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Iran

Tension américano-iranienne

Profitant de la visite de Dominique de Villepin à Téhéran, le chef de la diplomatie iranienne, Kamal Kharazi, a totalement rejeté les déclarations des Américains accusant Téhéran d’envoyer en Irak des agents iraniens ainsi que des combattants chiites irakiens formés en Iran.
De notre correspondant à Téhéran

«Ces accusations sont sans fondement», a déclaré Kamal Kharazi. Mais il a aussitôt ajouté que «la brigade Badr était un mouvement irakien et ne comprenait aucun Iranien, et chaque Irakien a le droit d'être présent en Irak et de jouer un rôle pour déterminer le futur régime politique irakien». Or, les Etats-Unis accusent précisément l’Iran d’envoyer en Irak des combattants de la brigade Badr, la branche armée de l’Assemblée suprême de la réovlution islamique en Irak (ASRII). Principal groupe de l’opposition chiite irakienne, ce mouvement islamiste dirigé par l’ayatollah Mohammad Baqr Hakim est basé et soutenu par l’Iran depuis sa création il y a plus de vingt ans. Les diplomates occidentaux basés à Téhéran estiment le nombre des combattants de la brigade Badr en Iran à environ 10 000 hommes.

Alors que jusque-là les Iraniens affirmaient toujours qu’ils n’autorisaient pas les membres de la brigade Badr retourner en Irak, désormais ils affirment que tous les Irakiens ont le droit de rentrer au pays pour influencer le cours des choses. En tout cas, ces déclarations interviennent moins de 24 heures après que la Maison Blanche eut prévenu qu'elle n'accepterait «aucune ingérence extérieure» en Irak. Washington réagissait aux informations de presse selon lesquelles Téhéran avait envoyé des agents auprès des chiites irakiens pour favoriser l'instauration d'un régime islamique en Irak. Selon le New York Times, les agents infiltrés par l'Iran appartiennent pour partie à la brigade Badr. D'autres seraient membres d'une unité spéciale des gardiens de la révolution, armée idéologique iranienne.

Face aux accusations américaines, Kamal Kharazi a répliqué en affirmant que les Etats-Unis, qui ont signé un accord de cessez-le-feu avec les moudjahidines du peuple, principal groupe de l’opposition armée iranienne basée en Irak, voulaient les utiliser contre l’Iran. «Si ces informations étaient exactes, s'ils (les moudjahidine du peuple) pouvaient effectivement rester là-bas (en Irak) et conserver leurs armes, cela révèlerait les intentions secrètes des Américains pour la région, cela serait contraire aux lois internationales et les Etats-Unis devraient en répondre», a déclaré Kamal Kharazi.

Principal groupe de l’opposition armée iranienne, les moudjahidines se sont installés en Irak au milieu des années 80. Soutenus et armés par le régime de Saddam Hussein, ils ont créé une véritable armée en exil qui disposait de 400 chars, de pièces d’artillerie et même de quelques hélicoptères, fournis pour l’essentiel par l’armée irakienne. Selon les sources occidentales, ils étaient plusieurs milliers de combattants et disposaient de plusieurs camps militaires.

«La ligne rouge passe sur nos frontières»

Les forces américaines ont bombardé à plusieurs reprises les bases du mouvement en Irak mais la signature d’un accord de cessez-le-feu a été présenté comme un «succès» par les dirigeants du mouvement. Les Américains n’ont pas précisé si les moudjahidines pouvaient conserver leur armement ou s’ils seraient désarmés. [A Doha, le général Vince Brooks a précisé que les moudjahidines étaient en tenue militaire «mais pas en formation de combat». Un porte-parole des Moudjahidines du peuple, Mohsen Nadi, a affirmé pour sa part que «les forces des moudjahidines vont garder leurs armes et c'est l'esprit de l'accord».] En tout cas, selon l’accord conclu, ils ont été contraints de rassembler leurs forces dans un camp au nord de Bagdad.

Avant la guerre, plusieurs responsables britanniques avaient pourtant affirmé aux Iraniens que les moudjahidines ne seraient pas autorisés à avoir des activités hostiles envers l’Iran depuis l’Irak voisin après la chute de Saddam Hussein. Certains experts estiment que les Etats-Unis, qui ont comme l’Union européenne, rangé les moudjahidines parmi les mouvements terroristes ont décidé de conserver cette carte pour faire pression sur le régime de Téhéran.

Profitant de la présence du chef de la diplomatie française Dominique de Villepin à Téhéran, Kamal Kharazi a également lancé une mise en garde contre la présence de marines américaines le long de la frontière irano-irakienne pour contrôler les mouvements depuis l’Iran notamment pour empêcher les infiltrations. Tout en estimant que les patrouilles américaines sur la frontière n’étaient pas «un phénomène nouveau» depuis le début de la guerre en Irak, Kamal Kharazi a affirmé que les Iraniens «allaient bien évidemment défendre leurs frontières». «La ligne rouge passe précisément sur nos frontières», a-t-il précisé.

Visiblement, le ton est monté d’un cran entre Téhéran et Washington alors que les Américains avaient, avant la guerre, plutôt adouci le ton à l’égard de l’Iran, qui avait décidé une «politique de neutralité active» dans l’affaire irakienne.



par Siavosh  Ghazi

Article publié le 25/04/2003