Irak
Bush cantonne l’ONU à l’humanitaire
Officiellement, selon le président américain, les Nations unies auront «un rôle vital à jouer» dans la reconstruction de l’Irak et le pays sera dirigé «aussi vite que possible» par une autorité intérimaire et ensuite par des Irakiens. Mais, pressé par les journalistes à préciser le rôle de l’ONU George W. Bush a parlé une nouvelle fois des différents aspects humanitaires de l’après-guerre, mais jamais d’un quelconque rôle politique dans l’administration du pays après la chute de Saddam Hussein.
Plus inquiétant, le président américain n’a jamais fait allusion aux maigres acquis du récent mini-sommet des Açores, qui avait notamment préconisé une résolution de l’ONU censée reconnaître et légitimer l’autorité intérimaire destinée à diriger le pays. Autant dire que, aux yeux de Washington, les Nations unies sont désormais appelées plus à soigner les blessés et enterrer les morts qu’à assurer à l’Irak une autorité intérimaire représentative et reconnue par l’ensemble de la communauté internationale. Ce qui signifie que le Premier britannique, Tony Blair, n’est pas parvenu à «vendre» à Bush une administration du «nouvel Irak» par l’ONU, en dépit des déclarations enregistrées à l’issue de la rencontre de Belfast, entre le président américain et le premier ministre britannique. Les «faucons» du Pentagone (de Rumsfeld à Rice) l’ayant finalement emporté sur la «colombe» du Département d’Etat (Powell).
Dès la veille du sommet de Belfast, Washington et Londres semblaient décidés à adopter un plan de l’après-guerre en trois étapes: dans un premier temps, une administration américano-britannique responsable surtout de la sécurité, assurée par Jay Garner et son équipe de l’Office de reconstruction et d’aide humanitaire (ORHA); ensuite une deuxième phase, dite intérimaire, avec la mise en place d’une administration avec des compétences officiellement plus étendues et comprenant des Irakiens, mais dépourvue de tout pouvoir exécutif; et enfin une troisième étape consistant en la mise en place d’un gouvernement représentatif, après des élections.
Nouvelle victoire de Condoleeza Rice contre Colin Powell
Désormais, il apparaît clairement que le pouvoir réel restera entre les mains des alliés américano-britanniques non seulement dans la première phase, mais aussi durant la deuxième, comme le souhaitait ouvertement Condoleeza Rice, en opposition ouverte avec Colin Powell. La conseillère de Bush pour la sécurité, en effet, n’a cessé de marteler ces derniers jours que «l’Irak est unique» et «ne ressemble ni au Kosovo ni à l’Afghanistan». Tandis que le secrétaire d’Etat proposait à plusieurs reprises une réédition de la conférence de Bonn sur l‘Afghanistan et prêchait en faveur d’un rôle réel de l’ONU dans l’administration de l’Irak, avec l’appui d’une nouvelle résolution explicite sur le rôle de la communauté internationale. Ce ne sera visiblement pas le cas, Bush ne s’étant engagé qu’à «travailler avec les institutions internationales, dont les Nations unies», désormais rangées dans la catégorie des «super ONG». Sans céder ne serait-ce qu’un pouce de pouvoir réel à l’ONU.
Pour Tony Blair, très soucieux de se replacer sur le terrain de la légalité, le sommet de Belfast risque de rendre encore plus insignifiante sa tentative de jouer le rôle d’intermédiaire entre Washington et le duo franco-allemand. Car, non seulement les positions des uns et des autres semblent s’éloigner, mais le rôle de l’ONU semble diminué même par rapport au sommet des Açores. Alors même que Kofi Annan ne cesse de rappeler que les Nations unies ont une réelle expérience de ce type d’administration et de la région, et, surtout, «peuvent assurer la légitimité nécessaire pour le pays, pour la région et pour les peuples du monde entier».
Mais c’est sans doute à l’intérieur même de l’Union européenne que les conséquences seront les plus visibles, si l’ONU est définitivement cantonnée à l’humanitaire. L’Allemagne a d’ores et déjà fait savoir qu’elle pourrait renoncer à toute participation à l’après-guerre en Irak, sans le parapluie onusien. «Si l’Irak n’est pas reconstruit par les Nations unies, a dit son ministre de la Défense, je ne vois aucun rôle significatif pour l’Allemagne». Et Peter Struck d’ajouter: «Si l’Allemagne ou d’autres pays européens participent à la reconstruction de l’Irak dans le cadre de l’ONU, alors il faudra aussi garantir que les Nations unies gèrent directement l’attribution des contrats». Ce qui semble d’ores et déjà exclu.
Quant à la France, les récentes déclarations de Dominique de Villepin en faveur de l’ONU ne laissent aucun doute sur la position française. De plus, Paris, Berlin et Bruxelles, plus que jamais conscients du rôle que pourrait jouer l’Europe sur le plan militaire, sont décidés à relancer au plus vite la politique commune de défense européenne, à l’occasion d’un sommet extraordinaire prévu à Bruxelles pour le 29 avril prochain. Une idée qui a aussitôt provoqué un certain embarras chez les «amis» des alliés americano-britanniques, à commencer par les Italiens et les Espagnols. «L’idée de ce sommet est une bonne initiative, a dit le ministre italien des Affaires étrangères. Parmi les Quinze beaucoup sont du même avis sur ces thèmes. Aujourd’hui cette initiative doit vraiment être faite à quinze». Tout en ne remettant nullement en cause le rôle ambigu de l’Otan, notamment en ce qui concerne la Turquie.
