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Guerre en Irak

Saddam Hussein est tombé, et après…

Le régime de Saddam Hussein est balayé. Des scènes de joie ont accompagné l’événement, mais très vite des questions de fond commencent par être posées. Après avoir subi l’aventure orchestrée par le parti Baas, les Irakiens se préparent à un saut dans l’inconnu sous l’encadrement des Américains.
Un peu partout en Irak, les portraits et statues de Saddam Hussein sont détruits. Devant les journalistes les gens multiplient d’ardeur et s’acharnent sur ces objets inanimés en criant leur haine du personnage, le temps d’un cliché d’un reporter photographe. Britanniques et Américains sont accueillis à bras ouverts, avec le «V» de la victoire. Mais ces scènes de liesse à Bagdad et ailleurs sont davantage un exutoire que l’expression d’une reconnaissance de «l’œuvre accomplie» par la coalition américano-britannique. A la spontanéité des vagues déferlantes dans les rues de Bagdad on a aussi vu la promptitude des populations à piller. Les ministères, les lieux publics, le centre culturel français, certaines ambassades européennes et même un hôpital ont reçu la visite des bandes de pillards. Bagdad n’est pas sécurisée et selon des journalistes sur place, elle est livrée à une totale anarchie. Des banques ont été détroussées et les visiteurs sont tranquillement repartis avec des sacs de billets. Le seul non au pillage qu’ils ont essuyé, de la part des Américains, est au musée de Bagdad qui abrite des trésors inestimables.

Dans cette pagaille il n’y a point de sécurité. Les Américains l’ont compris surtout dans la matinée où plusieurs détachements militaires ont essuyé des attaques. Un mort et une vingtaine de blessés reconnus par les autorités militaires américaines qui n’ont toutefois pas fourni de bilan dans le camp ennemi. Elles se sont contentées, dans les communiqués militaires, d’annoncer l’éradication des poches de résistance. Dans le courant de l’après-midi, le premier attentat suicide a été perpétré. Dans le quartier chiite de Bagdad, Saddam-city, à un point de contrôle érigé par l’armée américaine, un homme s’approche et actionne sa ceinture d’explosifs et se fait sauter en faisant aussi plusieurs victimes parmi les soldats américains. Au sud de Bagdad, à plus de 200 km, la ville sainte chiite de Najaf a connu le premier assassinat d’une autorité religieuse opposée au régime de Saddam Hussein. Abdel Majid Al-Khoï, qui succède à son père le grand ayatollah Al-Khoï a été assassiné de plusieurs coups de poignards avec un de ses collaborateurs.

Abdel Majid Al-Khoï sur les traces de son père est une autorité de l’assemblée chiite d’Irak. Son père est parti d’Iran avec toute sa famille lors de la révolution islamique de 1979. Opposé à l’ayatollah Khomeiny, le grand prédicateur s’est installé dans la ville sainte chiite, Najaf, lieu de pèlerinage et siège de la plus haute autorité chiite. Il y mourut en 1992. Son fils, Abdel Majid Al-Khoï, est le secrétaire général de la fondation caritative du nom de son père basée à Londres avec des antennes à New-York et à Montréal. Il aurait été un des tout premiers dignitaires religieux à soutenir la guerre menée par la coalition américano-britannique. Cet assassinat a été immédiatement condamné par l’administration Bush.

La nature a horreur du vide

L’après Saddam Hussein débute selon des schémas que les alliés n’avaient certainement pas prévus. En tout cas, ils confortent les Américains dans leur volonté de piloter le changement politique en Irak. Le secrétaire d’Etat américain Colin Powell juge normal que Washington sélectionne des dirigeants irakiens susceptibles de composer une administration intérimaire à Bagdad. Geoffrey Hoon, le ministre britannique de la Défense renchérit en affirmant qu’une autorité sera installée dans les prochains jours dans le sud de l’Irak. Cette volonté affichée d’orienter les futurs choix politiques de l’Irak fait grincer quelques dents dans le monde arabe. D’Egypte à Bahrein en passant par la Syrie, la plupart des pays de la région se sont prononcés en faveur d’un gouvernement librement choisi par le peuple irakien et «au plus vite». Le choix de l’administration Bush qui se porte sur le général américain à la retraite, Jay Garner, futur «proconsul» de l’administration provisoire, est très mal accueilli dans les différentes chancelleries arabes qui lui reprochent d’avoir un gros handicap de départ, celui d’être «très proche d’Israël».

Mais George Bush et Tony Blair ont décidé de prendre les devants pour rassurer les Irakiens. La nature ayant horreur du vide, ils ont aussi enregistré un message radiotélévisé dans lequel ils ont d’abord pris soin de se présenter. «Je suis Tony Blair, Premier ministre du Royaume uni, je suis George W Bush, président des Etats-Unis d’Amérique». Le Premier ministre britannique dans un ton grave et une mine sérieuse promet aux Irakiens qu’ils vont bientôt choisir en toute liberté leurs dirigeants. «Vous ne serez pas dirigés par l’ONU, ni par la Grande Bretagne, ni par les USA, votre avenir vous appartiendra», affirme-t-il. George Bush lui, avait une mine volontiers plus ouverte lorsqu’il dit aux Irakiens : «Vous êtes un peuple bon et doué. Vous êtes les héritiers d’une grande civilisation qui a beaucoup apporté à l’humanité. Vous méritez d’être un peuple libre». Mais l’intervention des deux alliés, sous-titrée en langue Arabe, n’a pu être vue par la population de Bagdad qui ne bénéficie pas encore du retour de la fourniture d’électricité. Par ailleurs pour suppléer au déficit d’image que subit le peuple irakien, les infrastructures de la télévision nationale ayant été détruites, les alliés ont créé une chaîne spéciale baptisée «Vers la liberté», qui va bientôt proposer des images, sous le contrôle de l’armée américaine. Le discours des deux chefs de l’exécutif pourra, incessamment, être vu et revu par tout le monde. La diffusion d’un journal britannique tiré à 10 000 exemplaires est également annoncée dans le sud de l’Irak, dès ce 10 avril. Il est appelé Al-Zaman (le Temps).



par Didier  Samson

Article publié le 10/04/2003