Irak
Les chiites convergent vers Kerbala
Faute de pouvoir empêcher le pèlerinage de Kerbala, la dictature irakienne a pendant des décennies étroitement surveillé ce rassemblement chiite, limitant notamment le nombre des fidèles et interdisant les processions. Maintenant que le régime de Saddam Hussein est tombé, des centaines de milliers de personnes affluent vers la ville sainte qui abrite le tombeau de Hussein, le petit-fils du prophète Mahomet, dont la mort violente en 680 constitue l’événement fondateur du chiisme. Outre l’aspect religieux, ce pèlerinage pour lequel sont attendus plusieurs millions de personnes, devrait se transformer en véritable démonstration de force pour les chiites, largement majoritaires en Irak et en quête d’une reconnaissance politique.
Pour la première fois depuis des décennies, les chiites d’Irak sont enfin libres de se rassembler pour commémorer le martyr de Hussein, leur troisième imam, petit-fils du prophète Mahomet, et fils d’Ali, son quatrième Calife. Et Kerbala, qui abrite son tombeau, accueille depuis plusieurs jours des centaines de milliers de fidèles venus de tous le pays. A côté des autres villes irakiennes qui peinent à sortir du chaos engendré par les bombardements et les pillage, la ville sainte apparaît comme miraculeusement préservée. Très peu de bâtiments publics ont en effet été bombardés et la vie a repris son cours. Les marchés fonctionnent, le ramassage des ordures est assuré tout comme la sécurité mise en place dès la chute du régime par un comité de douze notables qui gère la ville avec l’accord de la Hawza, la très influente université religieuse de Najaf, souvent assimilée à une sorte de clergé chiite irakien.
Depuis plusieurs jours déjà, un flot ininterrompu de pèlerins converge des quatre coins du pays vers Kerbala. On les voit arriver à pied –comme le recommandent les religieux–, parfois sans chaussures, par petits groupes ou par grappes. Nombreux portent des drapeaux noirs –symbole du chiisme– verts, de la couleur de l’islam, ou encore rouges pour symboliser le martyre de Hussein. Car c’est la mort violente en 680 du troisième imam du chiisme, décapité lors de la grande bataille de Kerbala qu’il a mené contre le califat des Omeyyades, que ces fidèles viennent commémorer. Régulièrement ils se cognent la poitrine en chœur et pleurent le sort d’Hussein. La plupart sont démunis et n’ont souvent aucun bagage mais ils savent qu’il peuvent compter sur la générosité de leurs concitoyens. Les dignitaires chiites ont en effet tout organisé. Sur les routes qui mènent à Kerbala, des abris ont été construits pour accueillir les fidèles pendant la nuit. De grandes tables ont également été dressées et les pèlerins peuvent s’y restaurer gratuitement. Dans la ville même, partout des dizaines de chaudrons débordant de riz et de mouton ainsi que des baignoires remplies d’eau rassasient et désaltèrent les passants.
La grande esplanade bordée de palmiers, située entre les deux mausolées sacrés de Hussein et de Abbas, son demi-frère, est le lieu de rendez-vous des pèlerins qui vont ensuite se recueillir sur le tombeau de l’imam martyr. Les femmes vêtues de noir pleurent, les hommes crient leur ferveur. Mais en dépit du deuil qui réunit tous ces fidèles, c’est la joie qui prédomine dans la ville sainte, celle de la liberté de culte retrouvée, celle de la fin de la répression aveugle qui a frappé les chiites pendant des décennies.
Une démonstration de force politique
Les célébrations, qui devraient culminer mardi et mercredi avec la présence à Kerbala de quelque quatre à cinq millions de pèlerins, devraient être également l’occasion pour la communauté chiite, frappée d’ostracisme par le régime de Saddam Hussein, de montrer son poids réel dans la société irakienne. Des leaders chiites comme notamment l’ayatollah Mohamed Baqr al-Hakim, le chef de l’ASRII, l’Assemblée suprême de la révolution islamique en Irak, ont d’ailleurs ouvertement appelé les fidèles à venir à Kerbala pour soutenir «un régime politique garantissant liberté, indépendance et justice pour tous les Irakiens sous le règne de l’islam». Ce chef religieux très respecté, qui vit en exil en Iran depuis 23 ans, a même appelé les pèlerins à exprimer «le rejet de toute domination étrangère», en Irak.
Ce refus de toute présence étrangère en Irak s’est déjà exprimé la semaine dernière lors de plusieurs manifestations où des chiites ont scandé des slogans hostiles aux Américains. Au cours de la prière du vendredi dernier les imams se sont même ouvertement opposés à la présence en Irak des forces de la coalition qualifiées de «mécréantes». «Nous refusons cette occupation étrangère, c’est un nouvel impérialisme et nous n’en voulons pas», avait notamment affirmé l’imam du mausolée sacré de Hussein à Kerbala dans un prêche suivi par des milliers de fidèles. Il a également dénoncé la présence de «ces politiciens qui reviennent en Irak, soutenus par les Américains et les Anglais» et appelé à «l’union des chiites derrière la parole de la Hawza», le clergé irakien.
