Irak
Le défi sécuritaire
La population de Bagdad assiste impuissante aux pillages tandis que les forces américaines d’occupation tentent de remettre sur pied une police irakienne.
De notre envoyé spécial à Bagdad
«N’attaquez pas les forces de la coalition, elles sont là pour votre bien et votre sécurité… Ne volez pas l’argent public… Il est interdit de porter des armes dans les lieux publics». Depuis plusieurs jours, la nouvelle radio irakienne diffuse régulièrement en arabe ces appels au civisme. Qui les entend ? Pour le moment, l’ordre public reste bien aléatoire dans Bagdad. Certes, des policiers de la circulation, munis d’armes légères, ont commencé à réapparaître dans les grandes artères et aux principaux carrefours, mais leur présence reste limitée.
«Environ 3000 policiers auraient repris du service, prétend le colonel Abdel Ghafour Mahmoud, ancien responsable de la défense civile dans le quartier de Karada. Chaque jour, ils sont un peu plus nombreux, mais ceux qui travaillaient pour les différents services de renseignement ou de sécurité ne sont pas réapparus. Ils étaient trop impliqués dans la répression et les basses besognes du régime de Saddam».
Une coopération s’est établie entre l’armée américaine et une poignée d’officiers irakiens pour remettre sur pied un service de police digne de ce nom. Plusieurs réunions quotidiennes se déroulent à l’hôtel Palestine ou à l’Académie de police, dont les États-Unis financent la réhabilitation. «Nous faisons le point sur la situation sécuritaire à Bagdad et sur les moyens d’améliorer l’ordre public», explique le colonel Abdel Ghafour Mahmoud qui participe à ces rencontres. Jusqu’à présent, les policiers de l’Irak post-Saddam ne reçoivent pas encore de salaire, ce qui freine les vocations.
«J’attends de voir, lance Qouteiba qui affiche quinze ans de bons et loyaux services sous l’uniforme. Si c’est correctement payé et si on nous respecte, j’y retournerai, sinon, je rendrai mon uniforme». Sous Saddam, il gagnait dix euros par mois. «J’ai servi l’État et la population, mais dans la police, nous étions mal considérés. La clique au pouvoir nous humiliait en nous tirant parfois dessus. Nous ne pouvions rien dire, seulement subir ces humiliations. La loi, c’était pour eux pas, ni pour nous ni pour le peuple». De cet arbitraire, Qouteiba n’en veut plus. Comme tous les Irakiens, il aspire à un État de droit égal pour tous.
Le ministère du Pétrole protégé par les Américains
La plupart des policiers n’ont pas voulu défendre le régime. «Trois semaines de bombardements nous avait épuisés, se souvient Qouteiba. Même la Garde républicaine s’est débandée. Les hommes ont enlevé leurs treillis militaires et sont rentrés chez eux. Nous avons été submergés par la puissance des Américains». Son frère, Ziyad, lui aussi policier, n’a eu aucun scrupule à rentrer chez lui. Responsable d’une prison militaire, il n’a pas hésité une seconde à relâcher une cinquantaine de détenus qui s’y trouvaient: «Nous ne pouvions plus les nourrir et l’armée américaine nous bombardait, je n’ai pas voulu les abandonner à leur sort».
Dans la capitale irakienne, la sécurité s’est améliorée, même si la nuit les coups de feu résonnent encore fréquemment. L’armée américaine a imposé un couvre-feu de 23 heures à 6 heures du matin. Les GI’s sont déployés autour des sites sensibles comme les banques ou les ministères. Celui du Pétrole, un gigantesque bâtiment ocre, a été protégé par des sentinelles et des blindés dès l’entrée des troupes US à Bagdad.
En revanche, la résidence du chargé d’affaires français, André Jannier a été complètement dévalisée. «Les voleurs sont venus avec plusieurs camions armés de haches, une véritable razzia», raconte encore effrayée une voisine qui a assisté à la scène. Avant son départ, André Jannier avait pris soin de rapatrier à Amman tableaux, tapis et objets de valeurs appartenant au patrimoine national. L’ambassade de France n’a pas subi le même sort, car durant toute la guerre et jusqu’à présent, elle a été placée sous la protection de gardes armés.
Dans le centre-ville, les pillages ont cessé. En revanche, dans les quartiers périphériques, bâtiments publics ou militaires restent toujours la cible des maraudeurs. Sur la base militaire d’Al-Rachid, au sud de Bagdad, les pilleurs s’en donnent à cœur joie: ils dévalisent des stocks de pneus sous l’œil des soldats américains. Un homme juché sur son tracteur s’enfuit avec une pleine remorque de pneus de camions, certains usés jusqu’à la corde.
Une voiture de police tente d’empêcher les pilleurs de repartir avec leur butin, mais ils sont trop nombreux. «Les Américains laissent faire ça, ce n’est pas normal, ils devraient intervenir», lance dépité Ahmed, propriétaire d’une épicerie reconverti provisoirement en chauffeur de taxi. Quelques kilomètres plus loin, dans la localité de Zafraniyeh, un «marché aux voleurs» s’improvise: tous les larcins se retrouvent là pour être revendus.
