Transports
Le projet Galileo avance péniblement
La polémique qui vient de surgir sur la livraison présumée de matériel électronique sensible au régime irakien par Moscou vient à point illustrer les enjeux d'une véritable indépendance technologique à l'égard d'une grande puissance, fût-elle alliée. Pourtant le projet européen de navigation par satellite Galileo démarre avec difficulté. La réunion du conseil d’administration de l’Agence spatiale européenne (ESA) qui devait se tenir mardi a été annulée en raison des désaccords persistants sur le montage final. Cependant le projet n’est pas encore menacé : l’Union européenne va dégager sa part du financement de Galileo afin de respecter le calendrier de lancement du premier satellite.
Il manque un petit demi-milliard d'euros et beaucoup de bonne volonté pour entamer le chantier du projet européen de navigation par satellite Galileo, comme le montre l’annulation du conseil d'administration de l'ESA qui devait avoir lieu ce 26 mars. Ce n’est donc pas encore cette semaine que l’agence annoncera comment elle compte s'y prendre pour traduire en actes les décisions du Conseil européen. Pourtant l'enjeu est volontiers qualifié de «stratégique». La mise en service d'un tel outil permettrait en effet aux Européens de disposer de leur propre système de guidage par satellite, sans avoir à recourir au fameux GPS (global position system) américain. Non pas que le GPS, en service aujourd’hui, n'offre pas toutes les qualités techniques et les garanties de fiabilité indispensables à la navigation ; mais, propriété des Etats-Unis et contrôlé par les autorités militaires de ce pays, il présente (tout comme son concurrent russe Glonass, en déclin et sans application civile) l’inconvénient majeur d’échapper à la maîtrise de la plupart de ses utilisateurs. Car cet instrument a connu au cours de ces dernières années un succès phénoménal et un développement qui l’a hissé au niveau des technologies incontournables, notamment pour les secteurs du Transport et… de la Défense. Et, en cas de crise, rien n’empêche le concepteur du produit de crypter l’information transmise, dégrader le signal, afin de faire «perdre le Nord» aux utilisateurs du système.
A l’inverse, la maîtrise de cette technologie permet l’élaboration de contre-mesures. C’est précisément ce qui préoccupe Washington qui accuse les Russes d’avoir livré aux Irakiens «des brouilleurs de système de positionnement par satellite». Dans la phase actuelle d’attaques aériennes extrêmement ciblées, on comprend le caractère indispensable du GPS qui permet de calculer une position à quelques mètres près.
Mais au-delà de l’indispensable conquête d’indépendance à l’égard d’un parrain qui peut se montrer encombrant ou taciturne, Galileo constitue un marché estimé à 40 milliards d’euros, une fois le dispositif déployé, pour un investissement de 3,4 milliards d’euros, relativement modeste au regard de l'importance de l'enjeu. Ce dispositif, ce sont 30 satellites répartis sur trois orbites circulaires, à 23 000 kilomètres d’altitude, et un réseau de stations terriennes afin de relayer leurs signaux. Galileo sera compatible avec le cousin GPS d’Amérique. Reste les délais qu'il faut impérativement respecter. L’ESA perdra les fréquences d’émissions de ses satellites du «complexe Galileo» si elle ne les utilise pas d’ici la fin de l’année prochaine. L’Union européenne appelle donc à mettre «en œuvre intégralement et sans délai les conclusions (du sommet) de Barcelone concernant Galileo». Et, face au blocage constaté au sein de l’agence, Bruxelles annonce malgré tout le versement de sa participation (un demi-milliard d’euros également) de façon à démarrer les travaux de construction, lancement et exploitation du premier satellite. En attendant des jours meilleurs.
Hostilité américaine
Car, paradoxalement, il y a à la fois volonté politique et capacité technologique. Le financement à proprement parler ne pose pas de problème insurmontable. En principe, sur le papier, l'affaire est entendue. Pourtant, en dépit de l'urgente nécessité de conclure, le rallongement des délais traduit l’extrême difficulté des Quinze de l'ESA à se mettre d’accord sur le pilotage final du dossier. «Certains pays se disputent le leadership du projet», déclarait un porte-parole de l’agence européenne à la Tribune. Il semble en effet que l’Allemagne et l’Italie réclament une position dominante, alors que le projet initial prévoyait une prise de participation égale, à hauteur de 17,5%, pour les principaux grands pays de l’Union (Allemagne, Espagne, France, Italie, Grande-Bretagne).
