Indonésie
Poussée de fièvre anti-américaine
En Indonésie le sentiment anti-américain n’a jamais paru aussi fort. Mais si quelques manifestations ont bien eu lieu, les Indonésiens ne sont pas encore mobilisés en masse. Du côté des expatriés occidentaux, on craint de nouveaux attentats de la Jamaah Islamyya.
De notre correspondant à Djakarta
La pression monte en Indonésie. Depuis quelques jours, la presse et les partis politiques du plus grand pays musulman au monde (87% des 215 millions d’habitants) se livrent à une surenchère d’anti-américanisme. Les grands quotidiens qualifient la guerre en Irak, au mieux, «d’illégitime» et «d’irresponsable», au pire, de «raciste» et «d’anti-musulmane». Du côté des grandes organisations islamiques, le ton est aussi à l’unisson. Le chef de la Muhamadiyya, un mouvement qui revendique 30 millions de membres, a déclaré que George Bush était «un criminel de guerre» qui devait être «interné dans un hôpital psychiatrique» tandis que le numéro 2 du Nahdlatul Ulama (40 millions de membres) accusait les Etats-Unis de «crime international». La veille, le mouvement de la jeunesse de cette organisation, souvent présentée comme un modèle de modération et de tolérance religieuse, avait même menacé d’expulser d’Indonésie tous les diplomates des pays engagés dans le conflit contre l’Irak. Les étudiants ont, certes, été rappelé à l’ordre par leurs aînés, qui ont demandé aux Indonésiens «de rester calmes et ne pas s'en prendre aux intérêts étrangers», mais l’affaire en dit long sur l’état d’esprit qui règne actuellement dans l’Archipel.
A peine commencée, la guerre en Irak a déjà plus mobilisé que l’intervention américaine en Afghanistan. Dès l’annonce des premiers bombardements sur Bagdad, un millier de militants du Parti pour la Justice, un petit mouvement musulman radical qui dispose de cinq sièges au Parlement, a convergé vers l’ambassade des Etats-Unis, transformée en camps retranché par deux cents policiers des forces anti-émeutes. Les dirigeants du parti ont prononcé des discours enflammés, ponctués «d'Allahou akbar (Dieu est le plus grand !» et dénoncé «l'Amérique terroriste». Ils ont néanmoins précisé qu’ils ne haïssaient pas «le peuple américain» mais seulement «la tyrannie de leur gouvernement et de leur président George Bush». Des précautions auxquelles le Hizbut Tahrir et le Front des défenseurs de l’Islam, présents en marge du cortège, n’ont pas adhéré. Ces deux groupuscules islamistes, aux effectifs plus limités mais à la posture plus agressive, certains sont venus en tenues paramilitaires, ont lancé des appels au Jihad et manifesté bruyamment leur soutien à Oussama Ben Laden. Les jours suivants, des manifestations de taille comparable ont eu lieu dans la capitale et dans d’autres villes de l’Archipel. Elles ont réuni au total quelques milliers de personnes. Mais dans un pays qui compte 190 millions de musulmans, on ne peut pas encore parlé de véritable mobilisation contre la guerre en Irak.
Des occidentaux font leur valise
La situation n’est donc pas explosive mais elle pourrait le devenir. En particulier, si l’activisme des extrémistes musulmans, qui misent sur les frustrations économiques d’une population engluée dans la misère pour engranger des gains politiques en vue des élections générales de 2004, poussaient la Muhamadiyya et le Nahdlatul Ulama, qui seules disposent d’une véritable capacité de mobilisation des foules, à investir la rue. On peut craindre en effet que des éléments radicaux ne saisissent l’occasion de grandes manifestations pour créer des désordres pouvant mettre en difficulté le gouvernement de Mégawati Sukarnoputri. Car si la présidente indonésienne a vigoureusement condamné les premières frappes anglo-américaines, en appelant notamment à une réunion urgente du Conseil de sécurité, elle se doit néanmoins de maintenir l’ordre républicain et la sécurité des ressortissants étrangers. Or si une manifestation tournait à l’affrontement avec la police, il serait très facile d’accuser Mégawati de faire le jeu de l’Amérique contre l’Islam.
Face à cette flambée de violences verbales, la communauté expatriée, qui semblait jusque-là attendre la guerre avec beaucoup de sérénité, s’installe dans la crainte. On redoute des mouvements de foule incontrôlés et, six mois après le carnage de Bali, de nouveaux attentats de la Jamaah islamyya. Le ministère des Affaires étrangères australien a demandé à tous ses ressortissants de ne pas se rendre à Surrabaya, la seconde ville du pays, en raison des risques élevés de nouvelles «attaques terroristes». Américains et Britanniques ont également reçu des consignes de sécurité de leurs ambassades. Beaucoup d’entre eux vivent désormais dans des condominiums surprotégés tandis que certains ont déjà rapatrié leur famille. Toutes les écoles internationales sont fermées depuis le début de la guerre. Ce qui indique que l’angoisse existe aussi parmi les ressortissants des autres pays, y compris ceux qui se sont opposés à la guerre. Beaucoup déclarent se tenir prêts au départ, certains affirmant même avoir déjà fait leurs valises.