«N’attaquez pas les forces de la coalition, elles sont là pour votre bien et votre sécurité… Ne volez pas l’argent public… Il est interdit de porter des armes dans les lieux publics». Depuis plusieurs jours, la nouvelle radio irakienne diffuse régulièrement en arabe ces appels au civisme. Qui les entend ? Pour le moment, l’ordre public reste bien aléatoire dans Bagdad. Certes, des policiers de la circulation, munis d’armes légères, ont commencé à réapparaître dans les grandes artères et aux principaux carrefours, mais leur présence reste limitée.
«Environ 3000 policiers auraient repris du service, prétend le colonel Abdel Ghafour Mahmoud, ancien responsable de la défense civile dans le quartier de Karada. Chaque jour, ils sont un peu plus nombreux, mais ceux qui travaillaient pour les différents services de renseignement ou de sécurité ne sont pas réapparus. Ils étaient trop impliqués dans la répression et les basses besognes du régime de Saddam».
Une coopération s’est établie entre l’armée américaine et une poignée d’officiers irakiens pour remettre sur pied un service de police digne de ce nom. Plusieurs réunions quotidiennes se déroulent à l’hôtel Palestine ou à l’Académie de police, dont les États-Unis financent la réhabilitation. «Nous faisons le point sur la situation sécuritaire à Bagdad et sur les moyens d’améliorer l’ordre public», explique le colonel Abdel Ghafour Mahmoud qui participe à ces rencontres. Jusqu’à présent, les policiers de l’Irak post-Saddam ne reçoivent pas encore de salaire, ce qui freine les vocations.
«J’attends de voir, lance Qouteiba qui affiche quinze ans de bons et loyaux services sous l’uniforme. Si c’est correctement payé et si on nous respecte, j’y retournerai, sinon, je rendrai mon uniforme». Sous Saddam, il gagnait dix euros par mois. «J’ai servi l’État et la population, mais dans la police, nous étions mal considérés. La clique au pouvoir nous humiliait en nous tirant parfois dessus. Nous ne pouvions rien dire, seulement subir ces humiliations. La loi, c’était pour eux pas, ni pour nous ni pour le peuple». De cet arbitraire, Qouteiba n’en veut plus. Comme tous les Irakiens, il aspire à un État de droit égal pour tous.
Le ministère du Pétrole protégé par les Américains
La plupart des policiers n’ont pas voulu défendre le régime. «Trois semaines de bombardements nous avait épuisés, se souvient Qouteiba. Même la Garde républicaine s’est débandée. Les hommes ont enlevé leurs treillis militaires et sont rentrés chez eux. Nous avons été submergés par la puissance des Américains». Son frère, Ziyad, lui aussi policier, n’a eu aucun scrupule à rentrer chez lui. Responsable d’une prison militaire, il n’a pas hésité une seconde à relâcher une cinquantaine de détenus qui s’y trouvaient: «Nous ne pouvions plus les nourrir et l’armée américaine nous bombardait, je n’ai pas voulu les abandonner à leur sort».
Dans la capitale irakienne, la sécurité s’est améliorée, même si la nuit les coups de feu résonnent encore fréquemment. L’armée américaine a imposé un couvre-feu de 23 heures à 6 heures du matin. Les GI’s sont déployés autour des sites sensibles comme les banques ou les ministères. Celui du Pétrole, un gigantesque bâtiment ocre, a été protégé par des sentinelles et des blindés dès l’entrée des troupes US à Bagdad.
En revanche, la résidence du chargé d’affaires français, André Jannier a été complètement dévalisée. «Les voleurs sont venus avec plusieurs camions armés de haches, une véritable razzia», raconte encore effrayée une voisine qui a assisté à la scène. Avant son départ, André Jannier avait pris soin de rapatrier à Amman tableaux, tapis et objets de valeurs appartenant au patrimoine national. L’ambassade de France n’a pas subi le même sort, car durant toute la guerre et jusqu’à présent, elle a été placée sous la protection de gardes armés.
Dans le centre-ville, les pillages ont cessé. En revanche, dans les quartiers périphériques, bâtiments publics ou militaires restent toujours la cible des maraudeurs. Sur la base militaire d’Al-Rachid, au sud de Bagdad, les pilleurs s’en donnent à cœur joie: ils dévalisent des stocks de pneus sous l’œil des soldats américains. Un homme juché sur son tracteur s’enfuit avec une pleine remorque de pneus de camions, certains usés jusqu’à la corde.
Une voiture de police tente d’empêcher les pilleurs de repartir avec leur butin, mais ils sont trop nombreux. «Les Américains laissent faire ça, ce n’est pas normal, ils devraient intervenir», lance dépité Ahmed, propriétaire d’une épicerie reconverti provisoirement en chauffeur de taxi. Quelques kilomètres plus loin, dans la localité de Zafraniyeh, un «marché aux voleurs» s’improvise: tous les larcins se retrouvent là pour être revendus.
par Christian Chesnot
Article publié le 21/04/2003