Sans perdre son caractère religieux, le pèlerinage de Kerbala revêt cette année un caractère de rendez-vous politique. Plusieurs dignitaires religieux y sont attendus parmi lesquels l’ayatollah Mohamed Baqr al-Hakim, le chef de l’ASRII, principale force d’opposition chiite au régime déchu de Saddam Hussein. Les fidèles venus commémorer le martyr de Hussein attendent d’ailleurs un signal politique fort. Ne leur a-t-on pas dit d’attendre le pèlerinage de Kerbala. «Ce sera historique car c’est à ce moment-là que l’on saura ou va le pays».
Depuis plusieurs jours déjà, un flot ininterrompu de pèlerins converge des quatre coins du pays vers Kerbala. On les voit arriver à pied –comme le recommandent les religieux–, parfois sans chaussures, par petits groupes ou par grappes. Nombreux portent des drapeaux noirs –symbole du chiisme– verts, de la couleur de l’islam, ou encore rouges pour symboliser le martyre de Hussein. Car c’est la mort violente en 680 du troisième imam du chiisme, décapité lors de la grande bataille de Kerbala qu’il a mené contre le califat des Omeyyades, que ces fidèles viennent commémorer. Régulièrement ils se cognent la poitrine en chœur et pleurent le sort d’Hussein. La plupart sont démunis et n’ont souvent aucun bagage mais ils savent qu’il peuvent compter sur la générosité de leurs concitoyens. Les dignitaires chiites ont en effet tout organisé. Sur les routes qui mènent à Kerbala, des abris ont été construits pour accueillir les fidèles pendant la nuit. De grandes tables ont également été dressées et les pèlerins peuvent s’y restaurer gratuitement. Dans la ville même, partout des dizaines de chaudrons débordant de riz et de mouton ainsi que des baignoires remplies d’eau rassasient et désaltèrent les passants.
La grande esplanade bordée de palmiers, située entre les deux mausolées sacrés de Hussein et de Abbas, son demi-frère, est le lieu de rendez-vous des pèlerins qui vont ensuite se recueillir sur le tombeau de l’imam martyr. Les femmes vêtues de noir pleurent, les hommes crient leur ferveur. Mais en dépit du deuil qui réunit tous ces fidèles, c’est la joie qui prédomine dans la ville sainte, celle de la liberté de culte retrouvée, celle de la fin de la répression aveugle qui a frappé les chiites pendant des décennies.
Une démonstration de force politique
Les célébrations, qui devraient culminer mardi et mercredi avec la présence à Kerbala de quelque quatre à cinq millions de pèlerins, devraient être également l’occasion pour la communauté chiite, frappée d’ostracisme par le régime de Saddam Hussein, de montrer son poids réel dans la société irakienne. Des leaders chiites comme notamment l’ayatollah Mohamed Baqr al-Hakim, le chef de l’ASRII, l’Assemblée suprême de la révolution islamique en Irak, ont d’ailleurs ouvertement appelé les fidèles à venir à Kerbala pour soutenir «un régime politique garantissant liberté, indépendance et justice pour tous les Irakiens sous le règne de l’islam». Ce chef religieux très respecté, qui vit en exil en Iran depuis 23 ans, a même appelé les pèlerins à exprimer «le rejet de toute domination étrangère», en Irak.
Ce refus de toute présence étrangère en Irak s’est déjà exprimé la semaine dernière lors de plusieurs manifestations où des chiites ont scandé des slogans hostiles aux Américains. Au cours de la prière du vendredi dernier les imams se sont même ouvertement opposés à la présence en Irak des forces de la coalition qualifiées de «mécréantes». «Nous refusons cette occupation étrangère, c’est un nouvel impérialisme et nous n’en voulons pas», avait notamment affirmé l’imam du mausolée sacré de Hussein à Kerbala dans un prêche suivi par des milliers de fidèles. Il a également dénoncé la présence de «ces politiciens qui reviennent en Irak, soutenus par les Américains et les Anglais» et appelé à «l’union des chiites derrière la parole de la Hawza», le clergé irakien.
Sans perdre son caractère religieux, le pèlerinage de Kerbala revêt cette année un caractère de rendez-vous politique. Plusieurs dignitaires religieux y sont attendus parmi lesquels l’ayatollah Mohamed Baqr al-Hakim, le chef de l’ASRII, principale force d’opposition chiite au régime déchu de Saddam Hussein. Les fidèles venus commémorer le martyr de Hussein attendent d’ailleurs un signal politique fort. Ne leur a-t-on pas dit d’attendre le pèlerinage de Kerbala. «Ce sera historique car c’est à ce moment-là que l’on saura ou va le pays».
par Mounia Daoudi
Article publié le 21/04/2003