Irak
A Sadr City, les chiites profitent du vide du pouvoir
L’explosion d’un dépôt de munitions dans un quartier de la banlieue sud de Bagdad a fait des morts et des blessés civils. S'en est suivi une manifestation anti-américaine des habitants protestant contre la négligence de l'armée américaine selon laquelle le dépôt de munitions a été pris d’assaut et des projectiles ont mis le feu au bâtiment. Pendant ce temps, profitant de la vacance du pouvoir, les chiites s’installent aux commandes de certains quartiers de la capitale.
De notre envoyé spécial à Bagdad
«Ne dis rien, ne fais rien sans en référer au Hawza (centre d’enseignement religieux) de Nadja», cette banderole fraîchement déployée sur la façade de la mosquée de l’Imam Sajad, dans le quartier de Saddam City à Bagdad, donne le ton des changements en cours. Profitant des retards dans l’installation des nouvelles autorités par les Américains, les chiites comblent la vacance du pouvoir afin de peser dans l’Irak post-Saddam.
Longtemps opprimée par le régime baassiste, la communauté chiite entend bien prendre sa revanche, elle qui représentent plus de 50% de la population irakienne. Désormais, c’est de Nadjaf, ville qui abrite le tombeau d’Ali, le gendre du prophète Mohammed, qu’elle prend ouvertement ses directives auprès de la maja’iyya, la direction religieuse suprême des chiites.
C’est d’ailleurs cette dernière qui a ordonné que le quartier de Saddam City soit rebaptisé Sadr City, en mémoire de la célèbre lignée d’ayatollahs, dont certains furent physiquement liquidés par le régime de Saddam Hussein. Dans cette banlieue miséreuse, un million d’habitants s’entassent dans des conditions d’hygiène déplorables. Les services municipaux (distribution d’eau, d’électricité, entretien de la voirie, collecte des ordures ou égouts) sont squelettiques et erratiques. Aujourd’hui, les chiites de Sadr City veulent reprendre leur destin en main. Dans la discipline et l’ordre.
A l'entrée de l’hôpital Al-Qadissiyeh, la fouille au corps est devenue obligatoire. Depuis la chute du régime irakien, les chiites contrôlent l’établissement et ont imposé leur loi, un peu à la manière du Hezbollah au Liban-Sud ou dans la banlieue sud de Beyrouth. La sécurité de l’hôpital a été confiée à des étudiants en théologie de Nadjaf. «Personne n’est autorisé à pénétrer armé, nous surveillons tous les abords par des patrouilles», assure cheikh Haïdar Al-Tamimi, turban blanc sur la tête et robe de bure marron.
L’ancienne direction nommée par l’ex-ministère de la Santé a été licenciée et remplacée par un responsable qui a reçu le feu vert de la direction religieuse de Nadjaf. «Les cadres et le personnel médical commence à revenir travailler», explique cheikh Haïdar au milieu d’une cohue de patients. Leurs salaires sont désormais versés par Nadjaf.
Coopération temporaire
A Sadr City, tous les hôpitaux sont déjà passés dans le giron chiite. Les écoles sont encore fermées, mais elles pourraient connaître le même sort. «Des responsables locaux vont bientôt prendre en charge l’ensemble des services publics», assure cheikh Haïdar. Dans ce réduit de misère, la pauvreté offre un terreau d’action privilégié aux services sociaux chiites.
Pour le moment, les Américains se tiennent à l’écart et ne patrouillent pas dans Sadr City. Mais à terme la cohabitation risque d’être difficile, notamment au moment où les nouvelles autorités irakiennes entreront en fonction. Déjà, l’armée américaine a voulu nommer un nouveau gouverneur. En vain. «Nous avons organisé des manifestations pour exprimer notre hostilité et nous l’avons récusé» explique cheikh Haïdar. Depuis, des discussions sont en cours pour trouver un consensus sur un autre homme.
Les Américains sont donc loin d’avoir reçu un chèque en blanc de la part des chiites qui, à l’instar de tous les Irakiens, exigent d’eux un retour rapide à la normale des services publics (eau, électricité, téléphone). «Nous ne voulons pas de présence américaine à long terme, lance cheikh Najah Al-Najdi, étudiant en théologie. Nous n’avons pas l’intention de collaborer avec les forces d’invasion et d’occupation. Il s’agit d’une coopération temporaire. Si la présence américaine se transforme en une forme de colonisation, nous prendrons toutes les mesures pour faire changer cela. Mais c’est la marja’iyaa de Nadjaf qui aura le dernier mot. Si elle décrète la guerre sainte contre les Américains nous deviendrons des moujahidins».
Aujourd’hui, la direction religieuse chiite joue la carte légaliste pour apaiser les craintes des Américains et des autres communautés religieuses, en particulier sunnite. Une banderole proclame à l’entrée de l’hôpital Al-Qadissiyeh: «Pas de différence entre sunnites et chiites». Les nouveaux maîtres de Sadr City tiennent à donner une image de respectabilité et de responsabilité.
