Irak
24 heures pour rejoindre la coalition
Les trois chefs d'Etat et de gouvernement des pays partisans d'un désarmement rapide de l'Irak par la force (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Espagne) ont tenu un bref sommet sur la base militaire de Lajes, sur l'île de Terceira, dans l'archipel portugais des Açores. Le Premier ministre portugais, dont le pays soutient lui aussi la légitimité du recours à la force contre Bagdad, a participé à la réunion. Face à l'incapacité du Conseil de sécurité de l'ONU d'élaborer une solution de consensus, confrontés à une opinion publique hostile à la guerre sans l’aval des Nations unies, les Etats-Unis et leurs alliés ont examiné les différentes hypothèses qui s’offraient à eux. Les quatre hommes ont tenu a réaffirmé la solidarité transatlantique qui les lie et ont annoncé que les heures à venir seraient décisives. Mais ils n'ont pas laissé d'autres choix à leurs partenaires que de se soumettre et à Saddam Hussein de se démettre.
Parallèlement, le groupe des pays favorables à la poursuite des inspections annoncent de nouvelles initiatives. Samedi soir, au nom de l’Allemagne, la France et la Russie, le ministre français des Affaires étrangères a appelé à la réunion du Conseil de sécurité au niveau ministériel pour examiner en début de semaine le prochain rapport des inspecteurs en désarmement. De son côté le président français s’est déclaré prêt à ramener à 30 jours la limite pour que les inspecteurs terminent leur travail en Irak.
Parallèlement, le groupe des pays favorables à la poursuite des inspections annoncent de nouvelles initiatives. Samedi soir, au nom de l’Allemagne, la France et la Russie, le ministre français des Affaires étrangères a appelé à la réunion du Conseil de sécurité au niveau ministériel pour examiner en début de semaine le prochain rapport des inspecteurs en désarmement. De son côté le président français s’est déclaré prêt à ramener à 30 jours la limite pour que les inspecteurs terminent leur travail en Irak.
Ils ont fait «moitié-moitié» : tous ont fait leur part, à peu près égale, du chemin pour arriver jusqu’au petit archipel portugais, au milieu de l’Atlantique. On imagine en effet que chacun est avare de son temps car, dans ce contexte international sous tension, chaque heure compte. De l’avion présidentiel américain, et avant même qu’il ne touche la piste d’atterrissage, le porte-parole de la Maison Blanche avait déclaré à la presse que «le but du sommet est d’étudier la situation alors que la fin de la diplomatie est proche». Lors de la conférence de presse de clôture de la réunion, deux heures plus tard, les chefs d'Etat confirmaient que l'échéance était proche en effet et que le lundi 17 mars constituait toujours une date-butoir en forme d'ultimatum. Ce sera un «moment de vérité», a déclaré le président américain, indiquant notamment avec ses partenaires que les prochaines heures seraient mises à profit pour convaincre la communauté internationale que l'Irak n'avait pas rempli ses obligations et que la résolution 1441 était un outil suffisant pour user de la contrainte et qu’ils attendaient de l’ONU qu’elle adopte cette position.
Les quatre hommes ont tour à tour déclaré qu'ils allaient engager un dernier effort pour sortir de la crise. Mais ce discours de bonne volonté se heurte manifestement à la contraction des délais. Et, à l'évidence, les partisans de l'option militaire veulent des résultats immédiats aux consultations qu’ils comptent entreprendre dès lundi : «sans un ultimatum crédible autorisant la force, les discussions supplémentaires ne sont que des retards supplémentaires (…). Nous faisons tout ce que nous pouvons mais nous sommes au bout de la ligne droite», a indiqué le Britannique Tony Blair.
Difficile à l’issue de la réunion d’anticiper sur l’agenda des prochaines heures. Vraisemblablement, chacun les mettra à profit pour alerter, en bilatéral, ses partenaires respectifs qu’un palier a de nouveau été franchi dans la détermination des Américains et de leurs alliés d’en finir avec Saddam Hussein. Mais il est très difficile d’apprécier quelles seront les modalités de la «dernière tentative» évoquée aux Açores. Et il n’est pas sûr que la «volonté de dialogue» affichée aux Açores se traduisent par une résolution du Conseil de sécurité. Pourtant les membres de la coalition, et George W. Bush en tête, réservent à l’ONU une place importante, évoquée au chapitre de la reconstruction de l’Irak dont le Premier ministre britannique s’est engagé à protéger l’intégrité, à y installer un gouvernement démocratique, affirmant que ses ressources pétrolières continueraient d’être la propriété des Irakiens.
«Nous nous sommes mis d’accord sur un processus de paix au Proche-Orient qui devrait aboutir à la coexistence pacifique de deux Etats», a par ailleurs indiqué le Premier ministre espagnol tandis que son homologue britannique se félicitait de la nomination d’Abou Mazen comme nouveau Premier ministre palestinien.