En réalité, la crise qui secoue aujourd’hui l’UE reflète assez précisément celle que traverse l’Otan et s’est manifestée en premier, en janvier, lorsque Paris et Berlin ont «osé» mettre leur veto sur une résolution préconisant une intervention automatique du côté de la Turquie, en cas d’agression par le voisin irakien. Et, désormais, qui dit Otan dit relations conflictuelles entre les deux rives de l’Atlantique, notamment sur le futur de l'ONU.
La date et le lieu de la prochaine confrontation sont déjà connus: le week-end prochain, à Saint-Petersbourg, lorsqu'un sommet très inattendu doit se tenir, entre le Russe Poutine, le Français Chirac et l'Allemand Schroeder, mais aussi Kofi Annan, un secrétaire général de l'ONU de plus en plus amère.
Dès la veille du sommet de Belfast, Washington et Londres semblaient décidés à adopter un plan de l’après-guerre en trois étapes: dans un premier temps, une administration américano-britannique responsable surtout de la sécurité, assurée par Jay Garner et son équipe de l’Office de reconstruction et d’aide humanitaire (ORHA); ensuite une deuxième phase, dite intérimaire, avec la mise en place d’une administration avec des compétences officiellement plus étendues et comprenant des Irakiens, mais dépourvue de tout pouvoir exécutif; et enfin une troisième étape consistant en la mise en place d’un gouvernement représentatif, après des élections.
Nouvelle victoire de Condoleeza Rice contre Colin Powell
Désormais, il apparaît clairement que le pouvoir réel restera entre les mains des alliés américano-britanniques non seulement dans la première phase, mais aussi durant la deuxième, comme le souhaitait ouvertement Condoleeza Rice, en opposition ouverte avec Colin Powell. La conseillère de Bush pour la sécurité, en effet, n’a cessé de marteler ces derniers jours que «l’Irak est unique» et «ne ressemble ni au Kosovo ni à l’Afghanistan». Tandis que le secrétaire d’Etat proposait à plusieurs reprises une réédition de la conférence de Bonn sur l‘Afghanistan et prêchait en faveur d’un rôle réel de l’ONU dans l’administration de l’Irak, avec l’appui d’une nouvelle résolution explicite sur le rôle de la communauté internationale. Ce ne sera visiblement pas le cas, Bush ne s’étant engagé qu’à «travailler avec les institutions internationales, dont les Nations unies», désormais rangées dans la catégorie des «super ONG». Sans céder ne serait-ce qu’un pouce de pouvoir réel à l’ONU.
Pour Tony Blair, très soucieux de se replacer sur le terrain de la légalité, le sommet de Belfast risque de rendre encore plus insignifiante sa tentative de jouer le rôle d’intermédiaire entre Washington et le duo franco-allemand. Car, non seulement les positions des uns et des autres semblent s’éloigner, mais le rôle de l’ONU semble diminué même par rapport au sommet des Açores. Alors même que Kofi Annan ne cesse de rappeler que les Nations unies ont une réelle expérience de ce type d’administration et de la région, et, surtout, «peuvent assurer la légitimité nécessaire pour le pays, pour la région et pour les peuples du monde entier».
Mais c’est sans doute à l’intérieur même de l’Union européenne que les conséquences seront les plus visibles, si l’ONU est définitivement cantonnée à l’humanitaire. L’Allemagne a d’ores et déjà fait savoir qu’elle pourrait renoncer à toute participation à l’après-guerre en Irak, sans le parapluie onusien. «Si l’Irak n’est pas reconstruit par les Nations unies, a dit son ministre de la Défense, je ne vois aucun rôle significatif pour l’Allemagne». Et Peter Struck d’ajouter: «Si l’Allemagne ou d’autres pays européens participent à la reconstruction de l’Irak dans le cadre de l’ONU, alors il faudra aussi garantir que les Nations unies gèrent directement l’attribution des contrats». Ce qui semble d’ores et déjà exclu.
Quant à la France, les récentes déclarations de Dominique de Villepin en faveur de l’ONU ne laissent aucun doute sur la position française. De plus, Paris, Berlin et Bruxelles, plus que jamais conscients du rôle que pourrait jouer l’Europe sur le plan militaire, sont décidés à relancer au plus vite la politique commune de défense européenne, à l’occasion d’un sommet extraordinaire prévu à Bruxelles pour le 29 avril prochain. Une idée qui a aussitôt provoqué un certain embarras chez les «amis» des alliés americano-britanniques, à commencer par les Italiens et les Espagnols. «L’idée de ce sommet est une bonne initiative, a dit le ministre italien des Affaires étrangères. Parmi les Quinze beaucoup sont du même avis sur ces thèmes. Aujourd’hui cette initiative doit vraiment être faite à quinze». Tout en ne remettant nullement en cause le rôle ambigu de l’Otan, notamment en ce qui concerne la Turquie.
En réalité, la crise qui secoue aujourd’hui l’UE reflète assez précisément celle que traverse l’Otan et s’est manifestée en premier, en janvier, lorsque Paris et Berlin ont «osé» mettre leur veto sur une résolution préconisant une intervention automatique du côté de la Turquie, en cas d’agression par le voisin irakien. Et, désormais, qui dit Otan dit relations conflictuelles entre les deux rives de l’Atlantique, notamment sur le futur de l'ONU.
La date et le lieu de la prochaine confrontation sont déjà connus: le week-end prochain, à Saint-Petersbourg, lorsqu'un sommet très inattendu doit se tenir, entre le Russe Poutine, le Français Chirac et l'Allemand Schroeder, mais aussi Kofi Annan, un secrétaire général de l'ONU de plus en plus amère.
par Elio Comarin
Article publié le 08/04/2003