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Turquie

Erdogan sur le chemin du gouvernement

Le dirigeant du Parti de la Justice et du Développement (AKP), Recep Tayyip Erdogan, a été élu député lors d’un scrutin partiel organisé dans la province de Siirt, au Sud-Est de la Turquie. Cette élection va lui permettre d’accéder au poste de Premier ministre.
C’est la dernière ligne droite pour Recep Erdogan. Leader du parti vainqueur des élections législatives de novembre, il est resté aux portes du gouvernement à cause d’une condamnation à une peine de prison pour «incitation à la haine religieuse», qui l’avait rendu inéligible. Il a, en effet, déclaré en 1997 à l’occasion d’un meeting politique dans la ville de Siirt, celle-là même où il s'est présenté aujourd’hui, «les minarets sont nos baïonnettes, les coupoles nos casques et les mosquées nos casernes». Des propos jugés «séditieux» dans un Etat laïc. Après un passage au purgatoire, des aménagements constitutionnels lui ont permis d'être candidat aujourd’hui à une élection législative partielle dans une circonscription où le vote précédent a été annulé. Son élection comme député va donc permettre à Erdogan d’accéder au poste de Premier ministre, actuellement occupé par son bras droit de l’AKP, Abdullah Gul. La passation de pouvoir est prévue pour la fin de semaine prochaine.

En remportant 34 % des suffrages, le parti de la Justice et du Développement, créé en 2001, a obtenu, aux dernières législatives, les deux tiers des 550 sièges du Parlement turc. Cela lui a permis de former seul un gouvernement «islamiste modéré». Sans fonction officielle, Recep Erdogan a pourtant toujours été considéré comme le véritable instigateur de la politique gouvernementale. Il a même réalisé une tournée des capitales européennes durant laquelle il a été reçu comme s’il était officiellement Premier ministre.

Régler la question du déploiement américain

L’élection de dimanche va permettre de lever toutes les ambiguïtés et peut-être de ramener les députés du parti au pouvoir à de meilleurs sentiments vis-à-vis du gouvernement dont ils se sont désolidarisés, le 1er mars, en refusant de voter la motion qui devait autoriser le déploiement des troupes américaines sur le territoire turc en vue d’une intervention militaire contre l’Irak. Ce vote négatif a constitué le premier revers important pour Erdogan qui n’a pas su convaincre les membres de son parti de soutenir sa politique sur un sujet, il est vrai extrêmement sensible. Il n’a pas réussi à faire passer son message sur une guerre jugée «inévitable» et dont la Turquie subirait de toute façon les conséquences. Une participation pouvant, selon lui, garantir au pays d’avoir les moyens de gérer au mieux la suite des événements.

L’une des premières préoccupations de Recep Erdogan sera donc certainement de préparer un nouveau passage du texte devant les députés. Les militaires turcs lui ont d’ailleurs apporté un soutien de poids pour accomplir cette tâche. Le chef de l’armée, le général Hilmi Ozkok, a ainsi affirmé publiquement que les militaires étaient favorables à un déploiement des troupes américaines dans le pays.

Malgré le vote du Parlement, les Etats-Unis continuent à acheminer et à débarquer en Turquie du matériel militaire. Plusieurs convois ont ainsi pris la route vers une direction inconnue à partir du port d’Iskenderun, au Sud du pays. Un contingent de 700 militaires américains aurait aussi essayé de quitter ce même port mais y aurait finalement renoncé après l’intervention de l’armée. Cette situation a provoqué une réaction immédiate du président du Parlement, Bulent Arinc, qui est fermement opposé à la guerre. Il s’est inquiété de ce déploiement «de facto» et a demandé la mise en place de mécanismes de contrôle parlementaire.

Le porte-parole de l’ambassade des Etats-Unis a tout de suite rétorqué que les équipements et personnels américains qui arrivaient actuellement en Turquie n’était pas «des troupes de combat» et que cela avait fait l’objet d’un accord avec le gouvernement turc. Malgré tout, les Etats-Unis maintiennent leur pression pour obtenir le feu vert pour l’envoi des 62 000 soldats prévus sur le front Nord. Robert Pearson, l’ambassadeur américain dans le pays, a d’ailleurs une nouvelle fois rencontré Recep Erdogan, dimanche, pour aborder cette question avant même que le verdict des urnes n'ait été rendu.



par Valérie  Gas

Article publié le 09/03/2003