Maroc
Première manifestation anti-guerre à Rabat
Le Maroc ne pouvait pas rester à l’écart du mouvement contre la guerre en Irak, alors que, dans de nombreux foyers, on suit de près les événements sur la chaîne qatarienne Al Jazira, qui passe et repasse des images de civils «atteints par le feu ennemi», ou des grandes manifestations du Caire ou d’Amman. Conformément au message de calme lancé par Mohamed VI, les Marocains ont donc organisé une grande manifestation, dimanche, encadrée par les associations, les syndicats et les partis politiques.
De notre correspondante à Casablanca
«Nous ne tolérerons pas que les questions qui engagent la nation arabe, les nobles sentiments que nourrissent les Marocains et l’enthousiasme qui anime naturellement les jeunes et les enfants, soient instrumentalisés pour semer la zizanie et ébranler la stabilité». Cette phrase, extraite du discours du roi Mohamed VI, diffusé par la radio et la télévision nationales, le 20 mars, résume bien la crainte que l’on a ici de la rue, surtout quand elle permet aux islamistes de capitaliser les frustrations les plus diverses. Dès le premier jour de l’offensive américano-britannique, les Marocains ont donc été priés de faire preuve de «pondération, de vertu, et de discipline», face au «malheur qui s’abat sur le peuple irakien frère». L’appel du roi a été aussitôt repris par le gouvernement et les rues marocaines sont restées effectivement calmes, si l’on excepte des agitations ponctuelles dans les lycées et universités, suivis de divers petits rassemblements, vite réprimés par les policiers dont la présence dans les rues a augmenté dès le début de la guerre.
Mais le Maroc ne pouvait pas rester plus longtemps à l’écart. Une grande manifestation encadrée par les associations, les syndicats et les partis politiques a finalement eu lieu dimanche. Prévue dès le 21 mars, elle s’est déroulée à Rabat le 30, dans le calme et même une ambiance plutôt bon enfant. Le collectif qui l’a préparée, composé d’une dizaine de groupes islamistes, d’une vingtaine d’associations et d’autant de partis politiques, avait pris soin d’éviter tout débordement.
Equilibre difficile à tenir
Les slogans qui ont été repris à Rabat se sont donc concentrés sur l’illégalité de la guerre menée par l’administration Bush, dénonçant, au passage, les régimes arabes qui «collaborent» avec elle: le Koweït, le Qatar, Bahreïn et l’Arabie Saoudite. Une liste qui s’est même étendue à la Turquie, traitée de fasciste. Les 300 000 manifestants représentaient avant tout le peuple marocain, venu dire son indignation face à ce que vivent les enfants et les femmes d’Irak, des «innocents injustement attaqués».
Plusieurs parlementaires et quelques ministres ont également participé au rassemblement ont quitté la manifestation aussitôt arrivés au point de dispersion. En rangs serrés et parfaitement disciplinés, les islamistes marchaient aux cris de «Dieu est grand» ou «L’armée du prophète reviendra écraser les juifs», sous des banderoles à la gloire des «martyrs». Mais les islamistes, toutes tendances confondues, ne représentaient environ qu’un tiers du cortège qui prenait, au fur et à mesure de la marche, des allures de promenade dominicale en famille.
Pour le roi et le gouvernement, cette manifestation est sans doute un test réussi. Le Maroc, ou du moins la rue marocaine, a enfin rejoint le rang des protestataires sur la scène internationale, tout en faisant preuve de «sagesse et de circonspection» comme le leur avait demandé le roi. A l’instar de ce qui se passe pour les autres pays arabes, l’équilibre est en effet difficile à tenir entre le désir de soutenir un pays frère et le souci de rester en bons termes avec les Etats Unis. Sans compter la nécessité de contenir les islamistes, qui sont en passe de remporter les élections communales prévues en juin et tentent de crisper la société sur des valeurs profondément moralisatrices.
