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Iran

L’Iran montre sa centrale nucléaire à la presse

Accusé par les Américains de chercher à fabriquer l’arme atomique, l’Iran a montré la centrale nucléaire de Bouchehr à la presse pour prouver sa bonne volonté et contrer les accusations des États-Unis.
De notre envoyé spécial à Bouchehr

Tout autour de la centrale nucléaire de Bouchehr des batteries anti-aériennes guettent le ciel. Au fur et à mesure que les travaux de la centrale, la seule que l’Iran possède, approchent de leur fin, la crainte d’un bombardement grandit. Les ennemis sont nombreux. Il y a les Israéliens, les Américains ou encore les Irakiens. D’ailleurs, durant les huit années de guerre entre l’Iran et l’Irak (1980-1988), l’aviation irakienne a bombardé à sept reprises le site, commencé en 1974 et abandonné par les Allemands en 1979 après la victoire de la Révolution islamique. En ouvrant les portes de la centrale de Bouchehr à la presse, l’Iran veut contrer accusations américaines selon lesquelles Téhéran fabrique en secret la bombe atomique.
A quelques centaines de mètres des rivages du golfe Persique, la centrale, située dans un immense complexe, ressemble à un énorme chantier. Mais pas question de laisser photographes et cameramen, pourtant invités par l’Organisation de l’énergie atomique, de prendre des vues. Encadrés par les équipes de la centrale, les journalistes ont accès au cœur même du site, jusqu'au réacteur. Toutes les installations lourdes sont prêtes à accueillir les 80 tonnes d'uranium russe attendues en mai pour servir de combustible.

«Soixante-dix pour cent des travaux de la centrale sont terminés et le chantier prendra fin d’ici un an et la centrale devrait entrer en service au cours du second semestre de 2004, mais je reconnais que c’est un calendrier très serré», a affirmé le vice-président de l'organisation atomique nationale, Assadollah Sabouri, lors d’une conférence de presse. Selon lui, le combustible fourni par les Russes «sera remis à l’Iran au mois de mai».
Le programme nucléaire iranien et l'annonce récente par le président Khatami de la découverte et l’exploitation d’une mine d’uranium et la construction de plusieurs complexes à Natanz, Arak, Ispahan et Kachan pour la fabrication du combustible nucléaire en Iran même, ont conforté les dirigeants américains dans leur conviction.
La visite guide des journalistes sur le site de la centrale de Bouchehr, où les ingénieurs russes et iraniens travaillent «24 heures sur 24», a été organisée le jour même de la visite du ministre russe des Affaires étrangères Igor Ivanov en Iran.
La construction de la centrale a commencé il y a 28 ans par les Allemands qui ont décidé de cesser leur collaboration au début des années 80. La Russie a signé un contrat de 800 millions de dollars pour finir les travaux qui ont repris «sérieusement en 1997». Selon Assadollah Sabouri, les Russes ont dû refaire une grande partie des installations commencées par les Allemands, car ces derniers refusaient de fournir toute information sur les travaux.
«Les inspecteurs de l'agence ont entreposé trois caméras qui doivent bientôt être branchées et reliées directement au siège de l'Agence pour surveiller à chaque instant ce que nous faisons», a ajouté Assadollah Sabouri, qui a affirmé que le programme iranien «était totalement pacifique».

L’Iran refuse de signer le protocole additionnel au TNP

Les responsables iraniens n'en restent pas moins prudents. Photographes et cameramen ont été tenus à l'écart et n'ont pu prendre qu'à bonne distance des vues de la centrale. Les Iraniens se veulent convaincu de la solidité de la structure. «Même si un avion de ligne s'écrasait sur la centrale, elle résisterait», a affirmé Abbas Sedgh Kerdar, responsable sécurité des lieux.
Malgré cette opération transparence, Assadollah Sabouri a répété que l’Iran refusait de signer le protocole additionnel au Traité de non-prolifération (TNP), qui permettrait pourtant des inspections intempestives des installations nucléaires nationales.
Quelques heures après cette visite, la première depuis cinq ans, L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a demandé de nouveau à l’Iran d’accepter des inspections poussées et sans préavis de ses installations nucléaires. «J'ai insisté auprès des dirigeants iraniens sur la nécessité d'être totalement transparents, la nécessité de signer le protocole additionnel», a déclaré le directeur général de l'AIEA Mohammed el-Baradeï qui s'est rendu le mois dernier en Iran. Le «protocole additionnel» permet aux inspecteurs de l’AIEA de mener des visites inopinées sur les sites déclarés mais surtout non déclarées par les autorités des pays signataires.

Cette prise de position conforte les Américains qui accusent l’Iran de vouloir utiliser son programme civil pour construire la bombe atomique. Selon l’hebdomadaire américain Time, les installations de Natanz, visitées par Mohammad ElBaradei, renferme des centrifugeuses qui permettent d’enrichir l’uranium. Selon l’hebdomadaire, plusieurs centaines de ces centrifugeuses sont déjà installés et l’Iran prévoit d’en installer au total 5000, ce qui lui permettrait de construire deux bombes nucléaires par an. Les responsables iraniens ont bien évidemment rejeté ces accusations. «Les installations de Natanz sont très sophistiquées» a affirmé Mohammed el-Baradeï.
Les Américains en ont profité pour relancer les accusations contre Téhéran. «L'Iran admet maintenant qu'il cherche à avoir un cycle complet de combustible nucléaire. Nous rejetons complètement les affirmations iraniennes selon lesquelles l'Iran fait cela dans un but uniquement pacifique», a déclaré le porte-parole de la Maison Blanche, Ari Fleischer, qui a accusé Téhéran de chercher à «construire en secret une usine destinée à produire de l'uranium enrichi» à usage militaire et une autre pour se procurer de l'eau lourde pouvant être utilisée pour un réacteur capable de produire du plutonium, lui aussi à usage militaire.
Selon un diplomate occidental en poste à Téhéran, qui a requis l’anonymat, «le programme nucléaire iranien, mais aussi celui pour la fabrication de missiles à longue portée mettront un jour ou l’autre l’Iran en difficulté car même les Européens n’acceptent pas que l’Iran détiennent l’arme atomique».



par Siavosh  Ghazi

Article publié le 13/03/2003