La pression monte en Indonésie. Depuis quelques jours, la presse et les partis politiques du plus grand pays musulman au monde (87% des 215 millions d’habitants) se livrent à une surenchère d’anti-américanisme. Les grands quotidiens qualifient la guerre en Irak, au mieux, «d’illégitime» et «d’irresponsable», au pire, de «raciste» et «d’anti-musulmane». Du côté des grandes organisations islamiques, le ton est aussi à l’unisson. Le chef de la Muhamadiyya, un mouvement qui revendique 30 millions de membres, a déclaré que George Bush était «un criminel de guerre» qui devait être «interné dans un hôpital psychiatrique» tandis que le numéro 2 du Nahdlatul Ulama (40 millions de membres) accusait les Etats-Unis de «crime international». La veille, le mouvement de la jeunesse de cette organisation, souvent présentée comme un modèle de modération et de tolérance religieuse, avait même menacé d’expulser d’Indonésie tous les diplomates des pays engagés dans le conflit contre l’Irak. Les étudiants ont, certes, été rappelé à l’ordre par leurs aînés, qui ont demandé aux Indonésiens «de rester calmes et ne pas s'en prendre aux intérêts étrangers», mais l’affaire en dit long sur l’état d’esprit qui règne actuellement dans l’Archipel.
A peine commencée, la guerre en Irak a déjà plus mobilisé que l’intervention américaine en Afghanistan. Dès l’annonce des premiers bombardements sur Bagdad, un millier de militants du Parti pour la Justice, un petit mouvement musulman radical qui dispose de cinq sièges au Parlement, a convergé vers l’ambassade des Etats-Unis, transformée en camps retranché par deux cents policiers des forces anti-émeutes. Les dirigeants du parti ont prononcé des discours enflammés, ponctués «d'Allahou akbar (Dieu est le plus grand !» et dénoncé «l'Amérique terroriste». Ils ont néanmoins précisé qu’ils ne haïssaient pas «le peuple américain» mais seulement «la tyrannie de leur gouvernement et de leur président George Bush». Des précautions auxquelles le Hizbut Tahrir et le Front des défenseurs de l’Islam, présents en marge du cortège, n’ont pas adhéré. Ces deux groupuscules islamistes, aux effectifs plus limités mais à la posture plus agressive, certains sont venus en tenues paramilitaires, ont lancé des appels au Jihad et manifesté bruyamment leur soutien à Oussama Ben Laden. Les jours suivants, des manifestations de taille comparable ont eu lieu dans la capitale et dans d’autres villes de l’Archipel. Elles ont réuni au total quelques milliers de personnes. Mais dans un pays qui compte 190 millions de musulmans, on ne peut pas encore parlé de véritable mobilisation contre la guerre en Irak.
Des occidentaux font leur valise
La situation n’est donc pas explosive mais elle pourrait le devenir. En particulier, si l’activisme des extrémistes musulmans, qui misent sur les frustrations économiques d’une population engluée dans la misère pour engranger des gains politiques en vue des élections générales de 2004, poussaient la Muhamadiyya et le Nahdlatul Ulama, qui seules disposent d’une véritable capacité de mobilisation des foules, à investir la rue. On peut craindre en effet que des éléments radicaux ne saisissent l’occasion de grandes manifestations pour créer des désordres pouvant mettre en difficulté le gouvernement de Mégawati Sukarnoputri. Car si la présidente indonésienne a vigoureusement condamné les premières frappes anglo-américaines, en appelant notamment à une réunion urgente du Conseil de sécurité, elle se doit néanmoins de maintenir l’ordre républicain et la sécurité des ressortissants étrangers. Or si une manifestation tournait à l’affrontement avec la police, il serait très facile d’accuser Mégawati de faire le jeu de l’Amérique contre l’Islam.
Face à cette flambée de violences verbales, la communauté expatriée, qui semblait jusque-là attendre la guerre avec beaucoup de sérénité, s’installe dans la crainte. On redoute des mouvements de foule incontrôlés et, six mois après le carnage de Bali, de nouveaux attentats de la Jamaah islamyya. Le ministère des Affaires étrangères australien a demandé à tous ses ressortissants de ne pas se rendre à Surrabaya, la seconde ville du pays, en raison des risques élevés de nouvelles «attaques terroristes». Américains et Britanniques ont également reçu des consignes de sécurité de leurs ambassades. Beaucoup d’entre eux vivent désormais dans des condominiums surprotégés tandis que certains ont déjà rapatrié leur famille. Toutes les écoles internationales sont fermées depuis le début de la guerre. Ce qui indique que l’angoisse existe aussi parmi les ressortissants des autres pays, y compris ceux qui se sont opposés à la guerre. Beaucoup déclarent se tenir prêts au départ, certains affirmant même avoir déjà fait leurs valises.
par Jocelyn Grange
Article publié le 22/03/2003