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Politique française

Les socialistes veulent tourner la page

Les résultats du premier tour de l’élection présidentielle de 2002 avaient plongé le Parti socialiste dans une véritable torpeur. Jamais la gauche n’avait été absente du second tour d’un scrutin présidentiel depuis 1969. Un an après, le Parti socialiste tente d’oublier cet échec en préparant un congrès qui s’annonce crucial pour son avenir.
«Je me suis juré de ne jamais revivre un 21 avril».La phrase est de François Hollande, Premier secrétaire du Parti socialiste, tirée d’une l’interview publiée mercredi par le Nouvel Observateur. Comme lui, de nombreux cadres du Parti socialiste se sont promis de ne plus jamais subir un tel échec politique. Alors que tous s’interrogeaient tous sur la manière dont leur candidat Lionel Jospin allait pouvoir contrer Jacques Chirac au deuxième tour, ils ont connu une immense déconvenue en apprenant qu’il était éliminé de la course à la présidentielle par Jean-Marie Le Pen. Déjà effroyable, la soirée allait tourner au cauchemar quelques heures plus tard lorsque Lionel Jospin prenait la parole dans son QG de campagne et déclarait, en substance: «j'assume pleinement la responsabilité de cet échec et j'en tire les conclusions en me retirant de la vie politique, dès la fin de l'élection présidentielle. (…) J'invite les socialistes et la gauche à se mobiliser et à se rassembler dès maintenant pour les élections législatives, afin de préparer la reconstruction de l'avenir».

Le Parti socialiste perdait donc à la fois la possibilité de conquérir la présidence de la République et l’homme sur qui reposaient toutes ses espérances depuis sa courte défaite face à Jacques Chirac, sept années plus tôt. Les ténors du parti parlent de «terrible choc» et de «profond traumatisme». Le PS se retrouve déséquilibré et doit rapidement tirer les leçons de cet échec. Paradoxalement, le départ de Lionel Jospin ne l’y aide pas. La tentation est grande de voir en lui le seul responsable de la défaite et le fait qu’il l’ait lui-même reconnu publiquement permet aux autres dirigeants du Parti d’éviter toute autocritique. Quelques semaines avant les élections législatives, le plus important est de préserver l’unité du Parti. Une fois cette échéance passée, certains langues commencent à se délier. La première à parler est l’ancienne secrétaire d’Etat au Logement, Marie-Noëlle Lienneman. Elle publie un ouvrage intitulé Ma part d’inventaire en août 2002 dans lequel elle critique notamment la décision adoptée par Lionel Jospin le 21 avril au soir. «Pour moi, la coupe est pleine. Intuitivement, laisser la chaise vide devant la débâcle ne me paraît pas digne du leader de la gauche et de celui qui aspirait en notre nom aux plus hautes fonctions de l’Etat. (…) Face à l’adversité, le sens du devoir est parfois de s’oublier pour privilégier l’intérêt collectif».

Le seul débat qui prévaut ensuite au sein du PS est celui de savoir si cette formation a encore besoin ou non de Lionel Jospin pour se relancer. Les spéculations sur son éventuel retour vont bon train pendant de longs mois, et ce même malgré le silence médiatique dans lequel reste cloîtré Lionel Jospin pendant de longs mois. Les militants socialistes doivent attendre la fin de l’année 2002 pour le voir participer, en tant que simple militant, à une réunion d’une section socialiste parisienne. Son retour n’est cependant pas à l’ordre du jour, et Lionel Jospin se charge lui-même de confirmer son retrait de la politique dans un article fleuve qu’il signe dans le Monde. Le 14 avril, il accordait une interview à la radio Europe 1 dans laquelle il se qualifiait «d’homme libre» et rappelait une nouvelle fois qu’il ne reviendrait pas dans la vie politique.

Jospin refuse d’être «instrumentalisé»

Un an après le choc du 21 avril, certains n’hésitent pas à douter de la pertinence du choix des ténors du parti qui avaient immédiatement choisi d’appeler à voter en faveur de Jacques Chirac pour faire barrage au Front national. Lionel Jospin avait, lui, pris plusieurs jours de réflexion avant d’appeler les Français «à exprimer par leur vote leur refus de l’extrême droite». Ce choix cornélien a ensuite paralysé l’action de l’opposition qui ne pouvait pas attaquer de manière trop virulente le gouvernement d’un homme considéré comme le sauveur de la République. D’autant plus que l’équipe du Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a connu un état de grâce.

La donne a radicalement changé depuis quelques semaines. Tout d’abord parce qu’approche un congrès crucial pour l’avenir du parti, qui aura lieu du 16 au 18 mai à Dijon, et d’autre part en raison de la forte dégradation de la situation économique et sociale en France. Les vagues de licenciements se multiplient, les perspectives de croissance ne cessent d’être revues à la baisse, la grogne syndicale monte sur des sujets comme celui des retraites. Un terrain propice au retour en force de l’opposition. Dans un tract imprimé à deux millions d’exemplaires et distribué la semaine dernière, le Parti socialiste accuse ainsi le gouvernement de M.Raffarin d’avoir fait le choix d’une «politique qui fait chuter la croissance à 1,3%, augmenter le chômage et la précarité». Et François Hollande d’estimer la semaine dernière dans le Nouvel Observateur: «Aujourd’hui, les illusions présidentielles se dissipent. Notre tâche n’est pas d’attendre passivement que viennent le temps de l’alternance».

Sortant d’une longue période de léthargie, l’opposition socialiste souhaite donc se faire à nouveau entendre. Elle va affronter dès l’année prochaine de nouveaux défis électoraux avec l’organisation d’élections régionales. Or, le PS a besoin pour cela de retrouver une certaine cohésion. Une tâche difficile étant donné que plusieurs courants sont apparus en son sein, ou bien se sont renforcés. Cinq pôles distincts brigueront la direction du parti lors du congrès de Dijon. Une lutte ardue qui représente un véritable danger de désagrégation pour le parti. Le choix appartient désormais aux militants. L’un d’entre eux s’est déjà exprimé, Lionel Jospin, qui a rappelé son soutien à François Hollande. Et il a tenu à préciser qu’il ne se rendrait pas Dijon afin de ne pas «être instrumentalisé par quiconque dans le débat intérieur au PS».



par Olivier  Bras

Article publié le 21/04/2003