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Epidémie

Pneumonie : l’épidémie continue à se propager

Chaque jour, le bilan s’alourdit. Il y aurait actuellement plus de 1600 cas déclarés et 62 victimes du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). A Hong Kong, où l’on constate aujourd'hui la propagation la plus rapide de l’épidémie, l’augmentation très importante du nombre de cas recensés durant la dernière semaine a amené les autorités à prendre de mesures très strictes pour isoler les malades et procéder au nettoyage des lieux publics. En Europe, aux Etats-Unis, la situation devient aussi préoccupante. L’identification de l’agent pathogène de la maladie, un «coronavirus» totalement nouveau n’a pas permis, pour le moment, de mettre au point un traitement efficace.
«Vos mains sont vos pires ennemis». Le docteur Yuen Kwok-Yung, du département de microbiologie de la faculté de Hong Kong, a expliqué récemment que le virus de la pneumonie atypique qui se propage actuellement dans le monde entier, se transmet vraisemblablement surtout par contact physique : par les mains mais aussi par la toux ou les postillons. Tout contact rapproché avec une personne contaminée est donc dangereux. C’est pour cette raison que des mesures d’isolement sont immédiatement prises lorsque des malades sont dépistés.

A Hong Kong, où l’on recense aujourd’hui 610 cas et 15 décès, un immeuble entier du quartier de Kowloon a été mis en quarantaine après la découverte d’une centaine de cas en un seul jour. Le virus a, semble-t-il, été propagé par un malade qui aurait rendu visite à son frère avant d’être hospitalisé. Deux cent treize personnes de la résidence Amoy Gardens sont aujourd’hui infectées mais l’ensemble des habitants sont consignés à leur domicile pour éviter la contagion. Ils sont soumis à une surveillance médicale et reçoivent trois repas gratuits par jour. La contamination des occupants de deux appartements ayant la même orientation à des étages différents a incité les chercheurs à envisager l’hypothèse d’une propagation verticale du virus qui pourrait se transmettre par l’air ambiant.

Les autorités ont aussi pris la décision de fermer toutes les écoles primaires et secondaires et ont entrepris durant le week-end de nettoyer les lieux publics. Des centres d’inspection ont été mis en place sur les points d’accès et de sortie du territoire pour vérifier l’état de santé des voyageurs. Les contrôles sont particulièrement stricts à la frontière avec la Chine où il semble que l’épidémie a commencé. La loi sur la quarantaine a été remise en vigueur et les personnes qui présentent des symptômes du SRAS doivent rester isolées chez elles pendant 10 jours sous peine de devoir payer une amende 5 000 dollars de Hong Kong.

Un ou plusieurs agents pathogènes ?

A Singapour, Bangkok, Taiwan, des mesures identiques ont été prises. Les compagnies aériennes asiatiques comme Cathay Pacific ou Dragon Air, ont aussi annulé de nombreux vols régionaux ces derniers jours. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) n’a pour le moment pas demandé de limiter les voyages mais elle préconise un filtrage des passagers en provenance des zones à risque (Chine, Hong Kong, Singapour, Taiwan) avant leur embarquement, pour détecter les éventuels porteurs du virus.

Le risque de contamination dans les avions est bien évidemment élevé du fait du confinement même si les compagnies rappellent que l’air est filtré toutes les trois minutes à l’intérieur des appareils. En France, trois personnes qui avaient voyagé avec un médecin infecté à Hanoï sont considérées comme des cas suspects et sont en observation. Un hôtesse de l’air de Singapour a aussi développé les symptômes du SRAS.

Aux Etats-Unis (62 cas) et au Canada (98 cas et 4 décès), la pneumonie est arrivée par l’intermédiaire de passagers qui ont transité en Asie et se propage rapidement. D’ailleurs, les autorités de ces deux pays, très préoccupées par l’évolution inquiétante de la contamination, ont demandé à la Chine d’où l’épidémie semble être partie, de fournir plus d’informations sur la situation nationale. Mais pour le moment, Pékin rechigne à présenter des rapports réguliers sur l’état réel de la maladie. Officiellement 806 cas de pneumonie atypique et 34 décès ont été recensés. Mais il n’est pas exclu que ces chiffres soient largement sousévalués. Le doute qui subsiste inquiète les spécialistes et Julie Gerberding, la directrice du Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) d’Atlanta aux Etats-Unis, a ainsi estimé que «la situation en Chine continentale demeure la plus grande inconnue» et que les scientifiques sont «très impatients d’en savoir davantage sur l’étendue de l’épidémie».

Pour le moment, la seule avancée significative de la recherche a été réalisée à Hong Kong où les scientifiques pensent avoir identifié l’agent principal de la maladie qui ferait partie de la famille des «coronavirus »(responsables des rhumes) mais serait issu d’une souche totalement nouvelle. Ils ont mis au point un test qui permet d’identifier rapidement la présence du virus chez un patient et donc de l’isoler sans perdre de temps.

Cette avancée reste limitée car les spécialistes estiment qu’il pourrait y avoir plusieurs agents, d’origine virale ou bactérienne, responsables de l’épidémie de pneumonie atypique. Ils soupçonnent notamment un métapneumovirus de la famille des paramyxovirus (rougeole, oreillons). Les laboratoires travaillent sur le séquençage du génome du virus et espèrent obtenir des résultats d’ici 7 à 15 jours.

Pour le moment, aucun traitement spécifique n’a pu être mis au point mais l’utilisation d’un anti-viral, la ribavirine, a montré une certaine efficacité. La maladie évolue lentement chez 90 % des patients qui vont mieux dans un délai de 6 à 7 jours, et prend une forme grave chez 10 % des malades. Le taux de mortalité actuel, qui est de 4 à 5 %, n’est pas dramatique. Mais le mode de propagation et l’augmentation très rapide du nombre de cas en Asie et ailleurs inquiètent les spécialistes. Julie Gerberding a ainsi prévenu : «Ce que nous savons des virus frappant les voies respiratoires en général nous fait penser que les possibilités d’une infection d’un grand nombre de personnes sont très élevées».



par Valérie  Gas

Article publié le 31/03/2003