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Chypre

Denktash au pied du mur

Kofi Annan avait fixé au 28 février dernier la date butoir pour que les dirigeants chypriote grec et chypriote turc signent enfin le traité de paix qui doit conduire à la réunification de l’île. Mais face à l’intransigeance des deux parties et faute d’accord, le secrétaire général des Nations unies leur a donné dix jours pour accepter ou refuser la tenue d’un referendum sur le plan de paix qu’il a lui-même parrainé. Faute de quoi, il se désintéressera de la question, Chypre perdant sans doute ainsi une chance historique de régler un conflit vieux de vingt-huit ans.
Quelques jours avant la rencontre décisive qui doit réunir à La Haye Kofi Annan et les dirigeants chypriotes grec et turc, les pressions se multiplient autour des deux parties pour qu’elles parviennent à un accord. Si le nouveau président chypriote, Tassos Papadopoulos, élu le 16 février, s’est gardé de faire le moindre commentaire sur l’initiative du secrétaire général des Nations unies d’organiser un referendum sur le plan de paix de l’ONU, le chef de la communauté turcophone, Rauf Denktash, n’a pas caché son désaccord. Il estime en effet que ce n’est pas aux deux communautés, qui ne connaissent rien des tenants et des aboutissants du plan onusien, de se prononcer en sa faveur ou non. Rauf Denktash a en outre accusé l’Union européenne d’être responsable de l’actuel blocage dans les négociations sur la réunification de l’île. «En promettant l’adhésion aux Chypriotes grecs, l’UE a provoqué l’impasse dans les négociations parce qu’ils ne voient maintenant aucun intérêt à trouver un compromis», a-t-il notamment affirmant en soulignant qu’il n’y avait désormais plus de motivation à trouver une solution qui puisse satisfaire les deux parties. Les Quinze ont en effet fait savoir qu’en cas d’échec de la réunification de l’île, ils n’accepterait d’intégrer que la partie chypriote grecque.

En visite à Ankara où il est venu chercher le soutien de la Turquie, Rauf Denktash a d’autre part affirmé son opposition au plan de paix proposé par Kofi Annan et déjà amendé deux fois. «Il est douteux que nous puissions accepter ce plan. Nous avons besoin de changements pour l’accepter», a-t-il déclaré dans un discours devant les députés turcs, la Turquie étant le seul pays à reconnaître l’entité chypriote turque. Rauf Denktash est par ailleurs de plus en plus contesté sur le plan intérieur. La semaine dernière quelque 40 000 manifestants sont descendus dans la rue pour soutenir la réunification et quatre des cinq partis de la coalition gouvernementale pourraient, contre toute attente, voter pour l’organisation du referendum et donc pour la plan de Kofi Annan. Il est vrai que la situation économique dans la partie nord de l’île est de plus en problématique, les seuls échanges commerciaux possibles se faisant avec la Turquie. Une réunification de Chypre permettrait aux Chypriotes turcs non seulement d’adhérer à l’Union européenne et de bénéficier d’aides conséquentes de Bruxelles mais aussi de briser l’isolement politique dans lequel ils se trouvent depuis vingt-huit ans.

Un enjeu de taille pour la Turquie

Le plan de paix de l’ONU, retouché deux fois depuis sa présentation le 11 novembre dernier, organise le pouvoir chypriote sur la base du modèle suisse avec deux entités égales en droit cohabitant au sein d’un Etat central aux prérogatives limités. Il prévoit que la partie turque de ce nouvel Etat fédéral contrôlerait 28,2% de l’île contre 36,2% actuellement. Quelque 92 000 Chypriotes grecs sur les 200 000 qui avaient quitté la partie nord de l’île au moment de sa partition seraient en outre autorisés à réoccuper leur anciennes propriétés. Le plan évoque également le relogement de quelque 40 000 Chypriotes turcs et la démilitarisation de l’île.

Contre toute attente et alors que la Turquie a toujours soutenu les dirigeants Chypriotes turcs, l’homme fort du pouvoir civil Recep Tayyip Erdogan a approuvé le plan de paix de Kofi Annan pourtant vivement dénoncé par Rauf Denktash. Ce plan pourrait en effet être une clé pour l’entrée de la Turquie au sein de l’Union européenne. Mais la décision de soutenir ou non les efforts du secrétaire général des Nations unies en faisant pression sur les dirigeants Chypriotes turcs reste entre les mains du président turc et surtout des généraux à Ankara. Le chef d’Etat major Hilmi Oskok a d’ailleurs rencontré Rauf Denktash.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 08/03/2003