Serbie
Deuil national
C’est avec une grande solennité et avec tous les honneurs que le Premier ministre Zoran Djindjic, assassiné par balles mercredi dernier, rejoint sa dernière demeure aujourd'hui : l’allée des Grands Hommes, au cimetière de Belgrade. Pour avoir combattu le régime de Slobodan Milosevic et contribué à mettre la Serbie sur la voie de la démocratie et de l’Europe. Dès 9h, son corps a été exposé dans la cathédrale Saint Sava, en haut de la colline de Vracar. A midi un office devait y être célébré par le patriarche orthodoxe Pavle, après quoi une procession doit rejoindre le cimetière en traversant la ville.
De notre correspondante à Belgrade
Une foule est attendue, de citoyens comme de personnalités nationales et de membres de délégations étrangères. Depuis l’attentat de mercredi dernier, le pays est en deuil, la consternation se mêlant à l’effroi, alors que les autorités ont proclamé l’état d’urgence et multiplient les arrestations. «Aujourd’hui, ils ont tiré sur la Serbie, tu es parti, avec qui nous as-tu laissés», disait un petit mot déposé parmi des dizaines d’autres, sous des monceaux de fleurs entourées de bougies. Ces trois derniers jours, des milliers de belgradois ont fait la queue jusqu’aux petites heures du matin pour signer le cahier de condoléances et rendre hommage à celui qu’ils surnommaient «Zoki», là où il a été assassiné, devant le siège du gouvernement.
Sous les giboulées qui alternaient avec les éclaircies, on a attendu aussi patiemment, dans le silence, devant le siège du parti démocratique (DS) à Belgrade, ainsi qu’à de nombreuses autres commémorations à travers le pays. «J’étais avec lui le 5 octobre 2000 quand on a renversé Milosevic, j’ai étouffé avec lui dans les gaz lacrymogènes, c’était mon seul espoir que ce pays allait changer, maintenant je suis triste et convaincue que la Serbie court à sa perte», nous disait Jelena, une jeune brune de 23 ans, qui a fermé son petit kiosque à sandwichs pour venir écrire un mot. «Tous ceux qui ont battu le pavé avec lui pendant les années de manifestations et de lutte contre Milosevic sont aujourd’hui désemparés», disait Natasa, ingénieure de 45 ans, les larmes aux yeux, alors que son compagnon affichait un visage fermé et gardait le silence.
La Serbie est en deuil. Les cinémas ont fermé, les représentations de théâtre sont suspendues, comme les compétitions sportives. Dans les cafés, les restaurants, comme à la télévision, on ne diffuse que de la musique classique. Les conversations ne sont que chuchotements.
«Les assassins ont voulu arrêter la roue de l'Histoire»
Mais pour les autorités, ces derniers jours, il s’agissait d’agir. «Nous déclarons la guerre aux bandes criminelles», annonçait dès le lendemain le ministre de l’Intérieur, promettant de «venger» Zoran Djindjic. Pour eux, cette bande, c’est le clan militaro-mafieux de Zemun, dirigé par Dejan Spasojevic, un trafiquant notoire, et son acolyte Legija, ancien commandant des «Bérets rouges», une unité spéciale créée par l’ancien président Slobodan Milosevic, soupçonnée d’avoir trempé dans de nombreux assassinats politiques et crimes de guerre. Selon la police, 181 suspects ont été arrêtées ou interpellées, dont Jovica Stanisic, l’ancien chef de la Sécurité du territoire, et Frenki Simatovic, le premier commandant des «Bérets rouges». Par ailleurs, on a commencé la destruction à coups de bulldozers de la maison de Dejan Spasojevic, en fuite, sous les applaudissements de plusieurs centaines de citoyens. «Permis de construire illégal», justifient les communiqués. Enfin, une liste de 23 personnes recherchées a été publiée, sur laquelle figurent de nombreux membres du clan de Zemun, aux surnoms aussi évocateurs que «le crétin», «le rat», «le tueur» ou «le parrain».
«Cet assassinat est politique. Derrière ce clan mafieux, qui n’est qu’un instrument, il y a les anciens sbires du régime de Slobodan Milosevic, toujours en place dans la police, l’armée et la justice», analyse Nikola Barovic, avocat de la famille de l’ancien président Stambolic, kidnappé et disparu quelques mois avant la chute de Milosevic. «Le but de cet assassinat est de déstabiliser l’Etat et de provoquer des élections anticipées, avec l’espoir d’obtenir la victoire des forces soi-disant patriotiques, qui auront de la compréhension pour leurs soi-disant faits de guerre», a également estimé Zarko Korac, vice-président du gouvernement, dans un entretien avec la radio B92. Ajoutant à la cérémonie de commémoration du gouvernement : «Maintenant que la Serbie change et prend le chemin de l’Europe sans que le retour en arrière soit possible, les assassins ont voulu arrêter la roue de l’Histoire et tuer le symbole des réformes. Mais ils n’y arriveront pas».
