Liban
«Démission»-surprise d’Hariri
La démission du Premier ministre libanais Rafic Hariri et de son gouvernement constitue la première répercussion directe sur le Liban de la guerre en Irak. Soumise à de fortes pressions américaines, la Syrie a décidé de réagir en consolidant son flanc le plus fragile, le pays du cèdre.
De notre correspondant à Beyrouth
Il y a quelques jours à peine, Rafic Hariri affirmait à la presse qu’un changement de gouvernement au Liban était injustifié. «Il s’agit d’une opinion et non pas d’une décision», s’est-il empressé d’ajouter. Heureuse précaution. Car en remettant, contre toute attente, mardi soir, sa démission au chef de l’État, Hariri a prouvé à ceux qui en doutaient encore que les grands choix de politique interne libanaise sont arrêtés à Damas.
La décision prise rapidement par les autorités syriennes de former un nouveau gouvernement au Liban, répond à des urgences apparues au lendemain de la chute spectaculaire de Bagdad. Certes, le président de la Chambre, Nabih Berri, réclamait depuis des semaines voire des mois, le remplacement de l’équipe actuelle, et le chef de l’État, le général Émile Lahoud, s’était dernièrement laissé convaincre par ses arguments. Mais la Syrie, qui déteste par nature les grands changements, avait jugé inutile d’exaucer les vœux de ses alliés libanais. Que s’est-il donc passé de si grave pour que les dirigeants syriens changent soudain d’avis ?
Les observateurs politiques à Beyrouth établissent un lien direct entre les pressions multiformes exercées par les dirigeants américains sur Damas, couplées de menaces de sanctions diverses, et la décision de former un nouveau gouvernement au Liban.
Pressions et menaces américaines
Les responsables syriens sont convaincus que la guerre contre l’Irak ne constitue que la première phase d’un plan américain destiné à «remodeler» le Proche-Orient, comme l’a explicitement déclaré le secrétaire d’État Colin Powell devant une sous-commission du Congrès. Avant même le début des opérations militaires en Irak, ils savaient que leur tour viendraient ensuite. Cela explique en grande partie leur attitude avant et pendant la guerre: condamnation de l’offensive alliée, ouverture des frontières devant des milliers de volontaires arabes allés prêter main forte aux Irakiens...La suite des événements semble donner raison aux responsables syriens. Car à peine le canon a-t-il cessé de tonner à Bagdad que George Bush, Donald Rumsfeld et Colin Powell se relayaient pour accuser la Syrie de donner refuge aux dirigeants irakiens déchus, de soutenir le terrorisme, voire de développer un programme d’armes chimiques.
Tout en sachant qu’une offensive militaire américaine est peu probable, du moins à court terme, les responsables syriens se préparent néanmoins à faire face à de très fortes pressions politiques, diplomatiques et économiques de la part des États-Unis. Or le Liban, où une partie de l’opposition dite chrétienne réclame le départ des forces syriennes, constitue une des scènes les plus propices à ces pressions. Pour consolider ce flanc mou, Damas a donc décidé d’encourager la formation d’un nouveau gouvernement, plus homogène, plus élargi et, par conséquence, plus solide. En associant une partie de l’opposition au pouvoir, la Syrie espère la neutraliser et empêcher qu’elle ne soit utilisée comme cheval de Troie par l’Amérique.
Cette mesure est d’autant plus importante que le Congrès américain s’apprête à examiner, prochainement, un projet de loi baptisé «Syria accountability act» qui préconise des sanctions multiformes contre la Syrie pour «son soutien au terrorisme et son occupation du Liban». Ce projet bénéficie de l’appui de nombreux membres du Congrès, mais aussi d’un des représentants de l’opposition libanaise, Michel Aoun. Le général en exil s’est même rendu aux Etats-Unis, vers la mi-mars, pour faire du lobbying auprès des courants de la droite néo-conservatrice américaine.
