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Corée

Américains et Nord-Coréens autour du tapis vert

A Pékin, des négociations devant durer trois jours ont débuté ce mercredi entre Américains et Nord-coréens après six mois de tension due à la crise nucléaire ouverte en octobre 2002. Le secrétaire d’Etat adjoint pour l’Extrême-Orient James Kelly va réclamer l’abandon par Pyongyang de son programme nucléaire militaire. Son homologue Li Gun va pour sa part exiger un pacte de non-agression assorti d’aides économiques. Des discussions se déroulent en présence de la directrice du département Asie du ministère chinois des Affaires étrangères dans un climat de guerre froide. Depuis le début de la semaine, la presse mondiale se fait l’écho de diverses révélations troublantes.
De notre correspondant à Séoul.

«La défection d’un scientifique nord-coréen», a titré lundi le quotidien The Australian. Selon le journal, depuis octobre 2002 les Etats-Unis auraient organisé l’exfiltration via la Chine d’une vingtaine d’officiers nord-coréens et de Kyong Won-ha, présenté comme étant l’un des pères du nucléaire nord-coréen. Dans un article digne des meilleurs romans d’espionnage, on apprend que l’opération Weasel (opération Belette) a impliqué onze pays dont Nauru, un petit Etat du Pacifique proche de la Nouvelle-Zélande qui a joué un rôle déterminant. Washington n’a pas démenti et un journal de Séoul a publié les propos d’un officiel nord-coréen minimisant la défection de Kyong Won-ha, précisant que ce n’était qu’un second couteau.

Hier, le New York Times affirmait que le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld avait récemment diffusé au sein de l’administration américaine un mémorandum secret proposant que Washington et Pékin fassent cause commune pour faire chuter le régime stalinien de Kim Jung-il. Le même jour, encore dans The Australian, on apprenait que, selon des milieux bien informés de Canberra proches des stratèges américains, le Pentagone aurait mis au point un plan détaillé de bombardement du site nucléaire de Yongbyon accusé d’être au cœur du programme nucléaire de la Corée du Nord.

Le double-jeu chinois

Cette première rencontre est un compromis entre la volonté de Pyongyang d’obtenir un face à face avec la Maison Blanche et celle des Etats-Unis qui souhaitent des négociations dans un cadre régional avec la présence des Japonais et des Sud-coréens. Ce premier round ne devrait pas déboucher sur un accord mais permettre de définir s’il existe un terrain d’entente possible. Bien que le Conseil de sécurité de l’ONU soit saisi du dossier, les Nations unies sont sur la touche après une première réunion qui n’a débouché sur rien en raison de l’opposition chinoise. Les pays de la région (Chine, Russie, Japon et Corée du Sud) semblent vouloir laver leur linge sale en famille et sont tous opposés à un rôle de l’ONU dans l’ébauche d’une solution pacifique à la crise.
Du côté des observateurs, le débat fait rage pour tenter de déterminer l’influence de la guerre en Irak sur le comportement de la Corée du Nord. Pour certains, l’effondrement du régime irakien a eu l’effet d’un coup de semonce sur Kim Jung-il qui aurait alors assoupli sa position et accepté ces négociations tripartites. D’autres au contraire soutiennent que la volonté nord-coréenne de recourir à la dissuasion nucléaire sort renforcée.

Malgré l’optimisme affiché par le président américain George W. Bush dimanche soir, les positions sont très tranchées. Tout en déclarant vouloir «négocier sérieusement», les Etats-Unis ont annoncé qu’ils ne cèderont pas au chantage nucléaire de la Corée du Nord, pays où les pénuries sont dramatiquement chroniques. Les autorités de Pyongyang en rétorquant que le recyclage de 8000 barres de combustibles était en bonne voie ont sous-entendu qu’il n’était pas question d’interrompre ce programme.

Reste l’influence du double-jeu Chinois. Pékin veut assagir son turbulent voisin tout en s’opposant à l’influence américaine en Asie. Officiellement, Pékin a déclaré vouloir jouer un rôle constructif sans avoir l’intention d’intervenir directement au cours des négociations. Officieusement, la Chine souhaite une péninsule dénucléarisée pour éviter toute escalade dans la région. Encore faut-il qu’elle soit en mesure de convaincre Washington d’en payer la facture.



par Alain  Devalpo

Article publié le 23/04/2003