Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Nigeria

Série d’élections à hauts risques

Les Nigérians sont appelés aux urnes ce samedi pour des législatives. Ils voteront ensuite dans une semaine pour élire leur président puis pour des élections locales. Dans un contexte de tension, ces scrutins s’annoncent lourds de menaces.
De notre envoyé spécial à Lagos

En l’espace de quatre semaines, les principaux représentants du peuple nigérian vont être renouvelés par les électeurs. Députés, président, gouverneurs, élus municipaux, la série du renouvellement de toutes les institutions commence samedi par les législatives. 7000 candidats, 120 000 bureaux de vote, 61 millions d’électeurs autant de bulletins de vote, tout est à l’échelle du «gigantisme» du pays le plus peuplé d’Afrique noire, grand comme deux fois la France en superficie et en population. Ce qui donne de cette fédération de 36 Etats l’impression d’une situation chaotique et insaisissable.

L’ensemble du processus électoral n’échappe pas au chaos. L’Inec, la commission électorale indépendante, a mal géré la délivrance des cartes d’électeurs. Des millions d’électeurs se retrouvent sans carte et seront les premiers exclus et déçus, privés ainsi de leur droit de vote. Tous les discours de veille de scrutin retentissent comme une sirène d’alarme au niveau national et appellent les Nigérians à voter dans le calme.

Au total, ce samedi, 109 sénateurs et 360 représentants de la chambre basse recevront mandat des électeurs pour exercer le pouvoir législatif et contrôler l’action du gouvernement fédéral. Les postulants ont promis aux électeurs «des lendemains meilleurs» comme si le parlementaire était aussi détenteur du pouvoir exécutif!

Obasanjo avait beaucoup promis

Exclus du festin pétrolier par les généraux, tout puissants gestionnaires décideurs, les 127 millions de Nigérians ont toujours réclamé au prix de leur vie, démocratie et mieux être. Ils ont gagné le combat des libertés démocratiques il y a quatre ans seulement, aidés par la mort du dictateur Sani Abacha en juin 1998.

La vie quotidienne a fort peu changé depuis 43 ans. Le Nigérian moyen tire le diable par la queue. Il vit d’expédients, d’arnaques. Les fonctionnaires, policiers en tête, soldats et douaniers se débrouillent avec le racket et la corruption.

Olusegun Obasanjo en inaugurant l’ère du renouveau en mai 1999 avait demandé un état de grâce de plusieurs années, le temps de déblayer les décombres et d’implanter une fondation solide. Il est en fin de mandat et est incapable de dire à ses compatriotes qu’il a vaincu la pénurie récurrente de carburant, amélioré la fourniture épileptique du courant électrique, combattu les prédateurs de la République et enrayé l’insécurité.

Aux yeux de ses adversaires la renaissance diplomatique du pays est une coquille vide, le Nepad (Nouveau partenariat économique pour le développement de l’Afrique) un fantasme d’intellectuels. Alors ils se sont jetés dans l’arène politique portant de 3 à 30 le nombre partis politiques en quatre ans. L’ensemble de la compétition électorale est plus serrée aujourd’hui.

Tous les vieux chevaux de retour sont dans les starting-blocks comme candidats ou comme acteurs de l’ombre. Résultat, la pré campagne a été violente, sanglante et meurtrière. Il y a eu des affrontements entre militants de partis rivaux mais aussi des assassinats de personnalités politiques.

La charia, l’intolérance religieuse et ethnique font de ses trois semaines de scrutin, une période à haut risque. Tout peut basculer, tout peut déraper appréhendent certains Nigérians.

L’ancien chef d’Etat Mohamadu Buhari (1983-1985) conduit le All Nigeria’s People Party (ANPP) au combat. Le général de 61 ans, musulman, originaire du Nord-Est, est réputé austère, rigoureux et sévère. Il a choisi de composer avec les Ibos de l’Est, ceux qui font toujours basculer le vote, comme région charnière.

Ojukwu Emeka, l’officier responsable de la terrible guerre du Biafra est aussi dans la course. Il a réussi une alliance dénommée ALL Progressive Grande Alliance, avec des petits partis d’opposition.

Ike Nwachukwu, général et ancien ministre des Affaires Etrangères de Babanguida Ibrahim revient aussi sur la scène.

Les Yorubas, maîtres de Lagos ont gardé leur Alliance démocratique (AD)

La concurrence attend donc le Parti démocratique du peuple au pouvoir, largement majoritaire au cours de la législature qui s’achève.

Une majorité qui en chemin s’est très vite muée en front anti-Obasanjo au Parlement.

Au mépris des urgences, les alliés de 1999 ont tenté de destituer Obassanjo, accusé de n’avoir pas su renvoyer l’ascenseur; une motion de destitution restée infructueuse. D’où les appréhensions sur les lendemains du 12 avril 2003.



par Jean-Luc  Aplogan

Article publié le 12/04/2003