dans le pays pour permettre des négociations politiques entre le gouvernement et l’opposition tournées vers une réforme constitutionnelle pouvant conduire à des élections anticipées ou un referendum pour le maintien ou non au pouvoir du président Chavez. L’arrestation de Carlos Fernandez ne va donc pas dans le sens d’un apaisement de la situation et le pays risque très vite de retomber dans le chaos après une grève générale de 62 jours qui a paralysé l’économie du pays.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 20/02/2003