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Irak

Mais où est donc passée la «résistance irakienne» ?

Presque pas de coups de feu, pas d’uniformes gris ou noirs en vue, pas de conférence de presse du ministre de l’information. Mercredi, la «bataille de Bagdad», rue après rue, immeuble après immeuble, prévue depuis plusieurs jours - ou semaines - par de nombreux stratèges est apparemment finie avant même d’avoir véritablement commencée. La «résistance irakienne» s’est apparemment évanouie. Mais a-t-elle vraiment existé, en dehors des prévisions, une fois de plus erronées, de nombreux experts, surtout en Europe?
Comme lors de la première guerre du Golfe, les différents corps de l’armée de Saddam en charge de la défense de la capitale ont disparu du champ de bataille dès les premiers vrais affrontements. En 1991, pour expliquer pourquoi l’armée irakienne avait été facilement repoussée du Koweït, on avait souvent évoqué le fait que cette armée ne pouvait être «motivée» sur une terre étrangère. Et qu’il fallait donc s’attendre à des véritables «batailles de rue», notamment à Bagdad, dès que les premiers marines auraient foulé le sol irakien. Certains prévoyait pour la capitale irakienne une «résistance comme à Stalingrad». D’autres parlaient du sort peu enviable de Grozny ou Berlin, deux villes rasées au sol lors de leur chute. La propagande de Saddam égrenait quant à elle de nombreux «volontaires arabes» et plus de 4000 kamikaze.

«La capacité de résistance des Irakiens a été anéantie par des décennies de souffrance»

Apparemment, c’est l’exact contraire qui s’est passé. Juste quelques combats, pour l’essentiel de la part de membres de la Garde républicaine et de certains «feddayin» de Saddam Hussein, avant qu’ils ne prennent à leur tour la fuite. Le «peuple de Bagdad» n’a offert aucune résistance aux «envahisseurs». Il s’est d’abord terré chez lui, et il a payé un tribut assez lourd à une guerre qui n’était visiblement pas la sienne. Avant de sortir pour accueillir l’armée américaine et piller les bâtiments publics, symbole du régime dictatorial de Saddam Hussein. En réalité, sa «capacité de résistance avait été anéantie par des décennies de souffrance», selon Brahim Haïdar, un Sénégalais d’origine libanaise.

Bien entendu, Bagdad avait été minutieusement «préparée» par une longue campagne de bombardements, le plus souvent très ciblés, qui ont évidemment découragé toute riposte massive. Il demeure néanmoins que les troupes américaines ont pris Bagdad en quelques heures seulement, après y être entrées plutôt facilement. Les forces d’élite de Saddam n’étaient visiblement plus là. A commencer par la fameuse Garde républicaine.

Cette fois-ci, les 60 000 hommes de la Garde républicaine, ou les 15 000 qui composent la Garde républicaine spéciale, ont choisi de ne pas se battre. Un certain nombre avaient déjà été tués ou faits prisonniers ces derniers jours. D’autres se sont sans doute dispersés, ce qui inquiète déjà ceux qui ont la charge de l’après-guerre. Si l’on croit des sources militaire américaines, au moins trois brigades de la Garde républicaine - soit environ 7500 hommes - n’ont pas été touchées par les combats et demeurent une force réelle de combat. Peut-être sont-elles dans la région de Tikrit, la ville natale de Saddam Hussein.

Il en est peut-être de même d’une autre unité très discrète: les 5000 membres de la Sécurité spéciale, un corps considéré comme le plus fidèle au dictateur irakien, lui aussi très bien équipé, et qui devrait assurer la dernière défense de Saddam Hussein, et qui très probablement restera à ses côtés jusqu’à la fin.

Autre inconnue de taille: le sort réel des «Feddayn» de Saddam, un corps paramilitaire engagé le plus souvent dans des opérations de police et qui compterait au moins 20 000 hommes (40 000, selon certaines sources occidentales).

Une chose semble sure: «les structures de commandement et de contrôle du régime irakien semblent s’être effondrées», à Bagdad, a déclaré un porte-parole britannique mercredi matin, avant de rappeler qu’une «résistance acharnée et féroce» était toujours signalée par endroits. La tactique souvent attribuée à Saddam Hussein consistant à attirer les troupes américaines dans la capitale, pour livrer une dernière «grande bataille» de guérilla urbaine censée provoquer un «massacre des envahisseurs» a fait long feu. Le dernier échec militaire de Saddam Hussein ressemble aux précédents.

«Les Irakiens ont tenté de nous ralentir, mais ils n’ont pas arrêté notre progression. Nous agissons ici de la même manière que lors des autres batailles depuis le début de la guerre» a dit un officier américain à propos de la «bataille de Bagdad». Et un autre de préciser: «Il n’y a plus de commandement depuis le sommet. Nous avons détruit cela. Les forces irakiennes agissent donc de leur propre initiative», et ne disposent plus que d’armes légères et d’armes anti-chars. Ceci pourrait signifier qu’un certain degré de guérilla peut se poursuivre.

«Il y aura une frange de combattants incontrôlables. Ils continueront à combattre. Ce ne sera pas cohérent, mais ce seront des attaques d’opportunité», selon un autre officier, ces attaques pourraient être menées par des jusqu’au-boutistes, vraisemblablement des volontaires égyptiens, soudanais, tunisiens, algériens ou syriens. Si tel était le cas, cela prouverait une dernière fois - et de façon tragique - que l’armée de Saddam Hussein ne bénéficiait désormais d’aucun soutien de la part du peuple irakien, tout simplement parce qu’elle avait perdu depuis longtemps toute légitimité.



par Elio  Comarin

Article publié le 09/04/2003