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Nigeria

Delta : l’autre poudrière

Le Delta du Niger est au Nigeria la cité du roi pétrole. Autant elle attire, autant elle effraie. Ijaws et Itsékiri, les deux principales communautés mènent la vie dure aux groupes pétroliers. L’anglo-néerlandais Dutch-Shell, l’américain Chevron-Texaco et le français TotalFina-Elf, ont connu un mois de mars sanglant et chaud… des durs moments de braises.
De notre correspondant régional

Evoquant la clause du «cas de force majeur», ils ont simplement décidé de cesser toute activité et de tout arrêter. Une décision qui ampute la production nationale d’environ 20%.

Depuis plusieurs jours, la marine nigériane traque les Ijaws à Wari. La violente offensive contre les jeunes Ijaws, militants contestataires, saboteurs de pipelines, a tourné court. Comme la plupart des affrontements au Nigeria, elle a été sanglante et meurtrière. Il y a eu des dizaines de morts. Des victimes des deux côtés mais surtout des employés des groupes pétroliers affectés à la sécurité des stations de pompage.

On connaissait au nord Kano, Katsina et Kaduna pour leurs violences récurrentes. Mais le Delta du Niger, traîne aussi la réputation de poudrière et de zone de turbulence.

Pour le foncier, Ijaws et Itsékéri embrasent régulièrement la zone. Ce qui déchaîne les passions et endeuille la cité pétrolière est l’or noir. Autour du pétrole, la cause est commune. Ijaws et Itsékiri se mettent ensemble pour réclamer les dividendes du pactole pétrolier.

Envahisseurs pilleurs et pollueurs

Le précieux trésor de leur sous-sol ne leur a jamais profité. Ils vivent dans le dénuement total. Les trois repas quotidiens constituent un souci permanent pour toutes les familles. Les infrastructures, quand elles existent, sont complètement vermoulues. Mieux, la pêche, l’une des principales activités des populations, n’est plus aussi florissante. Les eaux semblent polluées et repoussent pêcheurs et poissons.

Aux différentes administrations fédérales, les populations de la cité pétrolière réclament depuis le boom pétrolier, des comptes et des plans de développement. Hélas ! les généraux, gestionnaires-décideurs n’ont jamais rien justifié. Les recettes de la manne pétrolière prenaient un autre chemin. C’était l’ère kaki avec comme mode de gestion, l’opacité totale. Dans le collimateur aussi, les groupes pétroliers accusés à tort ou à raison d’envahisseurs pilleurs et de pollueurs. Régulièrement, les Ijaws et les Itsékiri perforent les oléoducs, sabotent les installations ou organisent des rapts d’employés.

Ils réclament aujourd’hui à Shell, Chevron et TotalFina-Elf, des compensation en espèces sonnantes et trébuchantes.

Les exclus du festins pétroliers sont des récidivistes. A la veille de chaque échéance nationale importante, ils savent se faire entendre. Le 19 avril prochain, le Nigeria convoque ses 60 millions d’électeurs pour la deuxième présidentielle depuis le retour des civils au pouvoir. Le problème Delta a toujours été pour la classe politique, un fond de commerce et un percutant thème de campagne.



par Jean-Luc  Aplogan

Article publié le 25/03/2003