Une foule est attendue, de citoyens comme de personnalités nationales et de membres de délégations étrangères. Depuis l’attentat de mercredi dernier, le pays est en deuil, la consternation se mêlant à l’effroi, alors que les autorités ont proclamé l’état d’urgence et multiplient les arrestations. «Aujourd’hui, ils ont tiré sur la Serbie, tu es parti, avec qui nous as-tu laissés», disait un petit mot déposé parmi des dizaines d’autres, sous des monceaux de fleurs entourées de bougies. Ces trois derniers jours, des milliers de belgradois ont fait la queue jusqu’aux petites heures du matin pour signer le cahier de condoléances et rendre hommage à celui qu’ils surnommaient «Zoki», là où il a été assassiné, devant le siège du gouvernement.
Sous les giboulées qui alternaient avec les éclaircies, on a attendu aussi patiemment, dans le silence, devant le siège du parti démocratique (DS) à Belgrade, ainsi qu’à de nombreuses autres commémorations à travers le pays. «J’étais avec lui le 5 octobre 2000 quand on a renversé Milosevic, j’ai étouffé avec lui dans les gaz lacrymogènes, c’était mon seul espoir que ce pays allait changer, maintenant je suis triste et convaincue que la Serbie court à sa perte», nous disait Jelena, une jeune brune de 23 ans, qui a fermé son petit kiosque à sandwichs pour venir écrire un mot. «Tous ceux qui ont battu le pavé avec lui pendant les années de manifestations et de lutte contre Milosevic sont aujourd’hui désemparés», disait Natasa, ingénieure de 45 ans, les larmes aux yeux, alors que son compagnon affichait un visage fermé et gardait le silence.
La Serbie est en deuil. Les cinémas ont fermé, les représentations de théâtre sont suspendues, comme les compétitions sportives. Dans les cafés, les restaurants, comme à la télévision, on ne diffuse que de la musique classique. Les conversations ne sont que chuchotements.
«Les assassins ont voulu arrêter la roue de l'Histoire»
Mais pour les autorités, ces derniers jours, il s’agissait d’agir. «Nous déclarons la guerre aux bandes criminelles», annonçait dès le lendemain le ministre de l’Intérieur, promettant de «venger» Zoran Djindjic. Pour eux, cette bande, c’est le clan militaro-mafieux de Zemun, dirigé par Dejan Spasojevic, un trafiquant notoire, et son acolyte Legija, ancien commandant des «Bérets rouges», une unité spéciale créée par l’ancien président Slobodan Milosevic, soupçonnée d’avoir trempé dans de nombreux assassinats politiques et crimes de guerre. Selon la police, 181 suspects ont été arrêtées ou interpellées, dont Jovica Stanisic, l’ancien chef de la Sécurité du territoire, et Frenki Simatovic, le premier commandant des «Bérets rouges». Par ailleurs, on a commencé la destruction à coups de bulldozers de la maison de Dejan Spasojevic, en fuite, sous les applaudissements de plusieurs centaines de citoyens. «Permis de construire illégal», justifient les communiqués. Enfin, une liste de 23 personnes recherchées a été publiée, sur laquelle figurent de nombreux membres du clan de Zemun, aux surnoms aussi évocateurs que «le crétin», «le rat», «le tueur» ou «le parrain».
«Cet assassinat est politique. Derrière ce clan mafieux, qui n’est qu’un instrument, il y a les anciens sbires du régime de Slobodan Milosevic, toujours en place dans la police, l’armée et la justice», analyse Nikola Barovic, avocat de la famille de l’ancien président Stambolic, kidnappé et disparu quelques mois avant la chute de Milosevic. «Le but de cet assassinat est de déstabiliser l’Etat et de provoquer des élections anticipées, avec l’espoir d’obtenir la victoire des forces soi-disant patriotiques, qui auront de la compréhension pour leurs soi-disant faits de guerre», a également estimé Zarko Korac, vice-président du gouvernement, dans un entretien avec la radio B92. Ajoutant à la cérémonie de commémoration du gouvernement : «Maintenant que la Serbie change et prend le chemin de l’Europe sans que le retour en arrière soit possible, les assassins ont voulu arrêter la roue de l’Histoire et tuer le symbole des réformes. Mais ils n’y arriveront pas».
par Milica Cubrilo
Article publié le 15/03/2003