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Immigration

Le gouvernement réforme le droit d’asile

Le gouvernement a adopté mardi en conseil de ministres un projet de loi sur la réforme du droit d’asile. L’un des principaux objectifs est de rationaliser les procédures pour réduire les délais de traitement des dossiers qui ont eu tendance à s’allonger ces dernières années. Mais certaines dispositions envisagées sont dénoncées par les associations qui craignent que les droits des demandeurs ne pâtissent de cette réforme malgré la promesse du gouvernement de respecter «l’équité» et «les engagements internationaux de la France».
Le projet de loi sur le droit d’asile vise à répondre «à l’allongement excessif des délais de traitement des dossiers, au cumul des procédures et au détournement croissant des procédures d’asile au profit de l’immigration irrégulière», a expliqué Jean-François Copé, le porte-parole du gouvernement, à l’issue du conseil des ministres qui a entériné le texte mardi.

En quelques années, les statistiques ont, en effet, montré qu’il y avait eu en France une augmentation notable du nombre de demandes d’asile qui aurait atteint le chiffre record de 80 000 en 2001. Si la hausse est indéniable, les associations en relativisent malgré tout le rythme car un grand nombre de demandeurs sont, semble-t-il, répertoriés deux fois. Ils peuvent ainsi postuler auprès de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), et en parallèle déposer un dossier auprès de la préfecture qui est chargée des demandes d’asile territorial.

Malgré tout, cette situation a engendré, selon le gouvernement, une situation de saturation dont les demandeurs sont les premiers à pâtir puisqu’ils doivent parfois patienter jusqu’à deux ans avant de voir leur dossier examiné par le service compétent. La réforme proposée aujourd’hui doit donc permettre en créant un «guichet unique», en l’occurrence l’Ofpra, de limiter les délais et de les ramener rapidement à deux mois. De cette manière, le gouvernement entend aussi éviter que les demandes d’asile déposées abusivement pour prolonger des séjours sur le territoire français, ne deviennent des «vecteurs d’immigration irrégulière».

L’Ofpra, guichet unique

La centralisation de l’examen des demandes par l’Ofpra est accompagnée de la suppression de la procédure «d’asile territorial», créée en 1998 pour protéger les personnes susceptibles d’être persécutées par «des forces non gouvernementales», partis politiques mais aussi groupes religieux ou ethniques. Elle est remplacée par la «protection subsidiaire». Ce statut est accordé pour un an renouvelable mais peut être refusé si les autorités estiment que le bénéficiaire a commis un «crime» ou si sa «présence constitue une menace à la sécurité ou à l’ordre publics».

Les associations comme Amnesty international ont fait part de leur préoccupation sur ce point de la réforme proposée par le gouvernement. Elles estiment que le champ d’application de la protection subsidiaire est plus restrictif que celui de l’asile territorial car la notion de menace sur la liberté est supprimée. D’autre part, elles mettent en garde contre l’aspect précaire du statut octroyé dans ce cadre, qui peut à tout moment être retiré. Pour Patrick Delouvin, d’Amnesty International, «on mélange protection et contrôle policier».

L’introduction de la notion «d’asile interne» fait aussi l’objet de critiques des associations. Elle s’inspire des législations déjà en vigueur dans d’autres pays européens et permet de rejeter une demande si les autorités estiment que la personne peut bénéficier d’une protection réelle «sur une partie du territoire de son pays» dans laquelle sa vie n’est pas en danger. L’introduction de la notion de «pays sûr», c’est à dire considéré comme respectueux des droits de l’homme, va dans le même sens. Elle permet de rejeter une demande formulée par un ressortissant de l’un de ces pays (dont la liste n’est pour le moment pas établie), à l’issue d’une procédure «d’examen prioritaire» qui prévoit le traitement du dossier dans un délai d’une quinzaine de jours et n’autorise ni audition, ni recours.

Amnesty International déplore aussi que certaines des demandes qu’elle avait émises n’aient finalement pas été prises en compte. L’audition systématique des demandeurs d’asile par l’Ofpra ou le droit d’y être assisté par un avocat ne figure pas dans le texte. L’association a aussi fait part de ses craintes concernant l’indépendance de l’Office et le renforcement en son sein du rôle des ministères, notamment de celui de l’Intérieur, par rapport au Haut commissariat aux réfugiés qui y siège mais dont l’influence reste limitée. Les organisations non gouvernementales sont, quant à elles, tout bonnement exclues de l’Ofpra et de la Commission de recours des réfugiés, l’organisme chargé de gérer les appels. La Commission nationale consultative des droits de l’homme a, quant à elle, exprimé ses réserves en estimant que le texte «affecte à maints égards gravement le droit d’asile».



par Valérie  Gas

Article publié le 16/04/2003