Cette difficulté serait certainement rapidement dépassée si l’Union, et son agence spatiale, n’était pas elles-mêmes travaillées par les alliances extra-communautaires des Etats-membres. L’hostilité des Etats-Unis au projet concurrent Galileo a été relayée par Londres qui, au sein de l’Union, a longtemps argumenté en faveur du GPS américain, fiable et gratuit. La guerre en cours en tout cas n’a pas eu d’influence sur le débat qui agitent les membres de l’ESA, dont les intérêts restent apparemment divergents et les divisions intactes. Pourtant, l’exemple est cruelle mais la démonstration irrécusable : sans cet indispensable outil de radionavigation, l’armée américaine ne pourrait pas mener la guerre qu’elle livre en Irak. Et son monopole sur cet instrument fait peser sur les utilisateurs un risque inutile dont la simple évocation devrait mettre tout le monde d’accord.
A l’inverse, la maîtrise de cette technologie permet l’élaboration de contre-mesures. C’est précisément ce qui préoccupe Washington qui accuse les Russes d’avoir livré aux Irakiens «des brouilleurs de système de positionnement par satellite». Dans la phase actuelle d’attaques aériennes extrêmement ciblées, on comprend le caractère indispensable du GPS qui permet de calculer une position à quelques mètres près.
Mais au-delà de l’indispensable conquête d’indépendance à l’égard d’un parrain qui peut se montrer encombrant ou taciturne, Galileo constitue un marché estimé à 40 milliards d’euros, une fois le dispositif déployé, pour un investissement de 3,4 milliards d’euros, relativement modeste au regard de l'importance de l'enjeu. Ce dispositif, ce sont 30 satellites répartis sur trois orbites circulaires, à 23 000 kilomètres d’altitude, et un réseau de stations terriennes afin de relayer leurs signaux. Galileo sera compatible avec le cousin GPS d’Amérique. Reste les délais qu'il faut impérativement respecter. L’ESA perdra les fréquences d’émissions de ses satellites du «complexe Galileo» si elle ne les utilise pas d’ici la fin de l’année prochaine. L’Union européenne appelle donc à mettre «en œuvre intégralement et sans délai les conclusions (du sommet) de Barcelone concernant Galileo». Et, face au blocage constaté au sein de l’agence, Bruxelles annonce malgré tout le versement de sa participation (un demi-milliard d’euros également) de façon à démarrer les travaux de construction, lancement et exploitation du premier satellite. En attendant des jours meilleurs.
Hostilité américaine
Car, paradoxalement, il y a à la fois volonté politique et capacité technologique. Le financement à proprement parler ne pose pas de problème insurmontable. En principe, sur le papier, l'affaire est entendue. Pourtant, en dépit de l'urgente nécessité de conclure, le rallongement des délais traduit l’extrême difficulté des Quinze de l'ESA à se mettre d’accord sur le pilotage final du dossier. «Certains pays se disputent le leadership du projet», déclarait un porte-parole de l’agence européenne à la Tribune. Il semble en effet que l’Allemagne et l’Italie réclament une position dominante, alors que le projet initial prévoyait une prise de participation égale, à hauteur de 17,5%, pour les principaux grands pays de l’Union (Allemagne, Espagne, France, Italie, Grande-Bretagne).
Cette difficulté serait certainement rapidement dépassée si l’Union, et son agence spatiale, n’était pas elles-mêmes travaillées par les alliances extra-communautaires des Etats-membres. L’hostilité des Etats-Unis au projet concurrent Galileo a été relayée par Londres qui, au sein de l’Union, a longtemps argumenté en faveur du GPS américain, fiable et gratuit. La guerre en cours en tout cas n’a pas eu d’influence sur le débat qui agitent les membres de l’ESA, dont les intérêts restent apparemment divergents et les divisions intactes. Pourtant, l’exemple est cruelle mais la démonstration irrécusable : sans cet indispensable outil de radionavigation, l’armée américaine ne pourrait pas mener la guerre qu’elle livre en Irak. Et son monopole sur cet instrument fait peser sur les utilisateurs un risque inutile dont la simple évocation devrait mettre tout le monde d’accord.
par Georges Abou
Article publié le 25/03/2003