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Guerre en Irak

Américains et Britanniques «à 100 km de Bagdad»

Atteindre Bagdad le plus vite possible, c'est le but des soldats américains et britanniques qui ne sont plus qu'à 100 km de la capitale irakienne selon Tony Blair.
Lundi après midi, le Premier ministre britannique, Tony Blair a indiqué le «but essentiel» de la guerre en Irak : atteindre Bagdad «le plus vite possible et accélérer ainsi la fin du régime». Il reconnaît toutefois que la coalition américano-britannique rencontre des « poches de résistance ». A la télévision irakienne, Saddam Hussein promet l’enlisement à la coalition adverse. Des combats se poursuivent au Sud et l’aviation américano-britannique pilonne le nord du pays où des troupes américaines auraient commencé à se positionner dans le Kurdistan.

Dans la nuit de lundi à mardi, des bombardements intenses et prolongés ont frappé Bagdad après s'être concentrés sur sa périphérie sud où sont installées des positions de la Garde républicaine. L'état-major américain s'est félicité d'un "grand succès" qui a selon lui "affaibli de manière significative" la division Médina de la Garde républicaine irakienne harcelée pendant 48 heures. Ces raids ont succédé à de multiples frappes sur la capitale irakienne et ses environs qui se sont répétés tout au long de la journée de lundi. Plusieurs très fortes explosions ont ébranlé Bagdad lundi en toute fin de journée. Selon le Premier ministre britannique, Tony Blair, les blindés de l’avant-garde américano-britannique sont à une centaine de kilomètres de Bagdad, entre les villes saintes chiites de Najaf et Kerbala. Il s’agit clairement de viser le régime à la tête pour qu’il s’effondre et Bagdad se prépare à un éventuel siège. Le président irakien, qui avait été donné pour mort ou grièvement blessé depuis samedi, est apparu lundi à la télévision irakienne pour s'adresser aux forces armées et au peuple irakiens. Il les a appelé à une guerre d’usure contre la coalition américano-britannique qu’il menace «d’embourbement».

Le président irakien prophétise une guerre «longue et lourde de conséquences». Sosie ou véritable Saddam Hussein, date et heure de l’enregistrement, le débat continue du côté de ses adversaires, mais le vice Premier ministre Tarek Aziz assure que Saddam Hussein garde «le contrôle total du pays» et que les dirigeants irakiens sont bien vivants et en ordre de bataille. Par ailleurs, le pouvoir irakien affirme avoir abattu deux hélicoptères d'attaque Apache. La télévision irakienne a montré lundi soir deux hommes en tenue de pilote et présenté comme ceux de l'un des hélicoptères Apache montré à la presse près de Kerbala, à environ 80 kilomètres au sud de Bagdad. De son côté, le commandement américain a confirmé la disparition d'un tel appareil en Irak.

La coalition américano-britannique a dû renoncer pour le moment à un mouvement militaire rapide de prise en tenaille de Bagdad, à partir du Sud et à partir du Nord, faute de pouvoir faire transiter ses troupes sur le territoire turc. Selon l'état-major américain, certaines de ses actions auraient été retardées par des tactiques de guérilla de ses adversaires irakiens. De simples contretemps selon le commandant des opérations, le général Tommy Franks qui estimait lundi après-midi que les forces américano-britanniques ont réalisé des progrès «rapides et parfois spectaculaires». La coalition aurait fait 3000 prisonniers irakiens dont la plupart se serait rendu, assure-t-il. Mais jusqu’à présent, les Irakiens ne semblent guère sensibles aux appels du pied de la coalition anti-Saddam Hussein. La blitz-krieg n’est pas au rendez-vous. Tony Blair explique que «nos objectifs sont de vérifier le désarmement nucléaire, biologique et chimique de l’Irak. Mais il s’agit de libérer l’Irak». C’est pourquoi, dit-il, il faut «prendre en compte la souffrance des Irakiens et préserver leurs richesses». Les raids aériens sont donc ciblés sur des positions stratégiques, poursuit le Premier ministre britannique, mais «il y a évidemment des pertes civiles et nous avons commencé à mettre en place l’aide humanitaire qui arrivera bientôt».

Tony Blair a expliqué que les troupes américano-britanniques avaient en particulier mission de sécuriser la façade maritime sud, d’empêcher l’Irak d’agresser ses voisins à l'Ouest et de protéger les régions pétrolières du Nord, avec le concours des Kurdes. Pendant ce temps les blindés américains montent sur Bagdad. L'avant-garde est tout près d'entrer en contact avec les forces irakiennes. Un temps fort dans l’offensive terrestre, mais aussi beaucoup d'inconnues quant à l'éventuelle bataille de Bagdad. Pour sa part, Tony Blair promet déjà «un avenir radieux» au peuple irakien.

Sécuriser le front sud

Officiellement, les forces américano-britannique étaient censées contourner les villes ou les positions irakiennes qui leur résistent, pour foncer sur Bagdad, quitte à revenir finir le nettoyage dès lors que le régime serait tombé. Les éventuels combats de rues n'étaient pas au programme immédiat. Pourtant, sur le front sud, des combats acharnés se poursuivaient lundi pour le contrôle de villes stratégiques adossées à la façade maritime irakienne. Six navires de guerre américains transportant des équipements militaires ont emprunté lundi le canal de Suez et deux autres devraient le franchir mardi pour rejoindre les douze bâtiments qui les ont précédés. Selon le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, les Etats-Unis disposeraient d'informations selon lesquelles le régime irakien serait prêt à utiliser des armes chimiques, en particulier, selon lui, contre les populations chiites du sud du pays. Le cas échéant, selon le département d'Etat, Bagdad pourrait accuser les Américains. Spéculation en forme de propagande ou inquiétude fondée, en tout cas, le Sud est un enjeu formidable pour les belligérants et la messe n'est pas complètement dite.