«On peut difficilement imaginer qui pourrait arrêter cette machine»
Dans quelques heures nous serons lundi matin et, à New York, l’ONU va reprendre le travail. Les membres du Conseil de sécurité devront-ils se réunir pour examiner de nouveaux projets de résolution ? L’Allemagne, la France et la Russie le réclament depuis samedi soir, mais on ignore quel sort sera réservé à leur appel tant les préoccupations s’éloignent chaque heure un peu plus de la scène diplomatique. Désormais «les Américains comptent en jour, (…) on peut difficilement imaginer ce qui pourrait arrêter cette machine», a reconnu le ministre français des Affaires étrangères, samedi soir sur France 2.
Et la volonté d'en finir vite s'accommode mal des temps administratifs réclamés par l'ONU. L'impatience croissante manifestée par Washington et ses alliés traduit les incompatibilités entre le calendrier des inspecteurs et celui des militaires et de leurs administrations respectives. Et, compte tenu des moyens engagés, renoncer à ce stade à l’option militaire pour rejoindre le travail effectué par l’ONU se traduirait par un financement à perte. En effet, dès que le dispositif militaire sera définitivement verrouillé, toute cette armada coûtera fort cher et ne rapportera rien sinon de la dissuasion, alors que Washington et ses alliés en attendent certainement plutôt un «retour sur investissements». En l'état du dossier, seule la puissance militaire est en mesure de garantir la rapidité d'exécution.
Cette impatience est également la traduction de l'incertitude face à la bataille de l'opinion publique que la crise internationale a révélé. Samedi, les manifestations de protestations n'ont pas atteint le niveau d'affluence qu'elles avaient connu le mois dernier. Mais le rendez-vous a été marqué dans le monde entier et des pics ont été atteints, en Espagne notamment et au Canada où Montréal a vu défilé 250 000 personnes. Il est trop tôt pour tirer des bilans sur l’impact de cette crise sur les opinions publiques, d’autant qu’on ne connaît pas encore la fin de l’histoire et qu’elle sera vraisemblablement parsemée de rebondissements, manipulations, rumeurs et contre-enquêtes tardives. Mais pour ce qui concerne le premier chapitre, «avant la guerre» (si celle-ci a lieu), on retiendra au moins la sensibilité à la thématique, l’autonomie (plus ou moins relative) manifestée à l’égard des dirigeants, l‘aptitude à mobiliser dans le temps et dans l’espace. Enfin, à défaut d’avoir une influence déterminante sur les décisions, ces opinions publiques, par leur caractère massif, engagent à un vrai débat, à la fois au sein même des nations et entre les pays alliés, sur l’avenir des relations internationales.
Car «c’est un crise Ouest-Ouest (et) c’est la première d’une série», déclarait hier dans Le Monde Edward Luck, professeur de relations internationales à l’Université de Columbia de New York à propos de la situation actuelle. Et l’opinion publique internationale, par le soutien qu’elle apporte à l’une ou l’autre partie, joue incontestablement tout son rôle dans la difficulté à la résoudre. C’est un aspect de la question qui n’aura peut-être pas été débattu aux Açores, dimanche. Mais il planait sur le sommet car si, comme de nombreux signes le laissent entrevoir, l’issue est proche et elle sera militaire, gagner la bataille de l’information sera un front prioritaire face à une opinion publique divisée, voire hostile. Surtout pour Tony Blair et José Maria Aznar.
Réagissant dans la soirée au sommet des Açores, le chef des inspecteurs en désarmement a estimé que les quatre hommes semblaient divisés. Dans une interview à la chaîne de télévision publique suédoise SVT2, Hans Blix a souligné que «d’un côté, le président Bush semble ne parler que de la façon dont il faut libérer l’Irak et s’assurer qu’il n’y reste aucune arme, alors que de l’autre côté Blair et Aznar font pression pour donner une dernière chance à l’unité (de la communauté internationale) pour donner à Saddam Hussein un ultimatum».
Les quatre hommes ont tour à tour déclaré qu'ils allaient engager un dernier effort pour sortir de la crise. Mais ce discours de bonne volonté se heurte manifestement à la contraction des délais. Et, à l'évidence, les partisans de l'option militaire veulent des résultats immédiats aux consultations qu’ils comptent entreprendre dès lundi : «sans un ultimatum crédible autorisant la force, les discussions supplémentaires ne sont que des retards supplémentaires (…). Nous faisons tout ce que nous pouvons mais nous sommes au bout de la ligne droite», a indiqué le Britannique Tony Blair.
