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Corée

Pyongyang salue le nouveau président sud-coréen

Pyongyang a fait monter d’un cran la tension dans la péninsule coréenne en testant dans la nuit de lundi à mardi un missile sol-mer dans la mer du Japon, à l’est de la Corée du Sud. Cet essai est intervenu quelques heures avant l’investiture du nouveau président sud-coréen Roh Moo-hyun en présence du secrétaire d’Etat Colin Powell et de quelque 200 dignitaires étrangers. Contre toute attente, le chef de la diplomatie américain s’est gardé d’émettre la moindre critique contre le régime de Pyongyang. Il a en revanche annoncé la reprise de l’aide alimentaire américaine à la Corée du Nord suspendue depuis le mois de novembre. A Washington, la Maison Blanche a toutefois estimé que Pyongyang «ne sera pas récompensé pour son comportement».
Le tir par le régime de Pyongyang d’un missile sol-mer de moyenne portée parti s’abîmer dans les eaux internationales de la mer du Japon n’est pas resté sans conséquence. Les forces sud-coréennes ont en effet tout de suite été mises en état d’alerte même si quelques heures plus tard Séoul a choisi de jouer la carte de l’apaisement. Dans son discours d’investiture, le nouveau président sud-coréen Roh Moo-hyun n’a ainsi pas fait mention de l’incident. Il a toutefois averti la Corée du Nord qu’elle devait choisir entre ses ambitions nucléaires et la survie de son régime. «C’est à Pyongyang de décider soit de continuer et de se doter d’armes nucléaires, soit d’obtenir des garanties pour sa sécurité et un soutien économique international», a notamment déclaré le nouveau président connu pour prôner une politique de réconciliation avec la Corée du Nord. Son invité, le secrétaire d’Etat Colin Powell a pour sa part estimé que ce tir n’était pas vraiment menaçant. «Je n’ai pas trouvé cela particulièrement surprenant, choquant ou dérangeant», a-t-il notamment déclaré en précisant que Pyongyang avait averti les marins de la possibilité d’un tel tir. Des officiels japonais ont par ailleurs minimisé la portée de cet incident, estimant qu’il s’agissait apparemment du tir de routine d’un missile de type ancien et de courte portée et non pas du test d’un engin balistique.

Si la communauté internationale a choisi de jouer la carte de l’apaisement, les autorités nord-coréennes ont volontairement adopté une attitude arrogante. Un membre de la délégation dépêchée par Pyongyang au sommet des non-alignés à Kuala Lumpur a en effet expliqué que le tir de missile avait été mené pour des raisons de «sécurité». «Tout le monde a des missiles, alors quel est le problème ?», a-t-il déclaré. La Corée du Nord avait déjà en août 1998 suscité une grave crise dans la région en effectuant le tir d’un missile balistique qui avait survolé le Japon avant de retomber dans le pacifique. Le régime de Pyongyang avait certes dès l’année suivante décrété un moratoire de ses tirs de missiles mais en janvier dernier il avait menacé de les reprendre après les sanctions américaines survenues à la suite de la reprise de son programme nucléaire.

Des manœuvres militaires malvenues

Le tir de missile de Pyongyang intervient dans un contexte tendu. Quelque 5 000 soldats américains ont en effet entamé vendredi dernier des manœuvres à proximité de la zone démilitarisée qui sépare les deux Corée. Ces manœuvres qui se déroulent tous les six mois prennent aujourd’hui un relief particulier dans le contexte de la tension qui prévaut depuis le mois de novembre dans la région et dans celui de la crise irakienne. Un journal nord-coréen a ainsi écrit que ces manœuvres trahissaient un projet d’attaque contre le régime de Pyongyang. «Actuellement le risque d’une guerre dans la péninsule coréenne est accru par les jeux de guerre aventureux menés par les impérialistes américains, et la situation régionale se rapproche dangereusement d’une guerre», souligne cette publication. Les autorités nord-coréennes ont par ailleurs affirmé qu’un avion espion américain avait violé l’espace aérien du Nord. «Les faucons impérialistes ont introduit illégalement un avion de reconnaissance stratégique RC-135 dans notre espace aérien pour nous espionner», a ainsi rapporté l’agence de presse KCNA.

Sans doute désireux d’apaiser la tension, les Etats-Unis ont annoncé la reprise de leur aide alimentaire à la Corée du Nord. Colin Powell, qui a tenu a précisé que Washington n’avait «aucun projet d’envahir le nord de la péninsule», a ainsi déclaré que l’administration américaine avait décidé de reprendre son aide alimentaire mais en la limitant à 100 000 tonnes cette année contre 157 000 tonnes l’année dernière. Il a justifié cette décision par le fait que le Programme alimentaire mondiale avait réclamé moins d’aide aux Etats-Unis dans la mesure ou d’autres pays s’étaient engagés à augmenter leurs dons. Selon lui cette diminution n’est en rien lié au programme nucléaire de Pyongyang et à ce titre ne constitue donc pas une sanction.

La politique de Washington vis-à-vis de la Corée du Nord et son souci de ne pas contrarier Pyongyang sont de plus en plus critiqués dans les capitales asiatiques. L’administration Bush refuse en effet d’entamer des discussions bilatérales avec Pyongyang, privilégiant, une fois n’est pas coutume, une approche multilatérale. Elle s’était d’ailleurs félicitée de la saisine du Conseil de sécurité par plusieurs pays inquiets de la tension grandissante dans la région. Mais cette approche ne concerne visiblement que la Corée du Nord. S’agissant de la crise irakienne, Washington est en effet prêt à intervenir militairement dans le Golfe avec ou sans l’aval de la communauté internationale. Pourtant le régime nord-coréen, de l’avis de nombreux pays, présente aujourd’hui un danger bien plus sérieux que l’Irak.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 25/02/2003