Cameroun
L’après-Biya reste tabou
Le quotidien privé Mutations a été empêché de paraître ce lundi, et son directeur responsable a été appréhendé, pour avoir osé affronter un sujet qui est pourtant sur toutes les lèvres: qui prendra la place de Biya, si celui-ci (70 ans) ne se représente pas l’année prochaine ?
Il a suffi que le quotidien indépendant Mutations décide d’aborder longuement la prochaine échéance présidentielle, en 2004, pour que des gendarmes saisissent la disquette permettant son impression et empêchent ainsi la parution du journal, ce lundi 14 avril. Un peu plus tard, «les gendarmes sont venus au siège du journal et ont emmené Haman Mana», le directeur de publication; «apparemment ils cherchaient tous ceux qui avaient participé au dossier sur la succession de Paul Biya, mais ils ne les ont pas trouvés», selon l’un des journalistes.
Une fois de plus, l’élection présidentielle de l’année prochaine est à l’origine de cette nouvelle affaire de censure. Dans un long dossier intitulé «Après-Biya : incertitudes de fin de règne», Mutations traite en profondeur les enjeux cachés de cette échéance. «Qu’est-ce qui peut se cacher derrière ce qui apparaît comme une panique générale, écrit-il, si ce n’est la peur d’imaginer que Paul Biya décide de se retirer alors qu’il y a tellement de clans et, donc, tellement d'intérêts contradictoires que lui seul, sans être éternel, peut gérer ?»
Pour le quotidien d’opposition, le président Biya n’a apparemment pas encore dit oui à ceux qui souhaitent le voir se représenter, en dépit de son âge (70 ans): «Que se passera-t-il si malgré tout le chef d’Etat reste insensible à toute cette grande hypocrisie et décide de consacrer la fin de ses jours à sa famille dont il ne se sépare plus? Mutations pose en public les grandes questions politiques de l’heure que certains souhaitent rendre tabou». Ce que le régime Biya, qui dans le passé avait encouragé la liberté d’opinion, ne supporte plus. «A quoi reconnaît-on un régime à bout de souffle? écrit le quotidien. A la manière dont subitement la presse est bâillonnée, pratiquement obligée de chanter les louanges d’un individu présenté comme Dieu vivant; au climat d’affairisme qui se développe autour de sa personne qui est alors utilisée plus comme un gadget que comme un programme politique».
Le retour de fait du parti unique
Les journalistes de Mutations s’attaquent également aux différents «clans» proches du pouvoir - et notamment de la présidente Chantal Biya - et dénoncent avec inquiétude l’existence de véritables «milices» exerçant des formes nouvelles de violence. Ils n’oublient pas non plus de faire un portrait - pas très flatteur - des partis d’opposition, plus que jamais divisés entre eux à un an d’un scrutin important. «Où est passée l’opposition camerounaise ? se demandent-ils. John Fru Ndi («chairman» du SDF) n’a plus de discours et a même eu l’intelligence, ces derniers mois, de se taire, au point de faire croire qu’il avait disparu de la circulation. Bello Bouba Maigari (Nord) a réussi l’exploit, en 1997, de prôner le boycott à la présidentielle, d’embarquer de gros bonnets comme John Fru Ndi et Adamou Ndam Njoya, avant de retrouver dans un gouvernement de Paul Biya quelques semaines plus tard». Pour Mutations «tout cela a eu pour conséquence le retour de fait du parti unique, avec cette écrasante majorité du RDPC (le parti de Biya) à l’Assemblée nationale».
Une chose est sure: plusieurs opposants brigueront l’investiture suprême l’année prochaine: dans le désordre. Tout dépendra donc de la présence d’une véritable commission électorale indépendante (ce qui permettrait d’éviter les fraudes massives enregistrées notamment en 1992) mais aussi du type de scrutin qui sera alors en vigueur: à un ou deux tours ? Il va de soi que l’opposition pourrait se regrouper au second tour, après s’être comptée au premier. Mais pour cela, il faudrait auparavant modifier la loi électorale.
Une fois de plus, l’élection présidentielle de l’année prochaine est à l’origine de cette nouvelle affaire de censure. Dans un long dossier intitulé «Après-Biya : incertitudes de fin de règne», Mutations traite en profondeur les enjeux cachés de cette échéance. «Qu’est-ce qui peut se cacher derrière ce qui apparaît comme une panique générale, écrit-il, si ce n’est la peur d’imaginer que Paul Biya décide de se retirer alors qu’il y a tellement de clans et, donc, tellement d'intérêts contradictoires que lui seul, sans être éternel, peut gérer ?»
Pour le quotidien d’opposition, le président Biya n’a apparemment pas encore dit oui à ceux qui souhaitent le voir se représenter, en dépit de son âge (70 ans): «Que se passera-t-il si malgré tout le chef d’Etat reste insensible à toute cette grande hypocrisie et décide de consacrer la fin de ses jours à sa famille dont il ne se sépare plus? Mutations pose en public les grandes questions politiques de l’heure que certains souhaitent rendre tabou». Ce que le régime Biya, qui dans le passé avait encouragé la liberté d’opinion, ne supporte plus. «A quoi reconnaît-on un régime à bout de souffle? écrit le quotidien. A la manière dont subitement la presse est bâillonnée, pratiquement obligée de chanter les louanges d’un individu présenté comme Dieu vivant; au climat d’affairisme qui se développe autour de sa personne qui est alors utilisée plus comme un gadget que comme un programme politique».
Le retour de fait du parti unique
Les journalistes de Mutations s’attaquent également aux différents «clans» proches du pouvoir - et notamment de la présidente Chantal Biya - et dénoncent avec inquiétude l’existence de véritables «milices» exerçant des formes nouvelles de violence. Ils n’oublient pas non plus de faire un portrait - pas très flatteur - des partis d’opposition, plus que jamais divisés entre eux à un an d’un scrutin important. «Où est passée l’opposition camerounaise ? se demandent-ils. John Fru Ndi («chairman» du SDF) n’a plus de discours et a même eu l’intelligence, ces derniers mois, de se taire, au point de faire croire qu’il avait disparu de la circulation. Bello Bouba Maigari (Nord) a réussi l’exploit, en 1997, de prôner le boycott à la présidentielle, d’embarquer de gros bonnets comme John Fru Ndi et Adamou Ndam Njoya, avant de retrouver dans un gouvernement de Paul Biya quelques semaines plus tard». Pour Mutations «tout cela a eu pour conséquence le retour de fait du parti unique, avec cette écrasante majorité du RDPC (le parti de Biya) à l’Assemblée nationale».
Une chose est sure: plusieurs opposants brigueront l’investiture suprême l’année prochaine: dans le désordre. Tout dépendra donc de la présence d’une véritable commission électorale indépendante (ce qui permettrait d’éviter les fraudes massives enregistrées notamment en 1992) mais aussi du type de scrutin qui sera alors en vigueur: à un ou deux tours ? Il va de soi que l’opposition pourrait se regrouper au second tour, après s’être comptée au premier. Mais pour cela, il faudrait auparavant modifier la loi électorale.
par Elio Comarin
Article publié le 15/04/2003