Par mesure de précaution, le gouvernement et les économistes, qui devaient négocier à Rabat, le 24 mars, les accords de libre échange avec leurs homologues américains, ont choisi de le faire plus discrètement à Genève. Les éventuelles retombées économiques que le Maroc attend de ces accords se doublent, en fait, du soutien attendu pour régler le problème du Sahara occidental dans le sens des positions de Rabat.
«Nous ne tolérerons pas que les questions qui engagent la nation arabe, les nobles sentiments que nourrissent les Marocains et l’enthousiasme qui anime naturellement les jeunes et les enfants, soient instrumentalisés pour semer la zizanie et ébranler la stabilité». Cette phrase, extraite du discours du roi Mohamed VI, diffusé par la radio et la télévision nationales, le 20 mars, résume bien la crainte que l’on a ici de la rue, surtout quand elle permet aux islamistes de capitaliser les frustrations les plus diverses. Dès le premier jour de l’offensive américano-britannique, les Marocains ont donc été priés de faire preuve de «pondération, de vertu, et de discipline», face au «malheur qui s’abat sur le peuple irakien frère». L’appel du roi a été aussitôt repris par le gouvernement et les rues marocaines sont restées effectivement calmes, si l’on excepte des agitations ponctuelles dans les lycées et universités, suivis de divers petits rassemblements, vite réprimés par les policiers dont la présence dans les rues a augmenté dès le début de la guerre.
Mais le Maroc ne pouvait pas rester plus longtemps à l’écart. Une grande manifestation encadrée par les associations, les syndicats et les partis politiques a finalement eu lieu dimanche. Prévue dès le 21 mars, elle s’est déroulée à Rabat le 30, dans le calme et même une ambiance plutôt bon enfant. Le collectif qui l’a préparée, composé d’une dizaine de groupes islamistes, d’une vingtaine d’associations et d’autant de partis politiques, avait pris soin d’éviter tout débordement.
Equilibre difficile à tenir
Les slogans qui ont été repris à Rabat se sont donc concentrés sur l’illégalité de la guerre menée par l’administration Bush, dénonçant, au passage, les régimes arabes qui «collaborent» avec elle: le Koweït, le Qatar, Bahreïn et l’Arabie Saoudite. Une liste qui s’est même étendue à la Turquie, traitée de fasciste. Les 300 000 manifestants représentaient avant tout le peuple marocain, venu dire son indignation face à ce que vivent les enfants et les femmes d’Irak, des «innocents injustement attaqués».
Plusieurs parlementaires et quelques ministres ont également participé au rassemblement ont quitté la manifestation aussitôt arrivés au point de dispersion. En rangs serrés et parfaitement disciplinés, les islamistes marchaient aux cris de «Dieu est grand» ou «L’armée du prophète reviendra écraser les juifs», sous des banderoles à la gloire des «martyrs». Mais les islamistes, toutes tendances confondues, ne représentaient environ qu’un tiers du cortège qui prenait, au fur et à mesure de la marche, des allures de promenade dominicale en famille.
Pour le roi et le gouvernement, cette manifestation est sans doute un test réussi. Le Maroc, ou du moins la rue marocaine, a enfin rejoint le rang des protestataires sur la scène internationale, tout en faisant preuve de «sagesse et de circonspection» comme le leur avait demandé le roi. A l’instar de ce qui se passe pour les autres pays arabes, l’équilibre est en effet difficile à tenir entre le désir de soutenir un pays frère et le souci de rester en bons termes avec les Etats Unis. Sans compter la nécessité de contenir les islamistes, qui sont en passe de remporter les élections communales prévues en juin et tentent de crisper la société sur des valeurs profondément moralisatrices.
Par mesure de précaution, le gouvernement et les économistes, qui devaient négocier à Rabat, le 24 mars, les accords de libre échange avec leurs homologues américains, ont choisi de le faire plus discrètement à Genève. Les éventuelles retombées économiques que le Maroc attend de ces accords se doublent, en fait, du soutien attendu pour régler le problème du Sahara occidental dans le sens des positions de Rabat.
par Isabelle Broz
Article publié le 30/03/2003