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Irak

Tournée éclair de Villepin en Afrique

Dominique de Villepin, le ministre français des Affaires étrangères a effectué une visite-éclair, en Angola, au Cameroun et en Guinée pour essayer de convaincre ces pays membres non permanents du Conseil de sécurité de se ranger derrière la position française: le refus du recours à la force pour désarmer le régime du président Saddam Hussein.
L'Angola, le Cameroun, la Guinée sont l'objet de pressions intenses de la part des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France pour qu'ils déterminent leur position avant le vote de la prochaine résolution introduite par les États-Unis et leurs alliés la Grande-Bretagne et l'Espagne. Le recours à la force qu'ils prônent se heurte au front du refus mené par la France, la Russie et la Chine. La France et la Russie ont annoncé leur intention de mettre leur veto à l'adoption d'une résolution autorisant les États-Unis à faire la guerre à l'Irak, dans l'éventualité où le rejet de la résolution n'emporterait pas la majorité. A ce niveau des débats il n'est plus une surprise pour personne que les convictions se monnaient. Envers les pays pauvres, les offres d'intervenir auprès du FMI, ou de la Banque mondiale sont des arguments de taille que les Etats-Unis ont coutume d'utiliser pour forcer le choix des indécis.

Mais cette fois les États-Unis ont été encore plus loin, en menaçant de représailles économiques la France si jamais elle usait de son droit de veto pour faire échouer le projet américano-hispano-britannique de livrer une guerre à l'Irak. Ces mêmes menaces sont encore plus lourdes de sens et de conséquences pour les pays pauvres qui fixent donc leur position en fonction des assurances et garanties que l'une ou l'autre partie pour leur apporter. «Il est évident que la France ne fera pas peser sur ses amis, les autres membres du Conseil de sécurité, le poids de cette charge» (le rejet de la résolution américaine), a déclaré Dominique de Villepin après sa rencontre avec le président Paul Biya du Cameroun. Avant l'escale de Yaoundé le ministre français était à Luanda, mais au vu des déclarations du ministre angolais des relations extérieures, Joao Bernado de Miranda, il apparaît évident que cette visite s'est soldée par un échec.

En effet, le ministre angolais lors d'une conférence de presse commune avec son homologue français a déclaré que «la guerre est inévitable» alors que Dominique de Villepin continuait de croire que la «guerre est toujours évitable». Le chef de la diplomatie angolaise, convaincu que la France usera de son droit de veto est tout aussi convaincu que les Américains déclareront la guerre à l'Irak. Sorti de 27 années de guerre civile ce pays a besoin de d'aides internationales et financières que le président José Eduardo dos Santos a mis dans la balance des discussions. Les relations commerciales influent également sur les choix à faire en matière de politique internationale, pour déterminer les alliances. Un mauvais choix pourrait coûter cher.

La morale des affaires

Dans le cas de l’Angola, le refus de rejoindre le front piloté par la France contre les États-Unis trouve un début d’explication dans la balance commerciale de ce pays. Les exportations angolaises en 2001 sont estimées à 7,7 milliards d’euros dont 90% sont constitués par le pétrole et les principaux acheteurs sont les États-Unis avec 46% de la production, la chine 11 % et la France 9,5 %. Sur le plan des fournitures, c'est la Corée qui enlève la première place parce qu'elle fournit les barges d'exploitation du pétrole, par les chantiers Hyundaï pour un coût de 790 millions d'euros en 2001. Se classent respectivement Le Portugal, ancienne puissance coloniale, l'Afrique du Sud, les États-Unis et la France. Les Américains occupent 10,5 % du marché des fournisseurs de l'Angola alors que la n'emporte que 5,5 % de part du marché. Par ailleurs les USA sont les premiers clients de l'Angola avec 46% d'absorption des exportations de ce pays qui représentent 3534 millions d'euros. La France n'intervient qu'en troisième position avec 9,5% de part du marché qui équivalent à 734 millions d'euros d'achats des produits angolais.

La situation inverse se pose en Guinée où la France joue les premiers rôles comme fournisseur et comme client. Les exportations guinéennes proviennent du secteur minier et les importations concernent les produits agroalimentaires, les biens de consommation et d'équipement, les produits manufacturés pour lesquels l'Union européenne tient la première place avec 43,66% de part du marché détenu par la France. La Côte d'ivoire se classe au deuxième rang des fournisseurs de la Guinée avec 14,5% de part du marché devant les Etats-Unis 8,2% de part du marché.
La France est également le premier fournisseur du Cameroun avec une part de marché estimée à 25%. Les exportations françaises connaissent une progression annuelle de 15,8 % parce que les habitudes de consommation et le circuits de distribution sont favorables à l'offre française. Les exploitations pétrolières, constructions d'oléoduc ont aussi accentué la présence française dans ce pays. L'Union européenne occupe la principale position dans les accords multilatéraux et des bailleurs de fonds. Sur le plan bilatéral la France occupe la première place de partenaire du Cameroun suivi de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne et du Canada.

Toutes ces considérations ont été prises en compte âprement défendues ou consolidées selon les objectifs des uns et des autres. Sur ce terrain, la France a marqué des points malgré le ton ironique utilisé par Jack Straw, le ministre britannique des Affaires étrangères pour qualifier le périple africain de son homologue français, Dominique de Villepin. Jack Straw parle de «déambulations», mais auxquelles il a dû accorder beaucoup d'importance puisque la secrétaire d'État britannique pour l'Afrique, Valerie Amos, emboîte le pas à Dominique de Villepin, sur le même parcours pour essayer de défaire les noeuds noués par le chef de la diplomatie française en Afrique.



par Didier  Samson

Article publié le 11/03/2003