Difficile à l’issue de la réunion d’anticiper sur l’agenda des prochaines heures. Vraisemblablement, chacun les mettra à profit pour alerter, en bilatéral, ses partenaires respectifs qu’un palier a de nouveau été franchi dans la détermination des Américains et de leurs alliés d’en finir avec Saddam Hussein. Mais il est très difficile d’apprécier quelles seront les modalités de la «dernière tentative» évoquée aux Açores. Et il n’est pas sûr que la «volonté de dialogue» affichée aux Açores se traduisent par une résolution du Conseil de sécurité. Pourtant les membres de la coalition, et George W. Bush en tête, réservent à l’ONU une place importante, évoquée au chapitre de la reconstruction de l’Irak dont le Premier ministre britannique s’est engagé à protéger l’intégrité, à y installer un gouvernement démocratique, affirmant que ses ressources pétrolières continueraient d’être la propriété des Irakiens.
«Nous nous sommes mis d’accord sur un processus de paix au Proche-Orient qui devrait aboutir à la coexistence pacifique de deux Etats», a par ailleurs indiqué le Premier ministre espagnol tandis que son homologue britannique se félicitait de la nomination d’Abou Mazen comme nouveau Premier ministre palestinien.
«On peut difficilement imaginer qui pourrait arrêter cette machine»
Dans quelques heures nous serons lundi matin et, à New York, l’ONU va reprendre le travail. Les membres du Conseil de sécurité devront-ils se réunir pour examiner de nouveaux projets de résolution ? L’Allemagne, la France et la Russie le réclament depuis samedi soir, mais on ignore quel sort sera réservé à leur appel tant les préoccupations s’éloignent chaque heure un peu plus de la scène diplomatique. Désormais «les Américains comptent en jour, (…) on peut difficilement imaginer ce qui pourrait arrêter cette machine», a reconnu le ministre français des Affaires étrangères, samedi soir sur France 2.
Et la volonté d'en finir vite s'accommode mal des temps administratifs réclamés par l'ONU. L'impatience croissante manifestée par Washington et ses alliés traduit les incompatibilités entre le calendrier des inspecteurs et celui des militaires et de leurs administrations respectives. Et, compte tenu des moyens engagés, renoncer à ce stade à l’option militaire pour rejoindre le travail effectué par l’ONU se traduirait par un financement à perte. En effet, dès que le dispositif militaire sera définitivement verrouillé, toute cette armada coûtera fort cher et ne rapportera rien sinon de la dissuasion, alors que Washington et ses alliés en attendent certainement plutôt un «retour sur investissements». En l'état du dossier, seule la puissance militaire est en mesure de garantir la rapidité d'exécution.
Cette impatience est également la traduction de l'incertitude face à la bataille de l'opinion publique que la crise internationale a révélé. Samedi, les manifestations de protestations n'ont pas atteint le niveau d'affluence qu'elles avaient connu le mois dernier. Mais le rendez-vous a été marqué dans le monde entier et des pics ont été atteints, en Espagne notamment et au Canada où Montréal a vu défilé 250 000 personnes. Il est trop tôt pour tirer des bilans sur l’impact de cette crise sur les opinions publiques, d’autant qu’on ne connaît pas encore la fin de l’histoire et qu’elle sera vraisemblablement parsemée de rebondissements, manipulations, rumeurs et contre-enquêtes tardives. Mais pour ce qui concerne le premier chapitre, «avant la guerre» (si celle-ci a lieu), on retiendra au moins la sensibilité à la thématique, l’autonomie (plus ou moins relative) manifestée à l’égard des dirigeants, l‘aptitude à mobiliser dans le temps et dans l’espace. Enfin, à défaut d’avoir une influence déterminante sur les décisions, ces opinions publiques, par leur caractère massif, engagent à un vrai débat, à la fois au sein même des nations et entre les pays alliés, sur l’avenir des relations internationales.
Car «c’est un crise Ouest-Ouest (et) c’est la première d’une série», déclarait hier dans Le Monde Edward Luck, professeur de relations internationales à l’Université de Columbia de New York à propos de la situation actuelle. Et l’opinion publique internationale, par le soutien qu’elle apporte à l’une ou l’autre partie, joue incontestablement tout son rôle dans la difficulté à la résoudre. C’est un aspect de la question qui n’aura peut-être pas été débattu aux Açores, dimanche. Mais il planait sur le sommet car si, comme de nombreux signes le laissent entrevoir, l’issue est proche et elle sera militaire, gagner la bataille de l’information sera un front prioritaire face à une opinion publique divisée, voire hostile. Surtout pour Tony Blair et José Maria Aznar.
Réagissant dans la soirée au sommet des Açores, le chef des inspecteurs en désarmement a estimé que les quatre hommes semblaient divisés. Dans une interview à la chaîne de télévision publique suédoise SVT2, Hans Blix a souligné que «d’un côté, le président Bush semble ne parler que de la façon dont il faut libérer l’Irak et s’assurer qu’il n’y reste aucune arme, alors que de l’autre côté Blair et Aznar font pression pour donner une dernière chance à l’unité (de la communauté internationale) pour donner à Saddam Hussein un ultimatum».
par Georges Abou
Article publié le 16/03/2003