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Australie

Le Premier ministre sous pression

Malgré une opinion publique clairement opposée à une participation dans ce qu’on appelle déjà la seconde guerre du Golfe, le Premier ministre australien tente une nouvelle fois d’expliquer son choix à la population. L’opposition ne cesse de condamner cette décision et met en cause la légalité et la moralité d’une telle action. Même si John Howard semble faire face aux tensions intérieures, il se trouve de plus en plus isolé, notamment vis-à-vis de ses voisins géographiques. La décision de son gouvernement risque en effet de remettre en cause les relations bilatérales de l'Australie avec la Nouvelle-Zélande et l’Indonésie.
De notre correspondante à Melbourne

Après l’annonce du Premier ministre de mettre les troupes australiennes déjà déployées dans le Golfe à disposition des opérations de la Coalition, les Australiens suivent avec d’autant plus d’attention un conflit pour lequel ils ne se sentent pourtant pas réellement concernés. John Howard a fait jeudi soir une intervention télévisée pour expliquer ce choix. «Le gouvernement pense sincèrement que cette décision est la meilleure dans l’intérêt national et je demande à tous les Australiens de la soutenir et de soutenir les troupes qui sont sur le terrain». Un contingent de 2 000 hommes est désormais particulièrement actif sur le terrain. Le Premier ministre qui a confié qu’il s’agissait là de la décision la plus difficile qu’il ait eu à prendre dans sa carrière, compte sur une guerre rapide et un retour «sain et sauf» de l’ensemble des soldats présents sur le front. Deux jours après cette décision la population semble de plus en plus partagée.

Pourtant cette décision ne constitue pas réellement une grande surprise pour la population. Malgré les manifestations massives et renouvelées contre une intervention australienne, et des sondages définitivement défavorables (68% des personnes interrogées sont opposées à une intervention sans le soutien du Conseil de Sécurité), chacun se préparait à cette situation qui semblait désormais inévitable. Depuis près d’un an maintenant, John Howard apparaît comme un des alliés les plus dévoués à George W. Bush. Si la guerre se prolonge, sa fidélité risque toutefois de lui coûter sa carrière politique. En effet, en 2004, John Howard, 64 ans, passera devant les urnes pour demander son quatrième mandat.

Nouvelles manifestations attendues

Les Travaillistes, les Démocrates et les Verts condamnent sans appel cette décision. Pour Simon Crean, le leader de l’opposition, «c’est la première fois que l’Australie participe en tant qu’agresseur à une guerre». Il a rappelé devant le Parlement «qu’il existe une différence fondamentale entre soutien à l’alliance américaine et servitude. Cela n’a jamais été dans l’intérêt de notre pays d’avoir sa politique étrangère dictée par un pays tiers». Par ailleurs, il dénonce «l’hypocrisie du gouvernement de tenir une conduite aussi intransigeante vis-à-vis de l’Irak tandis qu’il garde le silence sur le problème de la Corée». Pour les Australiens, la Corée apparaît comme une menace nettement plus concrète. Un missile étant à portée du continent austral.

Isolé dans son propre pays, le gouvernement de John Howard doit aussi faire face à un isolement géographique. Ces proches voisins, la Nouvelle-Zélande et l’Indonésie, se sont en effet largement exprimés en faveur d’une résolution pacifique du conflit. Lors des célébrations du 20e anniversaire du rapprochement économique entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande, les deux Premiers ministres «sont tombés d’accord sur le fait qu’ils n’étaient pas d’accord au sujet de l’Irak». Toutefois John Howard et Helen Clark ont souhaité que «ce sujet ne remette pas en cause les liens solides qui unissent les deux pays».

La situation ne semble pas aussi évidente avec l'Indonésie. Au cours d’un déplacement le mois dernier à Jakarta, pour rencontrer Megawati Soekarmoputri, John Howard a tenu à rappeler que «la ligne de conduite tenue par l’Australie n’était en aucun cas une marque d’hostilité envers l’islam». Conscient de la tension bien réelle entre les deux communautés, le Premier ministre australien a préféré souligner les récents succès communs rencontrés dans les enquêtes bilatérales concernant l’attentat de Bali et a annoncé la mise en place d’un programme d’assistance médicale de 10,5 millions de dollars australiens.

Malgré la décision prise par le gouvernement de John Howard, la mobilisation reste massive en Australie pour s’opposer à la guerre. Après la prise d’assaut de l’Opéra House de Sydney, principal symbole australien, mercredi, les militants anti-guerre maintiennent la pression et programment de nouvelles manifestations dans les principales villes du pays.



par Carole  Martin

Article publié le 21/03/2003