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Epidémie

Pneumonie : le tourisme en péril

La propagation de l’épidémie de pneumonie atypique a d’ores et déjà des répercussions économiques très importantes. Les transports aériens et le tourisme arrivent en tête des secteurs touchés. Et l’Asie est entrée dans la catégorie des régions à risque où figurait déjà le Moyen-Orient à cause de la guerre en Irak.
Les temps ne sont décidément pas propices aux déplacements. Le risque d’attentats terroristes et la guerre en Irak avaient déjà coupé les ailes de nombreux voyageurs potentiels. Le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) qui s’est répandu sur les cinq continents à partir de l’Asie a accentué le phénomène. En quelques jours, les autorités de nombreux pays (France, Belgique, Etats-Unis, Japon, Australie, Nouvelle-Zélande, Corée du Sud…) ont recommandé à leurs ressortissants de limiter au maximum les déplacements vers les régions les plus à risque : la province de Guangdong en Chine, d’où semble être parti le virus, et Hong Kong, parfois même Singapour ou le Vietnam. L’Organisation mondiale de la Santé a été dans le même sens en recommandant, elle aussi pour la première fois ces dernières années, d’éviter certaines zones en l’occurrence Hong Kong et la province de Guangdong. Face à la dégradation de la situation et à la persistance des incertitudes sur l’agent pathogène responsable de la maladie et son mode de transmission, certains pays ont même pris des mesures pour permettre le rapatriement de leurs ressortissants exposés au risque de contamination. Les Etats-Unis ont ainsi annoncé qu’ils financeraient le retour des diplomates américains en poste en Chine et à Hong Kong et de leurs familles. Israël a pris la même décision et a inclus dans la liste les personnels présents au Vietnam.

Les compagnies aériennes ont subi directement le contre-coup de cette situation d’alerte sanitaire. Plusieurs sociétés régionales ont été obligées d’annuler des vols. Dragonair, une compagnie de Hong Kong, a ainsi annoncé une réduction de 25 % de ses vols sur la Chine et Taiwan pour tenir compte d’un niveau de fréquentation des ces lignes en chute libre pour cause de pneumonie atypique. Une autre compagnie locale Cathay Pacific a pris des dispositions du même ordre mais sur un éventail plus large de destinations asiatiques : Taipei, Tokyo, Singapour, Bali, Jakarta, Manille, Kuala Lumpur, Bangkok. Les compagnies asiatiques ont aussi dû faire face immédiatement à une baisse de leurs actions. Japan Airlines a ainsi perdu 5,6 % la semaine dernière, All Nippon Airways, Singapore Airline, Cathay Pacific 5,8 %.

Annulations et reports

Par mesure de précaution Air Mauritius a décidé de suspendre ses deux vols hebdomadaires sur Hong Kong pour un mois et de réévaluer début mai la situation pour prolonger ou abandonner la mesure. Air New Zealand a annoncé une diminution de 3,3 % de ses vols internationaux et une suppression de la ligne Auckland-Hong Kong jusqu’au mois de juin. Vietnam Airlines a décidé de permettre aux passagers ayant réservé des billets de modifier gratuitement les dates de leurs voyages pour les inciter à ne pas annuler purement et simplement. La compagnie américaine United Airlines a elle aussi indiqué tous les clients détenteurs de billets pour un pays d’Asie du Sud-Est (Chine, Hong Kong, Singapour, Vietnam) auraient la possibilité de changer les dates de leurs voyages sans pénalités financières. Air France n’a pas diminué le nombre de ses vols vers les zones à risque mais les taux de remplissage des avions sont nettement moins importants qu’à l’habitude.

Dans un contexte déjà très difficile pour les transports aériens où les attentats du 11 septembre 2001 et le risque terroriste ont provoqué une baisse importante de trafic, et où le déclenchement de la guerre en Irak a encore accentué les difficultés, la pneumonie atypique risque de porter le coup de grâce à certaines compagnies qui se trouvent dans des situations proches de la faillite comme American Airlines, Air Canada ou KLM.

Le tourisme est aussi devenu en quelque 15 jours une activité sinistrée à Hong Kong et en Chine, voire même en Asie en général. Les chiffres annoncés par les voyagistes sont révélateurs de la gravité de la situation pour cette branche d’activité. A Hong Kong, les agences de voyages ont enregistré une baisse des réservations qui atteint 90 %. Et en une semaine, le taux d’occupation des hôtels a diminué de 30 %. L’office du Tourisme de Hong Kong a d’ailleurs décidé d’annuler toutes les campagnes de promotion à l’étranger en attendant que l’épidémie de pneumonie soit contrôlée. Singapour a enregistré une baisse de 9 % des arrivées dans les trois premières semaines de mars et la Thaïlande de 15 %. A Taiwan, on estime que le syndrome respiratoire aigu sévère est déjà responsable de l’annulation d’au moins 500 voyages de groupes. En Chine, les annulations de séjours sont de l’ordre de 20 à 30 % en provenance du Japon, de 90 % de Corée du Sud, de 50 % des Etats-Unis. En moyenne, dans les grandes villes du pays, on note 80 % d’annulations ou de reports.

L'activité économique régionale pourrait pâtir des effets de l'épidémie de pneumonie atypique.Des experts de la banque BNP Paribas Peregrine estiment déjà que la pneumonie pourrait provoquer en Asie une baisse de 1,5 % de la croissance en agissant sur deux piliers des économies locales : le tourisme et la consommation des ménages.

Mais l’impact économique de la pneumonie dépasse le cadre régional. En France, par exemple, Asia l’un de principaux voyagistes spécialisés sur cette zone, estime avoir perdu en l’espace d’une quinzaine de jours près d’un million d’euros de chiffre d’affaires. Et le taux d’annulation ou de report est actuellement de l’ordre de 50 %.

L’épidémie de pneumonie atypique pénalise l’Asie, à la fois parce que plus personne ne veut s’y rendre mais aussi parce que les Asiatiques qui veulent se déplacer dans le monde commencent à se trouver confronter à des réactions de peur. Les organisateurs de la Foire de l’horlogerie, à Bâle en Suisse, ont ainsi décidé de refuser aux quelque 3 000 participants originaires de Hong Kong, de Chine et de Singapour l’accès à la manifestation. Le manque à gagner pour les exposants asiatiques de cette foire qui est le plus grand rendez-vous mondial de la profession, pourrait se chiffrer en millions de dollars.



par Valérie  Gas

Article publié le 03/04/2003