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Balkans

Macédoine: mission-test pour l’Europe

Lundi, l’OTAN a passé le flambeau du maintien de la paix à l’Union européenne. La mission «Concordia» représente la première force militaire déployée sous la bannière de l’Union.
De notre correspondant dans les Balkans

Le général français Pierre Maral aura sous ses ordres 320 militaires, auxquels s’ajoutent 80 civils. La France fournit la moitié du contingent, mais les quatorze autres pays membres de l’UE, ainsi que onze pays candidats, ont également envoyé des troupes. Le mandat de «Concordia» est de six mois, pour un budget initial de 6,2 millions d’euros.

Les troupes de l’UE prennent le relais de la mission de l’OTAN, qui était déployée dans le pays depuis la conclusion des accords de paix d’Ohrid, en août 2001, et le désarmement de la guérilla albanaise de l’UCK.

Le gouvernement macédonien a fini par donner son accord au déploiement de la mission européenne, même si le Président de la République, Boris Trajkovski, n’a jamais caché ses préférences pour le maintien d’une force de l’OTAN. De sensibilité plus «européenne», la nouvelle majorité parlementaire social-démocrate a cependant donné son accord à son passage de relais, finalement accepté par le Président.

Depuis la conclusion des accords d’Ohrid, la Macédoine connaît une paix précaire. Le désarmement de la guérilla est resté très largement symbolique et la nouvelle police multiethnique, prévue par les accords de paix, n’a fait le plus souvent que des incursions symboliques dans les anciens bastions de l’UCK.

Néanmoins, après leur succès aux élections législatives anticipées du 15 septembre 2000, les dirigeants de l’UCK sont entrés dans le gouvernement du pays, aux côtés des sociaux-démocrates macédoniens. Ali Ahmeti, l’ancien porte-parole de la guérilla, devenu le chef de l’Union démocratique pour l’intégration (BDI), est cependant accusé de «trahison» par des secteurs de plus en plus radicaux de l’opinion albanaise.

Concrètement, malgré l’adoption d’une nouvelle Constitution qui garantit une pleine égalité aux citoyens albanais de Macédoine, la plupart des dispositions des accords d’Ohrid ne sont pas encore entrées en application, notamment celles qui touchent à la décentralisation du pays.

La tentation des armes

La Macédoine connaît toujours une situation économique catastrophique, et survit uniquement grâce aux donations internationales. En 2002, cette aide s’est élevée à 307 millions d’euros, versés pour les deux tiers par l’UE. Depuis 2001, l’Union dispose également d’un représentant politique en Macédoine, qui veille à l’application des accords de paix.

Malgré ce fort engagement international, beaucoup d’observateurs pensent qu’une nouvelle guérilla albanaise n’aurait aucun mal à recruter des combattants. Depuis quelques mois, une nouvelle Armée de libération albanaise (AKSh) a publié plusieurs communiqués, annonçant le déclenchement imminent d’une «offensive de printemps». Ce label d’AKSh pourrait réunir des groupes de natures assez différentes : militants convaincus de la «Grande Albanie», déçus des accords de paix, mais aussi groupes mafieux.

De fait, les mesures anti-corruption décidées par le nouveau gouvernement de Skopje pourraient, à terme, gêner certains groupes, aussi bien macédoniens qu’albanais. Cependant, l’évolution de la situation en Macédoine dépend largement, tout comme en 2001, des événements au Kosovo.

La situation est à nouveau très tendue dans ce territoire post-yougoslave placé sous administration des Nations unies : des arrestations, par la justice locale ou le Tribunal pénal international, frappent directement des anciens commandants de l’UCK, tandis que l’enlisement des discussions sur le statut final du Kosovo suscite l’exacerbation des tensions au sein de la population. Dans ce contexte, certains anciens combattants pourraient être tentés de trouver un exutoire en Macédoine, ou dans les régions albanaises du sud de la Serbie, exactement comme ils l’avaient fait en 2001, pour essayer d’internationaliser le règlement de la question albanaise dans les Balkans.

Les hommes de la mission «Concordia» pourraient donc ne pas avoir la tâche facile. Cette mission représente pourtant un test majeur pour l’Union européenne. Si le retrait des quelque 40 000 soldats de l’OTAN déployés au Kosovo n’est encore aucunement à l’ordre du jour, l’Union pourrait, d’ici un an, prendre le relais de la SFOR, en Bosnie-Herzégovine. Plus de sept ans après la fin de la guerre dans cette république, l’OTAN compte encore 12 000 hommes sur le terrain. La mission «Concordia» a aussi valeur de test pour la future Force de réaction rapide européenne, qui devrait compter 60 000 hommes, et être capable de se déployer sur tous les terrains de conflit.

Ecouter également :
Michèle Alliot-Marie, ministre français de la Défense au micro de Quentin Dickinson.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 01/04/2003