Dans la cour de la mosquée de l’Imam Sajad, un ouléma en turban noir désigne les dizaines de sacs de sucre, les bouteilles de gaz, le matériel de bureau et les ordinateurs dérobés dans les ministères et les magasins d’Etat. Les appels au retour de ces rapines lancés des mosquées ont porté leurs fruits. «Nous allons restituer toutes ces marchandises, affirme Haitham Al-Hawari. Non pas aux Américains mais à l’administration locale que nous dira de reconnaître la direction de Nadjaf».
«Ne dis rien, ne fais rien sans en référer au Hawza (centre d’enseignement religieux) de Nadja», cette banderole fraîchement déployée sur la façade de la mosquée de l’Imam Sajad, dans le quartier de Saddam City à Bagdad, donne le ton des changements en cours. Profitant des retards dans l’installation des nouvelles autorités par les Américains, les chiites comblent la vacance du pouvoir afin de peser dans l’Irak post-Saddam.
Longtemps opprimée par le régime baassiste, la communauté chiite entend bien prendre sa revanche, elle qui représentent plus de 50% de la population irakienne. Désormais, c’est de Nadjaf, ville qui abrite le tombeau d’Ali, le gendre du prophète Mohammed, qu’elle prend ouvertement ses directives auprès de la maja’iyya, la direction religieuse suprême des chiites.
C’est d’ailleurs cette dernière qui a ordonné que le quartier de Saddam City soit rebaptisé Sadr City, en mémoire de la célèbre lignée d’ayatollahs, dont certains furent physiquement liquidés par le régime de Saddam Hussein. Dans cette banlieue miséreuse, un million d’habitants s’entassent dans des conditions d’hygiène déplorables. Les services municipaux (distribution d’eau, d’électricité, entretien de la voirie, collecte des ordures ou égouts) sont squelettiques et erratiques. Aujourd’hui, les chiites de Sadr City veulent reprendre leur destin en main. Dans la discipline et l’ordre.
A l'entrée de l’hôpital Al-Qadissiyeh, la fouille au corps est devenue obligatoire. Depuis la chute du régime irakien, les chiites contrôlent l’établissement et ont imposé leur loi, un peu à la manière du Hezbollah au Liban-Sud ou dans la banlieue sud de Beyrouth. La sécurité de l’hôpital a été confiée à des étudiants en théologie de Nadjaf. «Personne n’est autorisé à pénétrer armé, nous surveillons tous les abords par des patrouilles», assure cheikh Haïdar Al-Tamimi, turban blanc sur la tête et robe de bure marron.
L’ancienne direction nommée par l’ex-ministère de la Santé a été licenciée et remplacée par un responsable qui a reçu le feu vert de la direction religieuse de Nadjaf. «Les cadres et le personnel médical commence à revenir travailler», explique cheikh Haïdar au milieu d’une cohue de patients. Leurs salaires sont désormais versés par Nadjaf.
Coopération temporaire
A Sadr City, tous les hôpitaux sont déjà passés dans le giron chiite. Les écoles sont encore fermées, mais elles pourraient connaître le même sort. «Des responsables locaux vont bientôt prendre en charge l’ensemble des services publics», assure cheikh Haïdar. Dans ce réduit de misère, la pauvreté offre un terreau d’action privilégié aux services sociaux chiites.
Pour le moment, les Américains se tiennent à l’écart et ne patrouillent pas dans Sadr City. Mais à terme la cohabitation risque d’être difficile, notamment au moment où les nouvelles autorités irakiennes entreront en fonction. Déjà, l’armée américaine a voulu nommer un nouveau gouverneur. En vain. «Nous avons organisé des manifestations pour exprimer notre hostilité et nous l’avons récusé» explique cheikh Haïdar. Depuis, des discussions sont en cours pour trouver un consensus sur un autre homme.
Les Américains sont donc loin d’avoir reçu un chèque en blanc de la part des chiites qui, à l’instar de tous les Irakiens, exigent d’eux un retour rapide à la normale des services publics (eau, électricité, téléphone). «Nous ne voulons pas de présence américaine à long terme, lance cheikh Najah Al-Najdi, étudiant en théologie. Nous n’avons pas l’intention de collaborer avec les forces d’invasion et d’occupation. Il s’agit d’une coopération temporaire. Si la présence américaine se transforme en une forme de colonisation, nous prendrons toutes les mesures pour faire changer cela. Mais c’est la marja’iyaa de Nadjaf qui aura le dernier mot. Si elle décrète la guerre sainte contre les Américains nous deviendrons des moujahidins».
Aujourd’hui, la direction religieuse chiite joue la carte légaliste pour apaiser les craintes des Américains et des autres communautés religieuses, en particulier sunnite. Une banderole proclame à l’entrée de l’hôpital Al-Qadissiyeh: «Pas de différence entre sunnites et chiites». Les nouveaux maîtres de Sadr City tiennent à donner une image de respectabilité et de responsabilité.
Dans la cour de la mosquée de l’Imam Sajad, un ouléma en turban noir désigne les dizaines de sacs de sucre, les bouteilles de gaz, le matériel de bureau et les ordinateurs dérobés dans les ministères et les magasins d’Etat. Les appels au retour de ces rapines lancés des mosquées ont porté leurs fruits. «Nous allons restituer toutes ces marchandises, affirme Haitham Al-Hawari. Non pas aux Américains mais à l’administration locale que nous dira de reconnaître la direction de Nadjaf».
par Christian Chesnot
Article publié le 26/04/2003