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Congo démocratique

Quel bilan des tueries ?

Les institutions de la transition se mettent en place à Kinshasa, mais l’instabilité militaire dans la région de l’Ituri contrarie le bon déroulement du processus. La situation paraît suffisamment inquiétante pour que tous les acteurs de la vie politique au Congo entérinent la création de commissions ad hoc chargées de faire la lumière sur les massacres inter-ethniques du début du mois dans le nord-est du pays.
Les affrontements du début du mois entre les communautés Lendu et Héma auraient fait environ 350 morts, un millier selon certaines sources. La communauté Héma, principale victime des massacres accuse la communauté Lendu d’avoir planifié et organisé les tueries à Drodro le 3 avril dernier. Les victimes accusent leurs rivaux Lendu, d’avoir reçu l’appui des l’armée rwandaise et de la rébellion du RCD-Goma (Rassemblement congolais pour la démocratie). L’Armée patriotique rwandaise dément ces allégations et prétend ne plus entretenir de troupes en République démocratique du Congo. Le RCD-Goma rejette aussi toute implication dans ces événements. Face à la gravité de la situation le HCR (Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies) dépêche sur place une mission d’enquête.

Composée de quinze personnes, cette mission est présente sur le terrain depuis le 15 avril. Elle procèdera aux investigations de rigueur, essentiellement l’ouverture des fosses communes pour un décompte des victimes et l’examen des corps qui permet de préciser les armes utilisées par les assaillants. Les experts obtiennent aussi par cette opération de bonnes indications sur les origines des armes sur les groupes armés censés les détenir. La mission composée des membres du bureau du Haut commissariat aux droits de l’homme de Kinshasa et de la Monuc (Mission des Nations unies au Congo), reviendra à Kinshasa le 23 avril pour établir et préparer les résultats de l’enquête à rendre public. «Les auteurs de ces exactions atroces seront placés sous les feux des projecteurs et devront répondre de leurs actes. Ils pourront aussi éventuellement faire l’objet de poursuites devant la Cour pénale internationale», précise Sergio Vieira de Mello, le Haut commissaire de l’ONU aux droits de l’homme.

En marge de cette activité, la Commission de pacification de l’Ituri (CPI), issue de l’accord de paix entre la RDC et l’Ouganda a clôturé ses travaux de 10 jours le lundi 14 avril par une séries de mesures annoncées en faveur de la préservation de la paix dans cette région. Au nombre de 177, les délégués issus de tous les mouvements armés, de la société civile, des gouvernements de la RDC et de l’Ouganda et aussi de la Monuc, ont adopté une série de mesures pour tenter de mettre fin aux hostilités récurrentes dans la région. Après avoir reconnu les quatre entités territoriales de l’Ituri, les délégués de la CPI ont mis à leur tête des responsables, eux-mêmes placés sous l’autorité d’un coordinateur principal de l’organe exécutif intérimaire. Il aura le titre de commissaire et sera flaqué de quatre adjoints chargés de l’administration, de l’infrastructure, des finances et de l’économie. Dans l’attente de la nomination gouvernement provisoire régional, les délégués de la CPI sont convenus de la création d’une Assemblée provisoire de 32 membres. Ils ont également décidé de la mise sur pied d’une Commission de prévention et de vérification de 18 membres qui aura pour tâche d’apprécier tous comportements susceptibles de jeter de l’huile sur le feu, elle a aussi le pouvoir de désigner nommément les responsables de malversations qui pourront faire l’objet d’enquête plus approfondie.

La transition contrariée

Sur le plan militaire, un comité consultatif de 9 membres, issus des groupes armés impliqués dans les conflits est chargé d’évaluer la sécurité dans la région et les forces en présence. Il étudiera aussi la démobilisation des enfants-soldats. Pour la garantie du respect des droits de l’homme, une instance de 17 membres sera en charge des dossiers pour recevoir les plaintes et assurer leur suivi juridique. Les délégués de la Commission de pacification de l’Ituri ont enfin accepté de placer les différents organes provisoires créés sous la présidence de la Monuc. Les ambassadeurs des pays membres permanents du Conseil de sécurité des nations unies (la France, la Grande Bretagne, les Etats-Unis, la Russie, la Chine), de l’Angola du Cameroun et de la Guinée, de la Belgique ont assuré la CPI du soutien de la communauté internationale.

Pendant ce temps à Kinshasa, la transition est officiellement installée et le président Kabila commence par poser les premiers actes de son nouveau mandat, sous la haute surveillance du Comité international de suivi de l’accord global et inclusif adopté le 1er avril à Sun City en Afrique du sud. Ce comité international comprend la Monuc, les cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité, la Belgique, la Canada, l’Afrique du sud, l’Angola, la Zambie et la Commission européenne. Ce comité a prévu des rencontres régulières avec le chef de l’Etat Joseph Kabila qui préside lui la Commission de suivi dudit accord, organe de mise en application des résultats du dialogue inter-congolais. Cette institution a prévu des réunions hebdomadaires, certainement pour ne pas se laisser distancer par le gouvernement.

Les premiers actes de la transition sont la mise en place d’une force neutre chargée de la sécurisation des institutions de la transition et de leurs animateurs et la formation d’une armée restructurée. Ces deux points sont loin de trouver une réponse rapide du fait de la persistance des combats entre milices rivales et de la présence des troupes étrangères sur le territoire national congolais, et précisément dans l’est du pays. Par ailleurs le RCD-Goma attend la formation d’une force de police intégrée et des mesures de sécurité avant d’envoyer ces cadres occuper des fonctions de vice-président et de ministres ou d’experts dans les différents organes de la république.

Mais le gouvernement de Kinshasa, fort de l’appui international, considère que la transition est engagée. Le président Kabila vient de promulguer un décret amnistiant «les faits de guerre, les infractions politiques et d’opinion». Cette mesure d’amnistie exclut «les crimes de guerre, crimes de génocide et de crimes contre l’humanité». Elle couvre toute la période qui marque l’entrée dans le conflit congolais de l’Ouganda, du Rwanda, et du Burundi, qui ont apporté leur soutien aux mouvements rebelles. Pour le gouvernement de Kinshasa cette mesure favorisera la réconciliation nationale et permettra aux rebelles d’intégrer de «manière citoyenne» les organes de la nouvelle République. L’Ouganda manifeste ses bonnes dispositions face à la réconciliation congolaise en annonçant le retrait total de ses troupes du Congo le 24 avril prochain. Les deux mille soldats qui seront maintenus sur le sol congolais seront placés sous mandat d’un accord exceptionnel avec le gouvernement congolais pour la surveillance des frontières. Le Rwanda a officiellement annoncé qu’il n’entretenait plus de soldats en RDC.



par Didier  Samson

Article publié le 17/04/2003