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Serbie

L'auteur présumé du meurtre de Djindjic arrêtés

Près de deux semaines après le meurtre du Premier ministre Zoran Djindjic, le gouvernement serbe a annoncé mardi après-midi l’arrestation du tueur présumé. La police affirme également avoir retrouvé l’arme du crime dans un appartement de Novi Beograd, le faubourg moderne de la capitale serbe.
De notre correspondant à Belgrade

Zvezdan Jovanovic, né en 1965 à Pec, au Kosovo, était le commandant adjoint des unités spéciales de la police serbe (JSO), plus connues sous le nom de Bérets rouges. Dès les heures qui ont suivi le meurtre du Premier ministre, le gouvernement avait dirigé les soupçons vers cette unité et son ancien chef, Milorad Lukovic, dit Legija, qui est toujours en fuite.

Les unités spéciales ont été engagées sur la plupart des champs de bataille de l’ex-Yougoslavie. La JSO n’a cependant été organisée sous sa forme actuelle qu’en 1996. Elle était placée sous la responsabilité de Jovica Stanisic, chef de la Sécurité d’État, et de Frenko Simatovic, deux hommes de confiance de Slobodan Milosevic, qui ont, eux aussi, été arrêtés dans le cadre de l’enquête sur le meurtre de Zoran Djindjic.

À la veille de la révolution démocratique du 5 octobre 2000, Zoran Djindjic avait pris soin de négocier la neutralité des Bérets rouges, qui ont encore été engagés, en 2001, dans les combats contre la guérilla albanaise dans le sud de la Serbie. Ce sont également les hommes de la JSO qui ont arrêté Slobodan Milosevic à Belgrade, le 1er avril 2001, et qui organisé son transfert vers La Haye, le 28 juin suivant. Pourtant, les Bérets rouges ont très vite engagé un bras de fer avec le nouveau pouvoir. Ils s’opposaient notamment à l’arrestation de Serbes recherchés par le Tribunal international de La Haye.

Les Bérets rouges craignaient également que leur rôle dans les basses œuvres du régime de Slobodan Milosevic, notamment l’assassinat de plusieurs opposants politiques, ne soit mis en lumière. En janvier 2003, deux membres des Bérets rouges, Nenad Ilic et Nenad Bujosevic, ont été chacun condamnés à quinze années de prison pour leur participation dans l’attentat contre le dirigeant d’opposition Vuk Draskovic, en novembre 1999.

Les motivations politiques du meurtre

En novembre 2001, les Bérets rouges étaient entrés en rébellion contre le gouvernement, organisant un blocus de Belgrade, sous la conduite de leur chef de l’époque, Dusan «Gumar» Maricic, que le gouvernement vient de démettre de ses fonctions.

Tout en accusant les Bérets rouges, le gouvernement avait également mis en cause les milieux du crime organisé, et tout particulièrement le clan mafieux de Zemun, dont le chef présumé, Dusan «Shiptar» Spasojevic, serait lié à Legija et à Dusan «Gumar» Maricic, les deux anciens patrons des Bérets rouges. À la faveur de l’état d’urgence proclamé depuis le meurtre de Zoran Djindjic, les autorités ont interpellé plusieurs milliers de personnes. Près de 1 000 suspects se trouvent toujours en détention provisoire. Ces vastes opérations de ratissage se sont orientées dans deux directions : les milieux du crime organisé, et les nostalgiques de l’ancien régime de Milosevic.

En fait, les enquêteurs doivent s’attaquer à l’écheveau compliqué des relations tissées durant des années entre les groupes mafieux, certains services de police et les nationalistes radicaux. Depuis quelques jours, les autorités de Belgrade parlent moins, toutefois, de la mafia, pour souligner, au contraire, les motivations politiques du meurtre du Premier ministre.

La base des Bérets rouges, située dans la petite ville de Kula, au nord de la Serbie, a été placée sous haute surveillance, car les hommes de cette unité, hyper entraînés, disposent d’un matériel militaire très performant. Selon certains analystes, le risque de voir les Bérets rouges se lancer dans un putsch contre les autorités de Belgrade n’est pas encore tout à fait dissipé. Il semble en tout cas certain qu’une épreuve de force entre les Bérets rouges et le gouvernement soit désormais inévitable.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 25/03/2003