La formation d’un nouveau gouvernement au Liban constitue, en quelque sorte, une mesure préventive en attendant le pire. Et même si M. Hariri sera probablement chargé de diriger le prochain cabinet, il est presque certain que sa position sera moins confortable qu’elle ne l’était dans l’équipe précédente.
Il y a quelques jours à peine, Rafic Hariri affirmait à la presse qu’un changement de gouvernement au Liban était injustifié. «Il s’agit d’une opinion et non pas d’une décision», s’est-il empressé d’ajouter. Heureuse précaution. Car en remettant, contre toute attente, mardi soir, sa démission au chef de l’État, Hariri a prouvé à ceux qui en doutaient encore que les grands choix de politique interne libanaise sont arrêtés à Damas.
La décision prise rapidement par les autorités syriennes de former un nouveau gouvernement au Liban, répond à des urgences apparues au lendemain de la chute spectaculaire de Bagdad. Certes, le président de la Chambre, Nabih Berri, réclamait depuis des semaines voire des mois, le remplacement de l’équipe actuelle, et le chef de l’État, le général Émile Lahoud, s’était dernièrement laissé convaincre par ses arguments. Mais la Syrie, qui déteste par nature les grands changements, avait jugé inutile d’exaucer les vœux de ses alliés libanais. Que s’est-il donc passé de si grave pour que les dirigeants syriens changent soudain d’avis ?
Les observateurs politiques à Beyrouth établissent un lien direct entre les pressions multiformes exercées par les dirigeants américains sur Damas, couplées de menaces de sanctions diverses, et la décision de former un nouveau gouvernement au Liban.
Pressions et menaces américaines
Les responsables syriens sont convaincus que la guerre contre l’Irak ne constitue que la première phase d’un plan américain destiné à «remodeler» le Proche-Orient, comme l’a explicitement déclaré le secrétaire d’État Colin Powell devant une sous-commission du Congrès. Avant même le début des opérations militaires en Irak, ils savaient que leur tour viendraient ensuite. Cela explique en grande partie leur attitude avant et pendant la guerre: condamnation de l’offensive alliée, ouverture des frontières devant des milliers de volontaires arabes allés prêter main forte aux Irakiens...La suite des événements semble donner raison aux responsables syriens. Car à peine le canon a-t-il cessé de tonner à Bagdad que George Bush, Donald Rumsfeld et Colin Powell se relayaient pour accuser la Syrie de donner refuge aux dirigeants irakiens déchus, de soutenir le terrorisme, voire de développer un programme d’armes chimiques.
Tout en sachant qu’une offensive militaire américaine est peu probable, du moins à court terme, les responsables syriens se préparent néanmoins à faire face à de très fortes pressions politiques, diplomatiques et économiques de la part des États-Unis. Or le Liban, où une partie de l’opposition dite chrétienne réclame le départ des forces syriennes, constitue une des scènes les plus propices à ces pressions. Pour consolider ce flanc mou, Damas a donc décidé d’encourager la formation d’un nouveau gouvernement, plus homogène, plus élargi et, par conséquence, plus solide. En associant une partie de l’opposition au pouvoir, la Syrie espère la neutraliser et empêcher qu’elle ne soit utilisée comme cheval de Troie par l’Amérique.
Cette mesure est d’autant plus importante que le Congrès américain s’apprête à examiner, prochainement, un projet de loi baptisé «Syria accountability act» qui préconise des sanctions multiformes contre la Syrie pour «son soutien au terrorisme et son occupation du Liban». Ce projet bénéficie de l’appui de nombreux membres du Congrès, mais aussi d’un des représentants de l’opposition libanaise, Michel Aoun. Le général en exil s’est même rendu aux Etats-Unis, vers la mi-mars, pour faire du lobbying auprès des courants de la droite néo-conservatrice américaine.
La formation d’un nouveau gouvernement au Liban constitue, en quelque sorte, une mesure préventive en attendant le pire. Et même si M. Hariri sera probablement chargé de diriger le prochain cabinet, il est presque certain que sa position sera moins confortable qu’elle ne l’était dans l’équipe précédente.
par Paul Khalifeh
Article publié le 16/04/2003