Lundi après midi,les forces américaines ont lancé une attaque contre la ville de Nassiriah, à 375 kilomètres au sud-est de Bagdad. D'intenses bombardements ont succédé à l'encerclement de la ville par une colonne de chars Abrams et deux colonnes de chars d’assaut amphibies. Nassiriah occupe une position carrefour sur le fleuve Euphrate qui conduit aux sorties sud-ouest ou sud-est de Bagdad, selon la rive empruntée. Depuis samedi, des unités de la coalition américano-britannique sont confrontées à la résistance de troupes irakiennes, en particulier pour le contrôle de deux ponts sur l’Euphrate. Lundi, les combats étaient toujours très violents et l'état-major américain faisait état de civils mêlés aux combattants irakiens en uniformes postés en embuscades. Plus au sud, la ville de Bassorah aussi a été bombardée lundi. Selon Tony Blair, l'aéroport international est désormais "sécurisé". Mais l'immense métropole pétrolière n'est pas encore tombée. Les "Fedayine de Saddam", un corps paramilitaire commandé par Oudaï le fils aîné du président irakien, affirment qu'ils ont fait deux morts et un prisonnier aux abords de Bassorah dans les combats qui les opposent à la coalition américano-britannique. De son côté, le Comité international de la Croix-rouge, le CICR redoute une crise humanitaire majeure pour les habitants de Bassorah (1 200 000 personnes)en proie aux bombardements, privés d'eau, d'électricité, de médicaments et pour certains déjà de nourriture. Dimanche, le président Bush avait promis l'arrivée d'une aide massive à Bassorah dans les 36 heures. Selon le porte-parole de la présidence américaine, "l'une des préoccupations centrales de la planification militaire est d'assurer que l'aide humanitaire soit distribuée au plus vite". Il est vrai qu'elle peut avoir un effet positif sur l'empathie des Irakiens vis-à-vis de l'opération militaire "liberté pour l'Irak". En attendant, une fois de plus, l'état-major américain revendique la prise de la ville portuaire d'Oum Kasr où des miliciens irakiens continueraient toutefois des attaques sporadiques. Le déminage du port non plus n'est pas terminé, ce qui continue d'hypothéquer la relance éventuelle du programme humanitaire pétrole contre nourriture suspendu le 17 mars dernier. Mais globalement, Tony Blair assure que les forces britanniques ont sécurisé la péninsule de Fao.

Faute de pouvoir transiter en territoire turc, la coalition américano-britannique semble vouloir ouvrir un front au nord de l’Irak, notamment au Kurdistan. Plusieurs centaines de soldats américains auraient été héliportées au Kurdistan. Des forces spéciales américaines auraient également été acheminées par camions à l’est du Kurdistan. Lundi, pour la première fois, des frappes ont visé les alentours de Chamchamal (à l’est de Kirkouk), une localité du Kurdistan irakien tenue par des peshmergas kurdes alliés de la coalition anti-Saddam Hussein. Dans la même région, Erbil aussi aurait été pilonnée. Mossoul également, dans les confins nord de l’Irak, à la frontière du Kurdistan irakien. La nordiste pétrolière Mossoul est toujours aux mains des troupes irakiennes qui assurent que l’autre grande ville pétrolière du Nord, Kirkouk, a été l’objet d’un assaut américano-britannique raté.

L’armée britannique a annoncé la mort lundi de son premier soldat tombé au combat au sud de l'Irak. L’état-major américain admet que les violents combats autour de Nassiriah provoquent des pertes des deux côtés. Il reconnaît qu'une dizaine de ses soldats ont été tués. S'ajoutent à ces derniers des "portés disparus" de la bataille de Nassiriah : une douzaine de soldats tombés dans une embuscade. La télévision Al-Jazira a montré les corps de cinq d'entre eux ainsi que cinq prisonniers. Les douze premiers blessés américains ont été évacués lundi à l'hôpital militaire de Landstuhl, au sud-ouest de l'Allemagne. Huit d'entre eux ont été blessés au combat. Depuis le début de l'offensive, le 20 mars, une quarantaine de soldats américains et britanniques auraient trouvé la mort au combat ou dans des accidents. Les autorités irakiennes affirment avoir fait 25 morts dans les rangs adverses, à Nassiriah, et revendiquent six prisonniers américains. Par ailleurs, l'etat-major américain confirme qu'un de ses missiles a touché un bus de voyageurs rentrant en Syrie dimanche matin à Ratba, dans l’Ouest irakien. Cinq Syriens ont été tués et dix autres blessés. Le ministre irakien de l’Information affirme que les bombardements de dimanche ont fait des centaines de blessés et des dizaines de morts parmi les civils, en particulier à Bassorah. A Bagdad aussi, plusiurs civils ont été tués lorsqu'un missile est tombé sur un quartier résidentiel. Au total, les bilans sont encore extrêmement partiels. La coalition américano-britannique s’efforce de préparer ses opinions aux pertes humaines, matière à galvaniser ses troupes pour le régime irakien et à répandre la fureur dans les rues du monde arabe.



par Monique  Mas

Article publié le 25/03/2003